Couverture du journal du 15/03/2024 Le nouveau magazine

Cryptomonnaies : entre high tech et bulle spéculative

A l'occasion du franchissement de la barre symbolique des 50 000 $ par le Bitcoin, l'Ifop a réalisé une étude d’envergure sur les représentations des monnaies virtuelles. Il en ressort que les cryptomonnaies sont prisées par des hommes plutôt jeunes et amateurs de jeux d’argent et de hasard.

cryptomonnaies

© Shutterstock / Sensvector

Ah, les cryptomonnaies, quel phénomène ! L’Ifop a réalisé dernièrement pour le site d’information spécialisé en cryptomonnaies Thecointribune une enquête d’envergure sur les ressorts de l’engouement pour ces actifs numériques qui permet, via un échantillon de taille importante (3 000 personnes), de mesurer non seulement les représentations associées à ces monnaies virtuelles mais aussi de dresser pour la première fois le portrait-robot des détenteurs de cryptos.

Premier enseignement de l’enquête, le Bitcoin est de loin la cryptomonnaie la plus connue des Français, avec un taux de notoriété de 83 %, soit un score très largement supérieur à celui observé pour des cryptomonnaies concurrentes comme Ethereum (11 %) Dogecoin (10 %) ou XRP (7 %) qui, elles, restent encore confidentielles. L’analyse des idées reçues associées au Bitcoin (principale monnaie virtuelle) confirme un certain flou, notamment à propos de l’anonymat qu’il est supposé garantir. En effet, si le caractère indépendant du réseau Bitcoin est plutôt bien identifié par les Français (42 %), ces derniers sont nombreux à se tromper sur l’anonymat : seuls 10 % des Français savent qu’il ne garantit pas un anonymat complet à ses utilisateurs (contre 33 % qui y croient).

Autre enseignement de l’étude, le Bitcoin apparaît comme une monnaie de plus en plus perçue comme un placement rentable qui attire désormais plus que les devises traditionnelles. Cette idée qu’il s’agit d’un placement rentable devient majoritaire dans les esprits (à 51 %, + 9 points par rapport à 2019) alors que le nombre de Français qui n’y voient qu’un phénomène de mode régresse de manière significative (75 %, – 8 points). Le potentiel d’investissement pour cet actif numérique dépasse désormais celui des devises traditionnelles : 17 % chez l’ensemble des Français (dont 3 % qui y ont déjà investi et 14 % qui aimeraient investir), soit une proportion supérieure à celle observée pour les devises traditionnelles. Cet intérêt est en outre fortement corrélé au profil « Gambler » des répondants puisque 42 % des parieurs et 45 % des joueurs de poker sont dans ce cas. L’origine inconnue de l’inventeur du Bitcoin n’est pas non plus très bien identifiée par les Français (18 %). Autre signe du manque de connaissances précises sur cette cryptomonnaie : 6% des Français croient savoir qu’elle a initialement été créé pour des paiements sur le site leboncoin.fr.

L’attrait pour le bitcoin repose plus sur l’appât du gain que sur son intérêt comme monnaie d’échange

Le principal motif invoqué par les Français pour expliquer leur achat, ou volonté d’achat, de cryptomonnaies réside dans l’appât du gain et non dans leur potentiel d’utilisation en tant que véritables monnaies d’échange. Seuls 9 % déclarent ainsi que leur but est de réaliser des achats, contre 91 % qui le font plutôt pour gagner de l’argent, que ce soit à court terme (pour 40 %) ou à long terme (pour 51 %). Pourtant, le nombre de Français estimant que le Bitcoin jouera un véritable rôle de monnaie à l’avenir est loin d’être négligeable : 24 % chez l’ensemble des Français, score supérieur à ceux du Yen (22 %), du Yuan (19 %) ou du Rouble (6 %).

Et cette proportion atteint même deux tiers (67 %) auprès de ceux qui ont déjà investi dans les cryptomonnaies, score comparable à ceux du Dollar (67 %) et de l’Euro (61 %). L’idée que les cryptomonnaies sont un moyen de financement d’activités illégales est, pour sa part, présente à l’esprit d’une nette majorité de la population (61 %).

Jusqu’où va-t-il monter ?

Invités à livrer leur pronostic sur l’évolution possible du cours du Bitcoin quelques jours avant son franchissement de la barre symbolique des 50 000 $ (16 février 2021), les Français en ayant déjà entendu parler estiment, en moyenne, qu’il pourrait atteindre un jour le seuil des 135 000 $.Sur ce point, les anticipations restent très partagées : si près d’un quart (24 %) des connaisseurs du Bitcoin estiment que son prix sera inférieur à 1 000 $, 44 % pensent plutôt qu’il dépassera 51 000$, et même 100 000$ selon 8 %. Cependant, nos concitoyens les plus avertis, c’est-à-dire ceux qui en ont déjà acheté, sont beaucoup plus prudents avec un seuil maximal qu’ils situent à 53 292 $, c’est-à-dire beaucoup plus proche du cours actuel. Ils ne sont que 7 % à anticiper un franchissement du cap des 100 000 $.

Moyen de paiement pour trafiquant d’un côté, véritable révolution technologique pour le système financier de l’autre, le Bitcoin et autres cryptomonnaies sont au cœur de nombreuses discussions au point qu’il en devient difficile de se faire un avis tranché sur l’avenir de cette technologie, sujette à de nombreux fantasmes. « Cet engouement semble symptomatique d’une réelle confiance dans l’avenir de la technologie sous-jacente (le Blockchain) et laisse présager d’une installation durable dans les écosystèmes économiques et numériques. Alors que sa courbe de prix décrit un comportement qu’on pourrait qualifier de « bulle cyclique », qui n’est pas sans rappeler le phénomène de la « bulle Internet », toute la question reste de savoir si les cryptomonnaies connaîtront un destin aussi durable », explique Étienne Berthoz, chargé d’étude senior au pôle Corporate de l’Ifop.

Étude Ifop pour Thecointribune réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 5 au 10 février 2021 auprès d’un échantillon de 3 013 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.