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Bassin d’Arcachon : Nouveau cap chez Couach

Repris en 2011 par Nepteam, le chantier naval historique de Gujan-Mestras a opéré un repositionnement stratégique qui commence à porter ses fruits. Plus innovant, écoconscient et tourné vers les marchés français et européen, Couach a convaincu les clients et cherche désormais à pérenniser son modèle pour regagner la confiance des banques.

chantier naval Couach Bassin d’arcachon

Michel Cantelobre, directeur général adjoint du chantier naval Couach © Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

Le chantier naval Couach fêtera en 2022 ses 125 ans d’existence. Mais c’est une toute nouvelle version de lui que l’on découvre au port de Larros, à Gujan Mestras, où sont installés son siège et sa production, sur une superficie de 72 000 m2. Ce chantier spécialisé dans la construction de bateaux professionnels, de navires de défense et de grands yachts s’est résolument tourné vers l’ingénierie et l’innovation, en internalisant depuis quelques années toutes les phases de conception des bateaux. Ainsi, en plus des 22 hangars dédiés aux différentes étapes de la production (moulage, assemblage, équipement…) où flotte l’odeur de la résine, Couach dispose désormais d’un « bureau d’études, qui conçoit les projets ; un département systèmes, qui travaille sur l’intégration de systèmes complexes et leur interopérabilité ; un département calculs, capable de définir le format du bateau, ses caractéristiques et sa maintenance en fonction de ses missions ; et enfin un département de R&D, qui travaille en amont sur des prototypes de bateaux et de nouveaux concepts », détaille Michel Cantelobre, directeur technique aujourd’hui directeur général adjoint du chantier, qui a impulsé ce changement de cap à son arrivée en 2016. Couach, qui revendiquait déjà la particularité d’être le seul chantier en France à faire des bateaux en composite (plus léger et durable), construit ainsi des navires « de plus en plus techniques, dans des formats de plus en plus compacts ».

chantier naval Couach Bassin d’arcachon

Couach © Atelier Gallien – Echos Judiciaires Girondins

UN CONTRAT DE 100 MILLIONS D’EUROS SUR 10 ANS AVEC LA SNSM

Ce repositionnement technologique a été rendu nécessaire par les nouvelles attentes des clients, « qui expriment aujourd’hui leurs besoins en termes opérationnels et non plus avec des spécifications techniques. Ils souhaitent qu’on leur vende un bateau, qu’on les forme à l’utiliser et qu’on le maintienne pour eux, cela pendant un laps de temps donné, avec un coût global connu », explique Michel Cantelobre, selon qui « le métier de constructeur naval a énormément évolué » ces cinq dernières années. Une adaptation qui a permis à Couach de réaliser en 2019 une année record en termes de signatures de contrats et de remplir son carnet de commandes jusqu’en 2023.

Nous cherchons à nous assurer un chiffre d’affaires annuel récurrent de 50 millions d’euros

Le chantier, qui construit actuellement une vingtaine de bateaux simultanément, avec une capacité de production mensuelle de 4 unités, est « dans une phase d’exécution de quatre contrats » dont la totalité avoisine les 250 millions d’euros. Un yacht de 26 mètres qui doit être livré en début d’année ; la fourniture de 22 bateaux d’interception à la Police maritime royale du Sultanat d’Oman ; un contrat avec la Marine royale saoudienne portant sur 12 patrouilleurs de 22 mètres et leur maintien en conditions opérationnelles (MCO), à travers la filière de Couach présente en Arabie saoudite ; et enfin un contrat de 100 millions d’euros sur 10 ans pour le renouvellement de la flotte de la Société nationale de sauvetage enmer (SNSM), avec des navires de sauvetage hauturiers et côtiers de 12, 14 et 17 mètres, dont le fameux NSH1, qui a réussi son test de retournement dans le port d’Arcachon en septembre 2021.

MARCHÉ TRÈS PORTEUR

La signature de ce dernier contrat avec la SNSM correspond elle aussi à un tournant dans la stratégie commerciale de Couach, qui souhaite « recentrer son activité vers la France et l’Europe, et ainsi avoir moins de contraintes liées à l’environnement international et une meilleure maîtrise des risques », indique le directeur général adjoint du chantier, qui l’affirme : « le marché naval reste très porteur ». Ce modèle économique, composé pour la majorité de contrats dans le domaine de la défense (patrouilleurs et intercepteurs), pour un cinquième de contrats pour la production de bateaux professionnels (type SNSM) et pour le cinquième restant pour la construction de yachts (soit un à deux modèles par an), « c’est le modèle de base que l’on cherche à rendre récurrent, pour s’assurer un chiffre d’affaires annuel de 50 millions d’euros », affirme-t-il.

ÉCOCONSCIENCE

Pour y parvenir, la transformation technologique de Couach va se poursuivre, et elle devrait aussi servir la transformation environnementale de l’entreprise, qui se veut précurseure sur le sujet grâce à de nouvelles propulsions hybrides et diesel-électrique, mais aussi à l’amélioration des performances avec une réduction de la consommation horaire des bateaux.

Nous avons commencé à utiliser une résine en époxy biosourcée : une première mondiale

« Nous avons aussi commencé à utiliser une résine en époxy bio-sourcée fabriquée par la société française Sicomin, qui compose le yacht actuellement en production. C’est une première mondiale et la plus grosse pièce jamais fabriquée dans cette résine », assure Michel Cantelobre. Couach travaille également avec des résines thermoplastiques recyclables et collecte les chutes de tissus de verre et de carbone qui sont ensuite reconditionnées par des start-ups du territoire. « Nous faisons un gros effort sur notre écoconscience et notre bilan carbone », résume le directeur général adjoint du chantier, dont tous les bateaux font l’objet d’une classification par l’organisme DNV GL, et chaque étape de fabrication d’un suivi qualité par le bureau Véritas.

