Couverture du journal du 05/11/2024 Le nouveau magazine

Conjoncture : l’économie au ralenti en 2024 en Nouvelle-Aquitaine

Les prévisions économiques de ce début d’année sont marquées par de nombreuses incertitudes, notamment sur le ralentissement de l’inflation, la reprise de la consommation des ménages et un contexte international instable. La croissance devrait ainsi encore ralentir en 2024. Deux points noirs sont à surveiller selon la Banque de France régionale et la CCI Bordeaux-Gironde : le secteur de la construction et celui du commerce. 

La directrice régionale de la Banque de France, Marie-Agnès de Montbron, et Patrick Seguin, le président de la CCI Bordeaux Gironde, entourant Jacky Phillips et Nathalie Wong-So, le 8 février au Palais de la Bourse de Bordeaux. © DR

C’est avec le dynamisme et le franc-parler qui caractérisent la nouvelle directrice régionale de la Banque de France Nouvelle-Aquitaine, Marie-Agnès de Montbron, et le président de la CCI Bordeaux-Gironde, Patrick Seguin, que s’est tenue la conférence présentant le bilan de l’activité néo-aquitaine en 2023 et les perspectives 2024, le 8 février, à Bordeaux. Dans un contexte international ayant subi de nombreuses transformations depuis 4 ans, provoquant des aléas sur l’activité et l’inflation et un contexte national marqué par des incertitudes sur le niveau de consommation des Français, de la baisse des prix de l’alimentation et de l’énergie, mais aussi des besoins d’investissements toujours importants en faveur de la transition écologique et énergétique, « les prévisions économiques sont fortement impactées, et nous devons rester prudents », prévient Marie-Agnès de Montbron.

Selon la Banque de France, la croissance mondiale devrait rester faible en 2024, à 3,1 %. En Europe, la reprise est fragile et hétérogène, avec une prévision de croissance de 0,8 % en zone euro en 2024, et 0,9 % en France, où le ralentissement attendu de l’inflation (+ 2,5 % en 2024 contre + 5,7 % en 2023) devrait relancer la consommation des ménages. Un retour sous la barre des 2 % est même attendu pour 2025 et 2026. Enfin, « après avoir reculé en 2023, les salaires réels devraient progresser sensiblement en 2024-2026. L’emploi quant à lui s’ajusterait avec retard au ralentissement économique et le taux de chômage devrait continuer de progresser jusqu’en 2025, allant jusqu’à 8 %, avant de redescendre à 7,6 % en 2026 », précise-t-elle.

Le taux de chômage devrait continuer de progresser jusqu’en 2025, allant jusqu’à 8 %

Éducation économique

En Gironde, « où nous sommes entrés dans une économie d’instabilité, les entreprises doivent s’adapter en permanence. Certaines y parviennent très bien, d’autres non. On constate d’ailleurs une hausse inquiétante de 40 % des procédures de mises sous protection des tribunaux de commerce », alerte Patrick Seguin, qui regrette « qu’environ 70 % des entreprises s’y prennent trop tard et aillent directement en liquidation ». Si les chiffres n’ont pas encore dépassé ceux de 2019, il est urgent selon le président de la CCI Bordeaux-Gironde de palier aux « problèmes d’éducation économique des chefs d’entreprise ».

Autres points d’attention selon lui : le secteur du commerce de proximité, « qui a besoin de se remettre en question pour imaginer le commerce de demain » ; de même que le secteur viticole, qui doit trouver de nouveaux marchés, à l’image de l’Inde, où sera organisé le premier salon Vinexpo Mumbai, en septembre.

Enfin, Patrick Seguin a regretté « la concurrence déloyale des politiques françaises sur les aides à l’Économie sociale et solidaire (ESS), en défaveur de l’économie de marché, dont les entreprises intègrent pourtant la RSE (Responsable sociale et environnementale), non subventionnée ».

Situations contrastées

Dans le détail, 2023 a été marquée par un ralentissement général de l’activité dans tous les secteurs de l’économie néo-aquitaine, selon l’enquête annuelle de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine(1). Même si l’industrie, les services marchands et la construction ont vu leurs chiffres d’affaires légèrement progresser entre 2022 et 2023 respectivement de 0,4 %, 2,1 % et 1,4 %, avec un effet prix à la hausse et en dépit de difficultés de recrutement persistantes. Les situations très contrastées en fonction des secteurs de chaque catégorie devraient perdurer en 2024, avec des prises de commandes record attendues dans certaines filières industrielles, comme l’aéronautique, et des perspectives négatives pour les petites structures.

En ce début d’année, les projections de croissance pour 2024 sont ainsi de + 4,1 % dans l’industrie ; + 2 % dans les services marchands, si la consommation des ménages reprend effectivement ; et – 2 % dans la construction, « secteur dont les carnets de commandes sont à un niveau historiquement bas, avec des reports et annulations de programmes », note Jacky Phillips, chef du département entreprises et activités régionales à la Banque de France Nouvelle-Aquitaine. Malgré tout, l’indice de confiance des dirigeants girondins dans la pérennité de leur entreprise reste positif dans l’industrie (81 %), les services marchands (72 %) et la construction (78 %), selon l’enquête trimestrielle de la CCI Bordeaux-Gironde(2).

Une ombre au tableau : le secteur du commerce, « dont les perspectives de fréquentation de la clientèle restent négatives. Ce qui impacte l’indice de confiance des dirigeants sur la pérennité de leur entreprise, passant de 73 % à 64 % sur les 3 derniers mois », insiste Nathalie Wong-So, chef de projet Études économiques à la CCI Bordeaux-Gironde.