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Gare à l’entretien qui dérape en accident de travail !

Depuis quelques années et surtout depuis plusieurs mois, les entreprises sont de plus en plus confrontées à des demandes de reconnaissance d’accidents du travail de la part de salariés suite à des entretiens ayant eu lieu dans le cadre professionnel.

accident

© Shutterstock / ShotPrimeStudio

Parfois c’est à la sortie ou le lendemain de l’entretien que le salarié adresse à son employeur un arrêt de travail suite à « un accident du travail », parfois c’est plusieurs jours plus tard que le salarié se met en arrêt maladie, mais bien conseillé revient vers l’employeur plus tard pour l’informer qu’il estime avoir subi un accident du travail. C’est dans ce contexte que les médecins traitants utilisent souvent le terme de « syndrome anxio-dépressif réactionnel ».

Quelles sont les chances qu’un tel « accident du travail » soit reconnu ? Quels sont les risques pour l’employeur ? Quels sont les moyens de contestation et de prévention ?

L’accident du travail est l’évènement où une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail quelle qu’en soit la cause dont est victime le salarié et dont il résulte une lésion corporelle (Article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale). Ce dommage peut être physique mais également psychique, ainsi que l’a reconnu expressément la Cour de Cassation (Cass. 2e Civ. 01/07/2003 n° 02-30.576). À cette occasion, la jurisprudence a donc reconnu que la dépression nerveuse, dont est victime un salarié après avoir été avisé par son supérieur hiérarchique au cours d’un entretien d’évaluation qu’il ne donnait pas satisfaction et qui a été rétrogradé, pouvait être reconnue comme un accident du travail dans la mesure où il y avait eu une lésion psychique. Si ce précédent jurisprudentiel existe, la reconnaissance de l’accident du travail est loin d’être évidente, en dehors d’échanges violents verbalement. En effet, pour avoir la qualité d’accident du travail, une pathologie dépressive doit être en lien avec un évènement soudain générateur d’un choc ou d’un trouble psychologique.

Tel n’est pas le cas lorsque l’état de santé du salarié se dégrade progressivement du fait des relations conflictuelles avec ses collègues ou la hiérarchie. (Cass. 2e Civ. 18/06/2015 n° 14-17.691). La CNAM précise que le fait générateur d’un accident du travail ayant provoqué un traumatisme psychologique doit en outre être défini comme « anormal » par sa brutalité, son imprévisibilité, son exceptionnalité ou son écart avec le cours habituel des relations de travail (lettre CNAM TASLR-DPR n° 16/2011 15 mars 2011). Par ailleurs, il est nécessaire que le fait accidentel ait occasionné une lésion. En l’absence de lésion ou de traumatisme, il ne peut y avoir d’accident du travail et c’est au salarié qu’il appartient de démontrer la preuve du traumatisme qu’il a subi.

La jurisprudence retient que les déclarations de la victime à elles-seules ne suffisent pas à établir cette preuve et qu’elle doit établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes et le caractère professionnel d’accident (Cass. Soc. 26/05/1994 n° 92-10.106). Le seul fait pour un salarié d’avoir informé un responsable de son entreprise ou son employeur de l’apparition d’une lésion au cours de son travail ne saurait justifier la qualification d’accident du travail retenue par les Juges. (Cass. Soc. 08/06/1978 n° 77-11.942).

Il est donc possible de mettre en exergue l’absence d’attestation de témoin direct de l’accident, alors que les circonstances de l’accident doivent être établies autrement que par la seule version du salarié victime. (Cass. 2e Civ. 21/06/2006 n° 04-30.670)

Quelles sont les conséquences pour l’entreprise si l’accident du travail est reconnu ?

Le salarié est protégé dans le cadre de la rupture de son contrat de travail, seule la faute grave ou le maintien impossible dans l’emploi, pouvant être invoqués. En cas d’inaptitude, son indemnité de licenciement est doublée. S’il pouvait établir que l’employeur a eu conscience du danger auquel il était exposé, il pourrait essayer de voir reconnaître une faute inexcusable de la part de l’employeur et une indemnisation supplémentaire. Enfin, selon l’effectif de la société, la reconnaissance de l’accident du travail a un impact sur les cotisations patronales couvrant le risque accident du travail maladie professionnelle. L’employeur a donc fortement intérêt à combattre par tout moyen les tentatives abusives d’un salarié de voir reconnaître une situation en accident du travail en l’absence d’évènement anormal qui se serait passé sur le temps et le lieu de travail.

Comment l’employeur peut-il se prémunir contre ce risque ?

Tout d’abord, il convient de mener les entretiens avec prudence, surtout lorsqu’il s’agit d’entretiens disciplinaires ou d’évaluation aboutissant à des conclusions négatives sur la qualité du travail du salarié. Lorsqu’un salarié prétend être victime de lésions corporelles survenues au temps et au lieu de travail immédiatement portées à la connaissance de l’employeur, celui-ci doit en faire la déclaration quelle que soit son opinion sur les causes de l’accident (Article L.441-1 du Code de la Sécurité Sociale). Quelle que soit la date à laquelle l’employeur est informé par le salarié, l’employeur est dans l’obligation de déclarer cet accident.

C’est au salarié qu’il appartient de démontrer la preuve du traumatisme qu’il a subi

En parallèle, il lui sera nécessaire d’émettre des réserves sur l’accident du travail auprès de la CPAM dans le délai de 10 jours qui suit la déclaration. Les réserves formulées par l’employeur doivent être motivées, l’employeur doit contester au travers de ses réserves le caractère professionnel de l’accident. En étant suffisamment précises et détaillées, les réserves ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. Il faut donc préciser qu’il n’y a pas eu d’accident sur le lieu du travail et que le salarié n’apporte aucun autre élément que ses propres dires pour caractériser l’existence d’un évènement soudain. C’est réellement la matérialité même de l’accident qui doit être contestée.

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