Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Bordeaux : Vu à la télé sur M6, dans les coulisses de « Qui veut être mon associé »

Detective Box, Joué Music, Ethypik, Sunday Box, Popee, Mad Project, MyEli, les 7 entrepreneurs girondins des 3 premières saisons de l’émission « Qui veut être mon associé ? », nous dévoilent les coulisses de leur participation au programme de M6. Comment ont-ils été sélectionnés ? Quels étaient leurs doutes et leurs objectifs ? Comment se sont-ils préparés ? Quels sont les écueils et les bénéfices de l’exercice ? Leurs réponses.

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Le jury de l’émission de M6 (de gauche à droite) : Delphine André, Jean-Pierre Nadir, Isabèle Chevalier, Éric Larchevêque, Anthony Bourbon et Marc Simoncini © M6

Qu’ont en commun les sept participants bordelais à l’émission-phénomène de M6, « Qui veut être mon associé ? » ? Une histoire à raconter, un projet singulier et surtout, une forte personnalité. « Pour être choisi par la production, il faut d’abord proposer un produit ou un service qui parle au grand public », commence Émilie Bernier O’Donnell, qui a marqué la saison 3 avec son jeu d’enquête grandeur nature Detective Box. Cette dernière saison de « Qui veut être mon associé ? » a en effet réuni 2 millions de téléspectateurs en moyenne par épisode, faisant de M6 le leader auprès des moins de 50 ans (22 % de parts d’audience) et des 25-34 ans (38 % de parts d’audience). « Ensuite, ils cherchent à savoir si le fondateur saura défendre son projet et s’il l’incarne bien », analyse Émilie Bernier O’Donnell, qui a joué les apprentis policiers pour immerger le jury dans la scène de crime installée sur le plateau de tournage.

Ils cherchent à savoir si le fondateur saura défendre son projet et s’il l’incarne bien

Quand Pierre-Henry Servajean, créateur de la marque de jeans en Armalith® ultra-résistants Bolid’ster, a fait son entrée sur une moto lors de la saison 2 avant de proposer au jury de pratiquer un «torture-test » sur ses pantalons. Entre spectacle, suspense et émotion, le tout appuyé par une musique très présente, l’émission fait le show tout en gardant son côté business, saupoudrée de chiffres et de termes tels que « crowdfunding », « scalable », « business model », « game changer », « lead » ou encore « valorisation ». « Aujourd’hui, ils mettent même des sous-titres pour expliquer les termes techniques ou les anglicismes », remarque Audrey Destang, fondatrice de la marque de papiers d’hygiène made in France et écoresponsables Popee, qui a égayé la saison 2 avec son pupitre en papier toilette et son écharpe tricolore. Malgré tout, « la plupart des conversations techniques sont coupées au montage », dévoile Émilie Bernier O’Donnell, les candidats faisant l’objet d’un reportage de plusieurs heures et d’un tournage en plateau de 1 h 30, pour une prestation diffusée qui n’excède pas le quart d’heure.

44 ÉLUS SUR 3 000 POSTULANTS

Détectés par l a production après avoir reçu un prix comme l’Innovation Award du CES de Las Vegas pour Ludivine Romary et ses bijoux connectés MyEli, ou le prix coup de cœur des auditeurs d’Europe 1 pour Nicolas Morby, fondateur du cabinet de recrutement de rue Ethypik, certains candidats sont des habitués des plateaux télé. Audrey Destang, dont l’histoire débute dans la forêt de pins familiale dans les Landes, a eu sa rubrique sur BFM TV pendant un temps. Nelly Meunier, qui a imaginé la Sunday Box pour communiquer avec sa grand-mère lorsque sa famille était éparpillée aux quatre coins du monde, est elle aussi coutumière des plateaux de BFM Business. Elle y est encore apparue ce 18 février dans une émission sur la solitude du dirigeant. Nicolas Morby, inspiré par ses 15 ans de collecte de fonds pour des ONG dans la rue, a quant à lui été chroniqueur sur France 3 Aquitaine. Mais tous ont dû passer « sous les fourches caudines » de la production, selon les mots de Pierre-Henry Servajean, pour faire partie des 44 heureux élus sur 3 000 postulants : un questionnaire en 70 points, l’envoi d’un produit et d’une vidéo de présentation, et enfin plusieurs passages devant différents comités.

