Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Haptique ou la puissance du toucher

LA VEILLE TECHNO : Décrypter, proposer une vision prospective et une application concrète pour mieux comprendre les enjeux pour nous, pour la société et la planète… Les sujets ne manquent pas ! Cette semaine, zoom sur les solutions haptiques ou comment mieux exploiter le sens du toucher et son potentiel.

Edouard Boulanger, Haptique

Edouard Boulanger © D.R.

Septembre 2015, Apple annonce la sortie de l’iPhone 6s et, avec lui, son lot d’innovations dont un écran tactile précurseur, le 3DTouch : grâce à une certaine pression de son doigt, l’utilisateur peut afficher un aperçu, activer le balayage rapide ou entrer dans le contenu d’une application. Une révolution ! En 2018, Apple remplace cette technologie de première génération par l’Haptic Touch. De l’appui prononcé du doigt sur l’écran… se fend une petite vibration en guise de réponse. C’est ce que l’on nomme un « retour haptique ». Différant de la technologie 3DTouch qui repose sur la pression, l’Haptic Touch fait appel à la notion de « temps passé » en contact avec l’écran. Go pour la démocratisation de l’haptique auprès du grand public ! Des consoles de jeux aux smartphones, en passant par les voitures, les robots, et même l’exploration spatiale, la technologie haptique est omniprésente et son potentiel est impressionnant. Une technologie d’avenir, à coup sûr.

« RESSENTIR LE TOUCHER » GRÂCE AUX DISPOSITIFS HAPTIQUES

Selon Wikipedia, l’haptique (du grec haptomai : « je touche ») désigne la discipline qui explore et exploite le sens du toucher et les phénomènes kinesthésiques. Toutes ces sensations sont bidirectionnelles en ce qu’elles impliquent une interaction réciproque entre un être humain et son environnement – réel ou virtuel – et peuvent être modélisées et simulées au travers de dispositifs haptiques spécialement conçus pour répondre à des besoins spécifiques, comme la conception ou la manipulation d’objets (en mode virtuel ou réel). Exemples : les gants et vestes haptiques, les casques de réalité virtuelle avec retour haptique, les écrans, les manettes de jeux et les périphériques haptiques ou encore les exosquelettes haptiques. Comment ça marche ? Les dispositifs mis en place reposent sur la rétroaction haptique qui permet à des utilisateurs de percevoir des sensations – par vibration, chaleur, pression ou encore la texture ou la température – consécutives à une action.

INTERFACES PSEUDO-HAPTIQUES : L’ILLUSION DU RÉEL ?

Variantes des dispositifs précités, les interfaces pseudo-haptiques simulent ou reproduisent, par l’illusion, des sensations tactiles sans utiliser de mécanismes physiques de retour direct. Comment ? En s’appuyant sur des stimuli visuels ou auditifs qui permettent d’exploiter notre perception sensorielle pour mieux imiter la sensation de toucher ou de texture. Autre type de stimulus : les ultrasons qui génèrent une pression sur la peau de l’utilisateur créant une sensation de toucher ou de texture. Cf. la start-up israélienne RightHear avec son application de navigation sur smartphone pour les personnes à déficience visuelle.

PAROLE D’EXPERT

Comme le souligne Christophe Halgand, Docteur en Neurosciences et Robotique humanoïde au CNRS : « La coadaptation entre notre corps et les technologies haptiques est essentielle pour une intégration réussie et peut conduire à d’importantes avancées dans le contrôle réel ou virtuel d’objets, en particulier pour les personnes en situation de handicap ».

QUID DES STANDARDS ET DE L’INTEROPÉRABILITÉ ?

L’un des principaux enjeux reste celui de l’édiction de normes. À l’heure actuelle, chaque acteur développe des solutions et des protocoles qui lui sont propres (pour composants ou logiciels) et donc intégrés verticalement. Conséquence ? « Un paysage fragmenté et incohérent, entravant l’exploration créative de l’utilisation de ces technologies source de nouvelles expériences utilisateur » selon l’Haptics Industry Forum. Élaborer des normes, c’est également permettre une interopérabilité, destinée à profiter à tous : fabricants d’appareil, développeurs, fournisseurs de logiciels, acteurs finaux. D’où un agenda imaginé en 2021, portant sur trois points cruciaux : l’encodage des données dans un format unique (MPEG), une plateforme d’API unique, et un protocole de périphérique de type plug-and-play.

QUELS DOMAINES D’APPLICATION ?

