Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Marie-Laure Hubert Nasser : « Nouvelle vie, Nouveau roman, Nouveau projet »

Personnalité emblématique de Bordeaux, Marie-Laure Hubert Nasser a accompagné avec fougue et passion les années Juppé à la Mairie dont elle a dirigé la communication durant 10 ans. Alternance oblige lors des dernières municipales en 2020, elle a dû quitter son poste en toute discrétion. Elle se lance aujourd’hui dans de nouveaux projets foisonnants et toniques, à son image. Pour nous, elle revient sur ses temps forts, nous présente son nouveau roman et évoque ce qui l’anime : une création d’entreprise par les femmes pour des femmes !...

Marie-Laure Hubert-Nasser, youWan

Marie-Laure Hubert-Nasser, cofondatrice de youWan © Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

Echos Judiciaires Girondins : Vous avez quitté la mairie de Bordeaux dont vous dirigiez la communication depuis 10 ans aux côtés d’Alain Juppé puis de Nicolas Florian. Une fonction sensible et une mission puissante que vous avez menée tambour battant. Quel regard portez-vous sur ces 10 années passées dans une ville qui a achevé sa métamorphose ? Quels enseignements tirez-vous personnellement de votre expérience à la mairie ?

Marie-Laure Hubert Nasser : « Une course folle ! C’est la première pensée qui me vient. L’impression que le temps disparaissait, qu’il nous aspirait, qu’il n’y avait jamais assez d’heures pour faire tout ce que nous avions à faire… Et celle du grand homme, Alain Juppé. Sa route personnelle nous a galvanisés. Je parle de « nous » car nous étions une équipe, battante, motivée, à fond. Sur le plan de la Ville, le déploiement était sans précédent et donc la communication de tous les combats ! Il fallait entraîner avec nous les habitants, leur expliquer nos actions, les accompagner dans cette mutation. Les changements furent urbains d’abord, le pont, le nouveau stade, les archives, les projets architecturaux, les nouveaux quartiers, le Muséum, les places, les jardins, la Cité du vin, la LGV… Et puis le vivant. Les coupes du monde, les saisons culturelles, les fêtes sur les quais, les grands moments de communion populaire… Cela m’a passionnée. J’ai appris quelle force immense il faut pour prendre une ville dans ses bras et la faire avancer… La communication centrée sur les habitants fut inventive et créative. Elle fut primée plusieurs fois. Le rassemblement d’un millier de communicants de Cap Com à Bordeaux souligna le déploiement de la marque Bordeaux qui vibrait dans le monde.

J’ai connu des ambiances dignes des plus grands romans. Ce Palais Rohan dont je connais chaque recoin, où je circulais parfois dans le noir pour regagner mon bureau après une réunion tardive a abrité des moments historiques, des choix importants, des discussions enflammées, d’incroyables visiteurs, du chef du peuple Kayapo au chef du gouvernement en passant par d’incroyables figures de la littérature, du monde économique, des royautés et des plus grands sportifs… De cette folle expérience, j’ai appris la modération, la vision, la discipline, drivée par un patron qui répétait à ses collaborateurs « le diable est dans les détails »

Alain Juppé avait une vision, une analyse extraordinaire, une réelle humanité. Un grand chef d’orchestre…

EJG : Travailler avec Alain Juppé, c’était comment ? M.-L. H. N. : « Avec lui, de toute façon, hors de propos de travailler mollement. Il fallait y aller. Prouver. Ne pas décevoir. Cet homme nous a transformés. Il nous a appris la rigueur, l’analyse, le dépassement de soi, l’intérêt général.

On rêve, on vit, on aime
Éditions Passiflore

Alain Juppé avait une vision, une analyse extraordinaire de l’actualité, une puissance de travail, une réelle humanité. Il aimait faire avec les autres. Il avait confiance. Il écoutait. Laissait les experts avancer, l’administration, les entreprises, les professionnels, les associations. Un grand chef d’orchestre. Nous étions rassurés. Là où il nous emmenait, nous savions que nous serions en sécurité. »

 

EJG : De quelles actions initiées par vous êtes-vous la plus fière ?

M.-L. H. N. : « Avec certitude, les manifestations au féminin. « Sociétales, parole aux femmes », « Femmes et numérique », « Femmes et diasporas africaines » et toutes les propositions que nous avons encouragées, aidées à grandir comme Profession’L, le salon de la reconversion professionnelle où les femmes affluaient chaque année un peu plus, preuve d’un certain malaise à combler… J’avais carte blanche et des femmes élues prenaient le sujet à bras le corps pour nous accompagner.

« Une bande de femmes », comme aime à les appeler Christiane Taubira, qui venait nous apporter réseaux et soutiens. Chacune de nous trouvait une force incroyable dans ces rencontres. Les femmes-mentor se déplaçaient pour nous épauler : Mercedes Erra, Nathalie Loiseau, Aude de Thuin, Marlène Schiappa, Denise Epoté, Marie Eloy, Maryse Wolinski, Élizabeth Tchoungui… Et lors de chaque édition Isabelle Juppé. J’ai aussi initié « L’université des cheveux blancs » qui mettait en scène des conférenciers séniors. Il fallait avoir plus de 60 ans pour fouler la scène et j’aimais cette idée de reconnaissance des plus anciens. De la mémoire de ceux que l’on oublie. Nous avions choisi comme parrain Jean-Louis Servan-Shreiber. Quel plaisir de garder en nous cette rencontre avec la sagesse.