L’ART DU PITCH

Mais c’est bien leur maîtrise de l’art du pitch qui leur a permis d’obtenir le précieux sésame. « Projet, produit, développement commercial, financement, modèle économique… tout cela doit être présenté en 2 minutes », rappelle Pascal Joguet, créateur de Joué Music, qui développe un instrument de musique numérique modulable. Contacté par la production pour participer à la première saison de l’émission, alors inconnue, il accepte finalement de participer à la saison 2, en considérant l’exercice comme « un challenge entrepreneurial. Je n’étais pas du tout à l’aise, alors j’ai énormément préparé mon pitch en amont, je l’ai répété comme une pièce de théâtre », confie-t-il.

Je l’ai répété comme une pièce de théâtre

Les entrepreneurs sont également accompagnés par les coaches en pitch de l ’émission et les plus stressés bénéficient d’un soutien psychologique. « Tout est sizé, millimétré, il n’y a pas de place pour l’à-peu-près », note Nicolas Morby, qui convient « avoir été très intimidé » et avoir hésité à participer, son projet étant différent de ce qui est présenté habituellement dans l’émission. « Je ne voulais pas polluer mes prises de parole ».

DOUTES

Ces doutes, ils sont nombreux à les avoir affrontés avant de confirmer leur participation à « Qui veut être mon associé ? ». En particulier quant à l’objectif principal de l’émission, qui consiste à lever des fonds auprès du jury, composé d’entrepreneurs reconnus. Mais faire entrer des investisseurs à son capital est loin d’être anodin, en particulier lorsque le projet a déjà atteint un certain niveau de maturité. « Faire un deal nécessite une relation de proximité qui se construit sur la durée, je ne me voyais pas prendre cette décision en 2 minutes », admet Pascal Joguet. « J’ai forgé mes convictions au cours d’un cheminement long d’une vingtaine d’années. Je voulais donc garder la main sur la stratégie et le nom de mon entreprise », ajoute Pierre-Henry Servajean, qui reconnaît cependant que s’il y avait eu un représentant de ses secteurs d’activité (textile, mode ou moto), il aurait pu accepter une proposition. La spécialité des membres du jury présents lors du tournage peut en effet changer la donne.

« C’est dommage pour nous qu’Éric Larchevêque n’ait pas été là. Heureusement, il a pu nous donner par la suite ses conseils sur la partie hardware », raconte Nelly Meunier, pionnière de la saison 1 qui avait tout de même levé 200 000 euros auprès de Delphine André (GCA Transport, Logistique-Hôtellerie). Émilie Bernier O’Donnell, qui a apprécié « l’exercice difficile » consistant « à faire une levée de fonds en parlant en même temps aux clients et aux investisseurs », s’est, elle, permise d’éconduire Éric Larchevêque (Ledger, Algosup) au profit de 3 autres investisseurs, lui permettant de réunir 150 000 euros pour lancer le 2e opus de son jeu. Le profil des jurys, Ludivine Romary de MyEli l’avait très bien étudié : « le côté hardware » d’Éric Larchevêque, « le côté software » de Marc Simoncini ( Meetic, Angell Bike), « le côté très B2C et business model » d’Anthony Bourbon (Feed et Blast Club), « le côté industrie » de Delphine André, « le côté étranger » d’Isabèle Chevalier (Bio-K Plus International), et a précisé d’emblée qu’elle préférait que son investisseur soit une femme. Sans succès.

FEEDBACK D’ENTREPRENEURS CHEVRONNÉS

Finalement peu nombreux à lever des fonds, les entrepreneurs viennent également chercher les conseils de ce jury composé de « six investisseurs emblématiques du dynamisme et de la créativité française, qui ont choisi de donner leur chance à de nouveaux talents. Eux aussi ont eu un jour une bonne idée et besoin d’aide, de conseils et de financements pour la développer avec succès », résume le pitch de l’émission. « Ce que je voulais, c’était surtout avoir le feedback d’entrepreneurs chevronnés. Ils m’ont permis de comprendre que le produit n’était pas encore aligné avec ma vision, qui consiste à mettre les gens à la musique grâce à un objet accessible. Depuis, on a ajouté des contenus, simplifié les interfaces… », explique Pascal Joguet de Joué Music.

Notre passage dans l’émission a engendré un pic de ventes incroyable et insoupçonné

« Moi, j’ai enfin trouvé mon modèle économique. Nous proposons maintenant notre prestation au forfait-jour plus une commission pour chaque placement (recrutement et formation) », indique Nicolas Morby, qui a suivi les conseils de Jean-Pierre Nadir (Fairmoov). Fondée depuis seulement 8 mois lors du tournage de l’émission, MyEli est pour sa part « en évolution business sur les opportunités B2B. Nous lançons également un club et préparons un changement majeur de technologie », annonce Ludivine Romary, qui a elle bénéficié des suggestions avisées d’Anthony Bourbon.