« Mayday Mayday ! »… Alerter les pilotes qu’ils entrent dans des zones de turbulences ou « de conduites hasardeuses » grâce au retour de forces dans les commandes, voici une des premières applications concrètes dans l’aéronautique, nées au cours des années 70. Florilège des secteurs désormais couverts :
le divertissement : Objectif : offrir une expérience plus immersive ! Les simulateurs de vol et les parcs d’attractions équipent leurs sièges pour reproduire les sensations de vol avec précision. Autre exemple : conçue par OWO, une veste à retours haptiques permettra aux joueurs de ressentir une légère brise…
l’industrie : Pour la formation des travailleurs et la téléopération de robots (opérateurs de drones) dans des environnements dangereux, notamment.
l’éducation : Ressentir des concepts abstraits ? Plus aisé désormais avec les dispositifs haptiques comme en cours de sciences : simuler des phénomènes naturels (gravité, réaction chimique…) rendant l’apprentissage concret et interactif.
l’automobile : Avertir un conducteur d’un changement imminent de voie ou d’une collision potentielle… Le volant haptique tout comme les sièges vibrants contribuent fortement à améliorer la sécurité en fournissant des avertissements tactiles aux conducteurs.
la médecine : Les chirurgiens utilisent des gants haptiques pour effectuer des opérations à distance avec précision, tandis que les patients en rééducation utilisent des exosquelettes haptiques pour retrouver leurs capacités motrices en utilisant la rétroaction tactile.

ET DEMAIN ? RÊVONS UN PEU…

Même si les marchés des dispositifs haptiques sont loin d’être saturés, on peut déjà imaginer un futur qui ferait la part belle à l’intégration d’autres sens – comme la vision ou l’ouïe – dans l’haptique pour créer une expérience immersive et réaliste. Qu’apporterait la synchronisation de tous ces sens ? Améliorer la perception globale et faire des univers virtuels des mondes plus palpables !

AMÉLIORER LES RÉFLEXES DU SPORTIF

Start-up bordelaise créée en 2021 et accompagnée par Unitec, Performind propose une solution de réalité virtuelle pour les
sportifs de haut niveau et leur encadrement, qui mixe casque RV et exercices de stimulation cérébrale. Objectif : améliorer les performances cognitives et les réflexes du sportif. Explications avec Benjamin Delage, cofondateur de PerforMind.

Comment fonctionne Performind ?
Benjamin Delage : Notre application est un outil d’aide au développement de certaines facultés grâce à des exercices ludiques, dynamiques et complémentaires. En clair, 8 exercices permettent de travailler leurs fonctions cognitives au travers de 5 aspects de l’entraînement : l’attention et la concentration ; la perception visuelle, auditive et haptique ; le raisonnement ; la mémorisation ; et la motricité.

Pourquoi introduire des retours haptiques ?
Grâce aux retours de force dans les poignées de contrôle, Performind ajoute une « couche interactive ». L’objectif est bien de plonger l’utilisateur dans un environnement encore plus réaliste en le guidant notamment dans la réalisation de ses exercices. Il visualise son corps, l’espace et les objets avec lesquels il doit interagir. Quelles sont les prochaines étapes pour Perfomind ?

Continuer à accompagner les staffs techniques et médicaux des clubs dans le travail cognitif des sportifs, développer des formations auprès des clubs, des centres de formations et étoffer notre bibliothèque d’exercices cognitivo-moteurs.

UNITEC

Unitec est l’une des principales structures d’accompagnement des start-ups de la région bordelaise. Elle a contribué à la création de 632 start-ups sur le territoire. Forte d’une équipe de 11 start-up managers, Unitec conseille sur trois filières, numérique, sciences de la vie, sciences de l’ingénieur, en accompagnant de l’idée à la création de l’entreprise (incubation), dans sa structuration et son développement (création/amorçage), dans sa croissance stratégique (développement) et dans son passage à l’échelle via l’accélérateur UP GRADE Nouvelle-Aquitaine. En 2022, Unitec a accompagné 162 start-ups et affiche un taux de pérennité des entreprises suivies de 86 % à 5 ans.

Retrouvez l’intégralité de la note de veille d’Unitec ici. 

INTERFACES HAPTIQUES : UN MARCHÉ MONDIAL DES PLUS PROMETTEURS

En 2022, il était évalué à 2,1 milliards de dollars. Les leviers de croissance ? Une demande forte d’électronique grand public et jeux vidéo, l’essor de la réalité virtuelle, l’innovation dans la robotique ou encore la quête d’une meilleure prise en compte de l’accessibilité des personnes porteuses de handicap. En 2030, il devrait atteindre une valeur de 16 milliards de dollars avec un taux de croissance annuel de 32 %.
Source : Market Research Future / Rapport Oct. 2023

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