Couverture du journal du 03/12/2024 Le nouveau magazine

Huîtres : la perle du Médoc

À l’embouchure de l’estuaire de la Gironde, sur la commune de Saint-Vivien-de-Médoc, s’est développé l’affinage des huîtres dans des marais créés par des ostréiculteurs dans les années 90. Découverte d’un produit de qualité.

Bertrand Iung, Ostréiculteur, huîtres

Bertrand Iung Ostréiculteur pionnier à Saint-Vivien-de-Médoc © Louis PIQUEMIL - Echos Judiciaires Girondins

Drôle d’endroit pour affiner des huîtres… À la pointe du Médoc, sur des hectares d’anciens champs de céréales, une poignée d’ostréiculteurs ont construit digues et marais pour les affiner. Réintroduites dans cette partie du Nord Gironde, l’huître du Médoc est en train de s’imposer chez les meilleurs écaillers et restaurateurs. Il faut dire que la culture de l’huître, le Médoc l’a eue pendant des décennies, avant qu’elle soit interdite en 1970. Cette pêche faisait vivre quelque 3 000 Médocains. L’interdiction a été promulguée en raison de la construction d’un site industriel, et de la présence de pétrole par principe de précaution. « L’âge d’or du Nord Médoc était terminé », se désole Bertrand Iung, ostréiculteur à Saint-Vivien-de-Médoc.

Le ruppia, une petite plante aquatique, est venue gripper l’exploitation de gambas

LE RETOUR DE L’HUÎTRE

Bertrand Iung fait partie de ces pionniers venus s’installer dans le Médoc dans les années 80 avec l’idée de remettre l’huître au goût du jour. Ils sont alors 3 à monter des exploitations. Il fait le terrassement sur des champs de blé poldérisés et terrassés sur 17 hectares. Ces marais, qui n’ont que 30 ans, sont certainement les plus récents de France selon lui. Mais une décision de l’Ifremer (Institut Français de Recherche de la mer) intervient : ils sont d’accord pour les gambas, mais les huîtres demeurent interdites en raison de la présence de cadmium sous forme de sédiments. Après des années de combat, il faudra attendre une dernière étude universitaire, portée par des élus locaux, qui démontre que, non seulement les huîtres ne stockaient pas de cadmium, mais qu’en plus elles dépolluaient !

En 1994, la réintroduction est entérinée : on ne peut plus pêcher dans l’estuaire mais on peut affiner dans les marais. Les exploitants passent alors de 3 à 6, et tous sont encore présents !

LE MARAIS COMME REMPART

Leur spécificité, c’est qu’ils sont seulement 6 exploitants, avec de très grandes surfaces, et chacun a sa prise d’eau. Les marais sont remplis d’eau saumâtre qu’on prend à marée haute en raison de la proximité de l’embouchure. Il faut que ce milieu soit le plus sain possible pour produire du phytoplancton. « C’est du jardinage aquatique », s’amuse Bertrand Iung. La densité d’huîtres est très faible : 500-600 kg/ha. Aujourd’hui, les 16 000 hectares de polder autour du Verdon sont identifiés comme potentiellement « ostréalisables », c’est-à-dire transformables en marais. Une aubaine pour qui voudrait s’y installer.

7E PROJET D’EXPLOITATION EN COURS D’INSTALLATION

D’ailleurs, un 7e projet d’exploitation est en cours d’installation. L’autre avantage des marais est de servir de rempart en cas de risque de submersion sur ces polders comme après la tempête Xynthia : « Si ça arrive », commente Bertrand Iung, « la culture du blé sera compliquée, il faudra de nouveau refaire des digues, et derrière des marais, et ensuite de la prairie, et des champs. Le marais peut être un bon rempart et protéger les terres derrière ».

DU BASSIN AU MÉDOC

Le Médoc est aussi une option pour les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon. Pour illustrer son propos, Bertrand Iung cite le cas de Damien Boulan, qui a ses parcs sur le Bassin et qui affine une partie de sa production dans le Médoc : « Il faut 1 h 15 pour venir jusqu’ici », soutient-il, « Mais quand il prend sa plate pour aller sur ses parcs à huîtres, il doit partir à marée haute, attendre que la marée descende pour travailler, puis qu’elle remonte pour repartir. Finalement, il ne perd pas de temps en venant ici ». Pour de multiples raisons, il devient de plus en plus compliqué de produire des huîtres sur le Bassin, « on peut imaginer que le Médoc soit une complémentarité du Bassin, surtout pas une concurrence. »

Prendre une partie des fines du Bassin pour les affiner en Médoc, c’est une option à ne pas négliger !

Les huîtres du Médoc ont la spécificité d’être particulièrement charnues et croquantes avec un goût de noisettes

CHARNUES ET CROQUANTES

Ces marais répartis sur des milliers d’hectares favorisent le développement des huîtres qui vont faire du gras. Elles ont donc la spécificité d’être particulièrement charnues et croquantes. Le goût est peu iodé et la texture croquante, avec des goûts de noisettes. Une centaine de tonnes d’huîtres sont ainsi produites chaque année, réparties entre les 6 exploitants. « En Bretagne, certaines entreprises ostréicoles produisent 400 tonnes, ici c’est un bébé ostréicole ! Dans le Médoc, on cherche à faire de la spéciale, pas du volume, mais le prix sera plus cher », prévient Bertrand Iung.

GAMBAS EN PÉRIL

La réintroduction de l’huître est tombée à point nommé car une petite plante aquatique est venue gripper l’exploitation de gambas.

Le ruppia, apporté par les cygnes, s’est développé dans les marais. Cette plante locale, qui a la particularité d’être protégée, fait des graines, et elle marcotte. Elle s’est développée à toute vitesse en 10/15 ans, envahissant les marais et empêchant ainsi la pêche des crevettes : « Ça fait une forêt de tiges qui tue tous les animaux ». Faisant chuter la production qui n’est plus qu’à 40 % de son total. La seule parade pour lutter contre sa progression consiste à assécher totalement l’été.

UN MARCHÉ INTERNATIONAL TENDU

Autre difficulté à laquelle sont confrontés les ostréiculteurs et pêcheurs : l’augmentation des produits de la mer : « on vit une véritable révolution. On n’est pas à 10 % mais à 200 % d’augmentation sur certains produits », soulève Bertrand Iung. Avec le Brexit, les Anglais, Écossais ou Irlandais ont empêché les bateaux français de pêcher sur leurs eaux. En même temps, des grandes arrivées de poulpes ont rempli les casiers bretons. Si les céphalopodes ont trouvé des acheteurs, ça a causé une pénurie des crustacés. Et les Chinois ont acheté le double du prix ce qui restait. La tension s’est faite depuis 1 an. « C’est du jamais vu : les bulots sont passés de 4,50 € à 18 € le kilo ! », s’offusque Bertrand Iung, « quand un produit devient trop cher, j’arrête ! »

DE L’EAU TROP SALÉE

Autre enjeu : le réchauffement climatique. « C’est plutôt bien pour les crevettes mais pas du tout pour les huîtres », remarque Alexis Bourrier, ostréiculteur à La Petite Canau. « Nous on est complètement dépendants de l’environnement, donc s’il est détraqué, on est détraqués. » Cette année où il a très peu plu, l’eau est très salée. Et si le taux de salinité est trop élevé, cela joue sur la qualité. Malgré tous ces événements aléatoires, ces fermes ostréicoles de la pointe du Médoc cultivent un charme authentique et une qualité des produits et de l’accueil imparables.

Une centaine de tonnes d’huîtres sont produites chaque année dans le Médoc

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