EXPLOSION DES VENTES

Les retombées du passage dans « Qui veut être mon associé ? » sont aussi stratégiques que commerciales pour les entreprises, avec une explosion des ventes enregistrées le soir même et la semaine suivant la diffusion, nécessitant une bonne anticipation au niveau des stocks et de la montée en charge des sites web. « Notre passage a engendré un pic de ventes incroyable et insoupçonné », s’étonne encore Pascal Joguet , qui a vendu 3 200 instruments en 2022. Même constat pour Nelly Meunier, qui a écoulé dans la semaine suivant la diffusion 1 500 Sunday Box (sur les 4 500 unités vendues entre 2018 et 2020) ; et pour Émilie Bernier O’Donnell, qui comptabilise 1 700 Detective Box vendues et 25 000 vues de son profil Linkedin en l’espace de seulement 72 heures. Ludivine Romary, qui a gagné 5 000 membres dans sa communauté en une soirée, a atteint en 48 heures trois fois les ventes de bijoux connectés réalisées habituellement en un mois. De plus, elle a « constaté un effet longue traîne sur les ventes. Il faut savoir utiliser ce trafic pour le capitaliser », conseille-t-elle.

Ce que je voulais, c’était surtout avoir le feed-back d’entrepreneurs chevronnés

Ce pic de ventes, Bolid’ster, qui vend ses jeans garantis 10 ans entre 200 et 500 euros, l’a connu également. « Notre site est passé de 200 à 100 000 visiteurs en une journée. Notre stock a été liquidé en 2 semaines. Malheureusement, nous avons connu une crise de production ensuite », révèle Pierre-Henry Servajean, qui a depuis résolu son problème en faisant appel à trois ateliers de fabrication au lieu d’un et annonce la rentabilité de son site lors du dernier exercice.

CARTE DE VISITE

Pour Audrey Destang, qui a réalisé 3 mois d’acquisition en seulement 10 minutes, alors même qu’elle a été diffusée en deuxième partie de soirée, l’émission a servi d’accélérateur sur la partie B2B. « Nous avons touché les particuliers, mais aussi la grande distribution. Cela nous a permis de relancer des contacts en cours avec Franprix, Intermarché, Carrefour, Chronodrive d’Auchan ou encore Leclerc », énumère la jeune femme. Plus d’une centaine d’entreprises, dont 80 % de grands groupes, ont également été intéressées par le projet unique de Nicolas Morby, qui « apporte une réponse de recrutement aux profils invisibles qui ne figurent sur aucun canal. Keolis, RATP Dev, Voltalis, Sodexo… ont ainsi pris contact avec nous pour recruter notamment des conducteurs de bus ! », se félicite-t-il. Cette visibilité incomparable dure de surcroît dans le temps. « Les retombées médiatiques se sont accrues et la notoriété de Sunday a duré près de 2 ans », dévoile Nelly Meunier, passée dans l’émission en 2020 et qui a revendu son entreprise fin 2022. « Les gens m’arrêtent même dans la rue pour me remercier », s’émeut Nicolas Morby. « L’émission nous a surtout apporté du point de vue de l’image. C’est un ticket d’entrée, une vraie carte de visite », confirme Ludivine Romary de MyEli, qui indique désormais sa participation à « Qui veut être mon associé, saison 3 » sur son profil Linkedin. La jeune femme, qui devrait boucler un tour de table d’ici 2 mois, le reconnaît : « une levée de fonds prend du temps. Notre passage dans l’émission nous a permis de nous crédibiliser et d’aller beaucoup plus vite ».

RETOUR EN GRÂCE

Si la carte de visite « vu dans QVEMA » constitue un accélérateur à tous les niveaux, l’émission signe surtout le retour en grâce de l’entrepreneur, avec des audiences qui vont crescendo d’une saison à l ’autre. « Cette émission est intéressante d’un point de vue macro car elle remet en valeur l’esprit d’entreprise, la prise de risque et la passion, même si c’est un métier difficile. L’entrepreneur est mieux valorisé aujourd’hui qu’avant, et ce genre d’émission y participe », se réjouit Pierre-Henry Servajean.