J’ai initié, mais sans élus et équipe, carte blanche du Maire et de son directeur de cabinet, Ludovic Martinez, cela n’aurait pas été possible ! Nous avions la possibilité de « soulever des montagnes » et cela n’est pas si courant. Bien sûr, en 10 ans, il y eut des centaines de magazines, d’expositions, d’événements, de projets des élus à accompagner et ils ne manquaient pas d’énergie et d’inventivité ! »

Je suis fière d’avoir initié les manifestations au féminin comme Profession’L, le salon de la reconversion professionnelle pour les femmes

EJG : Quels sont vos souvenirs les plus marquants de cette période ? Et comment avez-vous vécu les dernières années avec Alain Juppé et après son départ ?

M.-L. H. N. : « Les événements populaires m’ont beaucoup marquée. J’étais aux premières loges pour prendre le pouls de la ferveur. Les rassemblements après les attentats de Charlie ou du Bataclan en 2015 restent gravés dans ma mémoire. J’ai pu assister aux réunions de « Bordeaux partage » qui plaçaient autour de la même table tous les représentants des cultes. Des moments de construction, une volonté évidente de paix. Où chacun faisait fi de ses croyances pour se concentrer sur la volonté de rendre les Bordelais heureux, apaisés. Nous avons sillonné Bordeaux, suivis par une foule immense et recueillie. Une communion intense.

© Atelier Gallien

Les primaires (2016) furent galvanisantes. Nous savions qu’il était capable de mener le destin de la France. Il était prêt. Je me souviens de l’intensité de ces deux années. L’histoire ne s’est pas écrite comme nous l’aurions voulu et je me souviens de sa montée des marches de l’escalier du Palais Rohan alors que tous les membres du cabinet étaient alignés pour l’accueillir. Il revenait auprès de nous. Il resta digne et silencieux. Pudique. Courageux. Je crois qu’à chaque échec nous l’avons encore plus aimé… La vie municipale a repris dans l’heure. Mais nous ignorions qu’il avait décidé d’arrêter là. Il ne voulait pas faire le mandat de trop. Il voulait vivre peut-être. Profiter des siens.

Il nous donna la route à suivre. Il partit en un éclair. L’histoire s’écrit avec une grande hache me dit un élu ! Mais il fallait continuer. Avancer. Nous sommes quand même restés sonnés quelques jours ! Une vieille dame qui trottinait avec sa canne était venue dans la cour de l’hôtel-de- ville pour les adieux du Maire. Je la voyais vacillante et je la mis aux abris sur les marches. Alors que je m’inquiétai de son grand-âge dans cette foule dense qui était venue saluer le Maire, elle me répondit « je ne voulais pas le quitter sans un dernier regard »… Cela dit tout de cette alchimie qui se tisse entre un Maire et sa Ville.

La dernière année fut complexe, triste même parfois. Les gilets jaunes, le confinement, le covid… Nous avons fait de notre mieux. Et plus encore. Rien n’a plus jamais été simple. En communication, le premier confinement a été un réel sprint. Nous avons déployé de très nombreux moyens pour renseigner les Bordelais. J’ai le souvenir de journées intenses où toute l’équipe com’ s’était engagée au service du Maire et de son équipe rapprochée. Les portraits d’habitants initiés par Alexandra Siarri* ont été de jolies rencontres. »

*Alexandra Siarri était alors adjointe à la cohésion sociale et territoriale de Bordeaux

La dernière année fut complexe, triste. Gilets jaunes, Covid, confinement… Nous avons fait de notre mieux et plus encore…

EJG : Quel bilan pouvez-vous faire de ses 25 ans de mandature à Bordeaux et sur l’agglomération : forces et faiblesses ?

M.-L. H. N. : « Un travail phénoménal, comme il y en a peu dans les communes de France. Une vision globale qui a fait se retourner la ville vers son fleuve, a donné vie aux deux rives, a équipé une ville de structures de proximité et de grands ouvrages, a donné les moyens à une cité de développer son ouverture au monde et d’augmenter son flux touristique grâce au classement Unesco d’un gigantesque ensemble urbain, le premier d’une telle taille : 1 810 hectares ! Une extension des quartiers de vie, des espaces publics, d’un jardin gigantesque de bord de fleuve… Mais aussi un quartier d’affaires, Euratlantique, qui offre une possibilité de développement économique rare. Une irrigation des communes voisines via le tram et une connexion habile entre des villes proches qui toutes adoptent des positionnements complémentaires. French Tech et la Cité numérique sont très certainement une voie prometteuse vers l’avenir. Penser ce croissant de lune numérique était innovant.

