Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Protection de l’environnement : Périmètre d’une installation classée

En effet, l’article L. 514-20 du code de l’environnement met par exemple à la charge du vendeur d’un terrain sur lequel a été exploité une ICPE soumise à autorisation ou enregistrement une obligation particulière d’information environnementale.

Magali de Lary de Latour

Me Magali de LARY de LATOUR, avocate à Bordeaux © DR

Pour mémoire, cet article dispose que : « lorsqu’une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ; il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation.

« Si le vendeur est l’exploitant de l’installation, il indique également par écrit à l’acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L’acte de vente atteste de l’accomplissement de cette formalité.

« À défaut, l’acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ».

La sanction de l’absence d’information spécifique du vendeur d’un terrain sur lequel a été exploitée une ICPE soumise à autorisation ou enregistrement est donc particulièrement impactante de sorte qu’il incombe aux vendeurs de déterminer si leur terrain a bien été le siège d’exploitation d’une telle ICPE et s’ils sont donc redevables d’une telle obligation.

Mais comment délimiter le périmètre d’une ICPE : est-ce que cela correspond à des parcelles cadastrales précises sur lesquelles ont été exercées des activités classées ou plus généralement à un site d’exploitation au sens large ?

Les vendeurs doivent être vigilants sur l’obligation d’information environnementale qui leur incombe

UNE APPRÉCIATION AU SENS LARGE

C’est tout l’intérêt d’un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation du 21 septembre 2022 (n° 21-21.933), qui opte pour une appréciation d’un site ICPE au sens large.

Dans cette affaire, une pollution avait été trouvée sous l’emprise d’une ancienne maison de gardien d’une usine. Cette maison de gardien, qui était située à l’entrée de l’ancienne usine ICPE soumise à autorisation, ne figurait cependant pas sur une parcelle sur laquelle l’usine, et donc une activité classée, était effectivement exploitée. La Cour d’Appel de Bordeaux en avait donc déduit qu’aucune obligation particulière d’information environnementale n’était due puisqu’il n’était pas démontré qu’une activité classée ait été exercée sur les parcelles cédées à l’acquéreur qui abritent depuis 1926 une maison de gardien à usage de logement.

La Cour de Cassation adopte une vision plus large du périmètre d’une ICPE puisque pour elle, dans la mesure où la parcelle constituait l’entrée de l’usine exploitée et que l’habitation était une maison de gardien de cette usine, il en résultait que le terrain vendu était inclus dans le périmètre de l’ICPE soumise à autorisation.

Ainsi, même si aucune activité classée n’est effectivement exercée sur une parcelle donnée, celle-ci peut néanmoins être incluse dans le périmètre d’une ICPE si elle est en lien avec celle-ci (entrée de l’usine, maison de gardien de l’usine, etc.).

LA COUR DE CASSATION AFFINE LES CRITÈRES RETENUS

Sur ce point, la Cour de Cassation affine donc les critères retenus jusqu’alors pour estimer si une obligation particulière d’information pesait sur le vendeur.

Il avait en effet déjà été jugé que pour que l’article L. 514-20 soit applicable, il fallait « qu’une installation classée ait été implantée, en tout ou partie, sur le terrain vendu » (Cass 3e civ. 22 novembre 2018, n° 17-26.209).

Dans cette affaire, relative à la vente d’une partie d’un site industriel dont les parcelles avaient par la suite été divisées, la Cour avait considéré que dans la mesure où « aucune des installations classées implantées sur le site industriel (…) n’avait été exploitée sur les parcelles cédées (…) et qu’il n’était pas établi qu’une installation de nature, par sa proximité ou sa connexité, à en modifier les dangers ou inconvénients (…) y eut été exploitée, (…) le vendeur n’avait pas manqué à son obligation d’information ».

Dans une autre affaire, il avait été considéré que l’installation désigne l’ensemble des composantes ou unités qui, par leur lien de connexité, sont considérées comme faisant partie intégrante de l’ICPE (CA Orléans 16 janvier 2006, n° 05/00399). Dans ce dossier, étaient présentes sur le terrain voisin de celui objet de la vente, six fosses reliées à l’installation, de sorte que ces fosses faisaient que le terrain était devenu partie intégrante de l’installation classée.

Ainsi pour la Cour de Cassation, une maison de gardien d’une usine située à l’entrée de celle-ci permet de la relier à l’ICPE exploitée et donc d’imposer une obligation particulière d’information, et ce même si aucune activité classée, et donc potentiellement polluante, n’a été effectivement exploitée sur l’emprise du terrain cédé. Au regard de cette interprétation très large du périmètre d’une ICPE, on ne peut que recommander aux vendeurs d’être particulièrement vigilants sur l’obligation d’information environnementale qui leur incombe en avertissant systématiquement leurs acquéreurs des activités classées effectivement exploitées sur les parcelles vendues, mais également de toute installation qui, de par leur connexité ou leur proximité, pourrait être considérée comme incluse dans une ICPE.