Au lendemain de la victoire écrasante des loyalistes au troisième vote sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, le refus des indépendantistes kanak de reconnaître le résultat révèle un territoire plus que jamais fracturé pour aborder les discussions sur son avenir politique.

Emmanuel Macron s’adresse aux Français à la télévision le 12 décembre 2021 après le 3e référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie (Crédit photo : © Ludovic MARIN)
Les indépendantistes regroupés au sein du Comité stratégique indépendantiste de non participation ont indiqué lundi soir ne pas reconnaître « la légitimité et la validité de ce scrutin qui leur a été confisqué ».

Résultats du troisième référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie, portant sur la question « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? », le 12 décembre 2021 (Crédit photo : © Kenan AUGEARD)
« ce référendum n’est pas conforme à l’esprit et à la lettre de l’accord de Nouméa, processus de décolonisation, et pas conforme également aux résolutions de l’ONU qui a inscrit la Nouvelle-Calédonie sur la liste des pays à décoloniser », assurent le parti indépendantiste FLNKS et les nationalistes qui avaient appelé à bouder le scrutin, faute d’avoir réussi à en repousser la date.

Des électeurs votent à Nouméa le 12 décembre 2021 lors du troisième référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie (Crédit photo : © Theo Rouby)
Sans adversaire, les partisans de la France ont remporté une victoire sans appel, 96,50% des voix, lors du troisième et ultime référendum du processus de décolonisation de l’accord de Nouméa.
Le FLNKS et ses alliés réclamaient le report du vote à septembre 2022, arguant « d’une campagne équitable impossible » du fait de l’épidémie de Covid-19.
Leur mot d’ordre de « non-participation » ayant été suivi à la lettre, la participation s’est effondrée à 43,90%, contre 81% puis 85,6% lors des précédents référendums de 2018 et 2020.
« Les accords de Matignon et de Nouméa, c’était l’idée de réunir une large majorité de suffrages sur une solution, au-delà des divisions communautaires. On n’y est pas. Ce vote (…) est globalement un échec et complique la construction du destin commun », a analysé sur sa page Facebook, Alain Christnacht, ancien conseiller du cabinet de Lionel Jospin (1997-2002) pour l’outre-mer.
Cheville ouvrière de l’accord de Nouméa (1998), il estime que « toute paix durable » en Nouvelle-Calédonie, devra être précédée « d’un consensus refondé entre les communautés ».
Préconisant « des processus +vérité, justice et réconciliation+ comme entrepris en Nouvelle-Zélande et en Australie », Paul Fizin, docteur en histoire, a de son côté déploré que la Nouvelle-Calédonie soit « dans un moment, où les deux blocs politiques regardent des horizons différents ».
La carte des résultats illustre la permanence des fractures politique, géographique et ethnique: les régions non-indépendantistes et européennes (sud où se trouve Nouméa) ont voté « non » à l’indépendance tandis que les électeurs des zones kanak et indépendantistes sont restés chez eux.
Dans plusieurs communes du nord et des îles Loyauté, la participation n’a pas dépassé les 5%.
– « Tout le monde est braqué » –
Lors d’une déclaration solennelle dimanche, le président Emmanuel Macron a salué le verdict des urnes calédoniennes, mais aussi pointé « que le corps électoral est resté profondément divisé malgré le passage des années ».
Les indépendantistes kanak ont indiqué qu’ils « ne discuteront pas (de l’avenir institutionnel, ndlr) avant la fin de la présidentielle et des législatives », ce dont Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, présent à Nouméa, a dit dimanche « prendre acte ».
« L’Etat n’entend pas non plus confondre vitesse et précipitation », a affirmé à l’AFP M.Lecornu, qui concentrera sa visite jusque mercredi aux finances locales, à la situation sanitaire et à l’industrie du nickel.
« Politiquement », cette abstention « veut dire quelque chose: il faut regarder cette division », a indiqué lundi le ministre sur France Inter. Il assure cependant que « cette dimension binaire ne satisfait plus personne ici sur place ».
Un calendrier défini en juin à Paris prévoit que le troisième référendum soit suivi d’une période de transition de 18 mois pour que soit organisé un référendum de projet, avant le 30 juin 2023.
« Les indépendantistes veulent uniquement discuter en bilatéral avec l’Etat, en modifiant le triptyque (des accords – Etat, loyalistes et indépendantistes, ndlr). Donc ça va forcément accroître les tensions », a indiqué à l’AFP Joël Kasarhérou, leader du mouvement Construire autrement, composé d’indépendantistes et de non-indépendantistes.
« L’autodétermination est irréductible » et la revendication d’indépendance ne va pas s’éteindre avec un référendum », a-t-il ajouté, anticipant des crispations sur l’ultrasensible sujet du corps électoral.
Philippe Michel, élu territorial de centre-droit, a également constaté que « la théorie des deux blocs sort renforcée du référendum ». « Ca ne va pas être simple de se reparler car tout le monde est braqué sur ses positions », a-t-il confié à l’AFP.
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