Cette expansion nécessitera des ajustements dans l’avenir. Un travail de « villages » à poursuivre dans les quartiers au fil de leur extension. La plus grande densité de population nécessite forcément de prendre à bras le corps des problématiques liées à la mobilité, à la sécurité, à l’habitabilité, à la fragilité de certains quartiers. Il y a encore beaucoup à faire, forcément, la ville est une matière mouvante qu’il faut penser. Rappelons-nous de Bordeaux Métropole 2050, un travail collectif, fourni par plusieurs centaines de personnes. Il initiait la suite. »

L’expansion de Bordeaux nécessitera des ajustements et de prendre à bras le corps des problématiques liées à la mobilité et à la sécurité…

EJG : Depuis septembre dernier, vous semblez avoir tiré un trait définitif sur la politique et en même temps vous poursuivez une activité de formation et de coaching d’élu(e)s. Pouvez-vous nous expliquer votre démarche ?

M.-L. H. N. : « On ne quitte jamais vraiment la politique. C’est une passion à vie, je crois. J’ai toujours milité pour les femmes et j’ai observé combien elles étaient absentes des grandes gouvernances. Je suis choquée que, dans un monde moderne, les femmes soient en recul, constamment et rencontrent de réelles difficultés à gagner les premières places. J’ai écrit un essai pour les aider à avancer dans leur démarrage politique. Je leur livre les pièges et les clefs de la réussite. Sincèrement, je pense que ces conseils dépassent la politique et qu’ils sont valables pour toutes les carrières ! J’aurais vraiment aimé commencer ma vie professionnelle avec des conseils plutôt que des batailles et des renoncements ! Certes, j’ai toujours développé la sororité et je suis entourée de femmes puissantes et généreuses et puis, j’ai eu la chance d’avoir de bons patrons qui m’ont aidée à avancer. Ils m’ont confié des missions, là où j’étais toujours la première femme. Ils m’ont permis de grandir. Ce Petit guide à l’usage des femmes qui s’engagent en politique* a interressé des élues qui ont la simplicité de reconnaître ce qui est difficile pour elles dans l’exercice du pouvoir. Je les accompagne et j’observe à quel point cela leur donne confiance ! Cela m’a aidé à développer ce métier de « passeur » que j’aime beaucoup. J’ai quand même toujours travaillé dans l’ombre. C’est une suite logique. »

*Éditions Payot

 

EJG : Votre livre sur les femmes en politique était un essai mais tout le monde connaît votre singulière carrière d’écrivaine reconnue. Vous sortez d’ailleurs bientôt un nouveau roman (le 4e en 10 ans !). De quoi s’agit-il ?

M.-L. H. N. : « On rêve, on vit, on aime* sort le 14 janvier dans les bonnes librairies de France, si elles restent ouvertes ! J’ai commencé à écrire ce livre en 2014. Écrire des romans et s’engager en même temps est vraiment complexe et nécessite une vie retranchée le week-end et les vacances ! Un travail de longue haleine. Mais je crois que cela m’a sauvée de bien des écueils. Écrire ramène à la vérité, à la sobriété, permet de prendre du recul et de comprendre la vie des autres. De s’y plonger. De vivre d’autres destinées. De parcourir l’actualité avec un autre regard.

C’est un exercice d’humilité et de silence. Le contraire de la vie politique. Ce roman met en scène 3 amies de 70 printemps qui décident de partager leur quotidien et de construire une maison ensemble ! Une expérience qui va les conduire à traverser de rocambolesques aventures. De celles que l’on s’interdit de vivre quand le temps est passé. J’ai aimé être de l’autre côté de la mémoire, imaginer ce qu’une vie entière laissait comme souvenirs d’enfance, de mère, d’épouse, d’amante… J’ai aimé imaginer à quel point la fantaisie et le rire peuvent être présents à tous moments de notre existence… Humanisme, grandes espérances et éclats de rire, c’est ce qui anime ma plume. Et j’aime scruter l’actualité et y trouver un écho chez mes personnages, il faut le reconnaître souvent féminins. »

*Éditions Passiflore

Écrire est un exercice d’humilité et de silence. Le contraire de la politique

EJG : Quel est votre avenir personnel ? À Bordeaux, à Paris ? Je sais que vous travaillez actuellement sur un nouveau projet puissant : que pouvez-vous nous en dire ?

M.-L. H. N. : « Je ne sais pas où cette nouvelle vie me mènera. Le projet décide du reste et je suis en train de réfléchir à la création d’une startup au féminin. Pour les femmes et par des femmes. C’est finalement mon Ikigaï.

Ma raison d’être selon les Japonais. Un projet qui met en place ma passion, ma vision et mon professionnalisme. Si j’arrive à lever des fonds, cela devrait-être passionnant ! Et il semble que seulement 2 % des fonds d’investissement soient remportés par des femmes. J’aimerais bien rentrer dans ce quota exceptionnel ! J’ai toujours aimé les challenges dont je sens intuitivement un vrai potentiel de succès ! »

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