12,9 MILLIONS D’EUROS DE PRÊTS

chantier naval Couach Bassin d’arcachon

Michel Cantelobre, directeur général adjoint du chantier naval Couach © Atelier Gallien – Echos Judiciaires Girondins

Cette inflexion stratégique, autant technologique, environnementale que commerciale, a été insufflée par les nouveaux actionnaires de Couach réunis sous la bannière Nepteam, dont Florent Battistella, qui préside le chantier acquis en 2011. Leur objectif : améliorer la rentabilité de l’entreprise, qui a connu en 2019 une année historiquement basse avec 20 millions d’euros de pertes. Et surtout, normaliser et sécuriser les relations du chantier avec les banques, qui depuis 10 ans refusent de lui accorder des financements. Le dépôt de bilan de Couach en 2009 a en effet laissé « d’importantes cicatrices dans le milieu bancaire, de l’ordre de 100 millions d’euros », rappelle Michel Cantelobre. « Regagner la confiance des banques est un long chemin qui passera par le maintien d’un niveau d’activité moyen et surtout par la transparence avec nos partenaires », estime François Brin, directeur financier de Nepteam, qui annonce l’obtention, en novembre, d’un prêt de 4 millions d’euros de la part de l’État, et l’instruction en cours d’une autre tranche de 7,6 millions d’euros, qui viendront s’ajouter au PGE de 1,35 million d’euros obtenu en décembre 2020.

La Région et l’État ont joué un rôle important en soutenant le chantier

Soit une enveloppe globale de 12,9 millions d’euros à laquelle Couach pouvait prétendre « en tant qu’entreprise innovante au titre du PGE », indique-t-il. Le chantier, qui a également obtenu de la Région Nouvelle-Aquitaine une aide de 1,8 million d’euros de prêt public et une subvention de 800 000 euros, respire enfin. « L’obtention de ces financements montre un virage dans la perception de Couach par ses partenaires, notamment institutionnels. La Région et l’État ont joué un rôle important en soutenant le chantier », conclut François Brin.

NAVIRES AUTONOMES

Couach disposera ainsi de la trésorerie nécessaire pour financer l’exécution de ses contrats en cours, et pour songer à ceux à venir. « Nous avons plusieurs contrats en discussion sur des montants significatifs », annonce Michel Cantelobre, portés notamment par les nouveaux produits issus de la R&D de Couach, pour lesquels des clients ont déjà manifesté leur intérêt. « Nous avons développé des drones de surface (USV) : des petits navires autonomes sans pilote, qui pourront arriver sur le marché en 2024. » Ou encore un prototype d’« intercepteur modulaire paramétrique » avec motorisation hors-bord. Un portfolio de produits qui devraient continuer d’évoluer et permettre à Couach de faire passer son statut de « plus grand des petits chantiers navals » à celui de « plus petit des grands », avance Michel Cantelobre.

chantier naval Couach Bassin d’arcachon

Les moules permettant de fabriquer les différentes parties des bateaux sont très coûteux et ne peuvent excéder 50 mètres © Couach/SNSM

 

COUACH EN 10 DATES

1897 : Création de l’entreprise par Albert Couach. Elle fabrique les premiers moteurs marins et la première pinasse motorisée du bassin d’Arcachon

1918 : Les fils d’Albert, Robert et Louis Couach, reprennent l’entreprise

1947 : Le petit-fils d’Albert, Guy Couach, surnommé le « grand constructeur naval français », lance la première production de bateaux de série : la gamme Arcoa

1962 : Couach devient Guy Couach et construit son chantier naval à Gujan-Mestras, spécialisé dans les yachts puis les vedettes de surveillance

1985 : Pierre Couach rejoint l’entreprise et lance la production de grands yachts mais l’entreprise s’endette

1996 : L’homme d’affaires bordelais Didier Cazeaux rachète le chantier Guy Couach, qui déposera le bilan en 2009 avec des dettes colossales

2009 : Fabrice Vial rachète Couach à la barre du tribunal de commerce avant d’être assassiné en 2011 en Corse

2011 : La société Nepteam, dont les actionnaires sont des industriels locaux (notamment Florent Battistella, président du chantier), rachète le groupe Couach

2016 : Arrivée de la nouvelle équipe de direction et application de la nouvelle stratégie

2019 : Année record pour Couach en termes de signature de contrat, mais aussi de pertes

2021 : Couach stabilise son modèle économique, avec un carnet de commandes rempli jusqu’en 2023, et retrouve la confiance des banques

 

COUACH EN CHIFFRES

Nombre de bateaux construits 3 000

Plus grand bateau construit 50 mètres

Plus importante série construite 79 bateaux

Capacité de production 4 bateaux par mois

Durée de fabrication d’un bateau 4 mois en moyenne

Effectifs sur le chantier 320 personnes (dont 200 permanents)

Effectifs à la production 190 personnes

CA 2020 32 millions d’euros (Ebitda de 1,5 %) – (500 000 euros d’Ebitda)

CA 2021 46 millions d’euros (Ebitda supérieur à 2 %)

CA prévisionnel 2022 80 millions d’euros (Ebitda de 7,5 %)