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[ Incendies en Gironde ] Une alliance durable avec la forêt

Alliance Forêts Bois, premier groupe coopératif forestier français, spécialiste de la forêt privée, est leader national dans la production et la mobilisation de ressources forestières durables. À l’horizon 2030, le projet stratégique d’entreprise repose sur la souveraineté en produit bois et l’adaptation aux changements climatiques, comme nous l’explique Édouard Bentejac, président d’Alliance Forêts Bois.

incendies, Gironde

© Shutterstock

Echos Judiciaires Girondins : Quelles sont les missions du groupe que vous présidez ?

Édouard Bentejac : « La forêt française est à 65 % privée, mais en Nouvelle-Aquitaine elle appartient à 90 % à des propriétaires privés. Notre stratégie consiste à promouvoir leur forêt et à alimenter les industries : la ressource en bois est très demandée car il s’agit d’une énergie renouvelable. On s’emploie à fournir tout en exploitant la surface des sylviculteurs adhérents, nous les assistons avec les conseils dont ils ont besoin. Il existe des enjeux de valorisation, de récolte, et des enjeux de renouvellement, de plantation dans les différentes forêts, certaines ont une véritable dynamique de gestion comme les Landes de Gascogne, le plateau des Millevaches en Corrèze ou les vallées de peupliers de la Garonne, ou en Dordogne ; tandis que d’importantes surfaces de forêt ne sont pas gérées. »

 

EJG : En quoi consiste la gestion des forêts ?

Édouard Bentejac : « Il est nécessaire d’agir pour qu’elles répondent mieux aux attentes des propriétaires et des besoins en bois de la société. Nous devons donc poursuivre les efforts sur les forêts gérées et lancer une gestion sur les autres, donner de la valeur au produit, informer les propriétaires qui s’occupent peu de leur forêt. Grâce au développement du bois énergie mais aussi du bois d’industrie pour la papeterie, pour la construction, ils peuvent dynamiser ce patrimoine, tout en le renouvelant. L’objectif du forestier est de produire une majorité de bois d’œuvre, pour une meilleure valorisation de la production forestière, de remettre des forêts en sommeil dans un cycle de gestion plus dynamique, sur les marchés très demandeurs de bois énergie et bois d’industrie. À nous de mieux intéresser les propriétaires à la gestion de la forêt. »

 

EJG : Le marché mondial exerce-t-il une pression ?

Édouard Bentejac : « La demande est certes forte mondialement, mais les échanges se font surtout sur les produits transformés. Pour les bois ronds qui sortent de la forêt, les grumes ou billons, notre stratégie consiste à vendre en France pour que l’industrie forestière en bénéficie, avec la création de valeur ajoutée sur notre territoire.

Dans un deuxième temps, pourquoi pas exporter des produits transformés ? Mais Alliance a pour stratégie de favoriser l’industrie régionale, elle doit pouvoir s’approvisionner en qualité et quantité suffisantes pour investir et développer les outils industriels : mieux vaut valoriser les bois chez nous. La Chine est en demande sur des produits très particuliers, des chênes de second choix que l’industrie a du mal à utiliser, des résineux très branchus, cela reste très marginal : on exporte 1 %, pas plus, et cela concerne des bois de qualité moyenne ou médiocre, le reste est valorisé auprès des industriels français et européens. »

Alliance Forêt Bois a pour stratégie de favoriser l’industrie régionale

Edouard Bentejac, Alliance Forêts Bois

Edouard Bentejac © Alliance Forêts Bois

 

EJG : Comment composez-vous avec le changement climatique ?

Édouard Bentejac : « On le sait peu, la forêt s’accroît tous les ans en surface : les anciennes terres agricoles, qui ne sont plus exploitées, laissent place à la forêt, qui s’étend. Nous implantons des essences qui résistent au réchauffement climatique. La pérennité de la ressource dépend de la migration assistée et de conduites de peuplement plus résilientes. Le massif des Landes de Gascogne est déjà peuplé de pins maritimes, adapté au réchauffement car ils supportent des latitudes bien plus au sud, au Portugal, au nord du Maroc. Quelques essences sont plus en danger comme le châtaignier, certains dépérissent dans le nord Gironde ou en Dordogne, il faut donc être attentif car il n’est peut-être pas raisonnable d’en replanter. Il faut réfléchir, il n’y a pas de règle absolue. »

 

EJG : Ce défi peut-il se conjuguer aux impératifs économiques ?

Édouard Bentejac : « Alliance investit sur des aspects opérationnels : on vient de le faire fortement dans notre pépinière, Forelite, pour produire les nouvelles variétés dont nos adhérents ont besoin. En plus d’investissements en matériel, nous misons sur la recherche et développement avec la mise en place d’îlots d’avenir, avec des essences qui nous semblent adaptées aux changements climatiques à l’horizon 2050. Nous menons à la fois des opérations très pratiques pour répondre aux attentes d’aujourd’hui et un début de réponse à une autre échelle de temps pour préparer les forêts de nos adhérents à ces changements climatiques.

Il faut aussi planter des arbres qui auront un intérêt économique, sachant que l’industrie aura de plus en plus besoin de résineux, de pins, de douglas, de mélèzes, de cèdres pour réaliser des charpentes et les bardages des constructions bois qui se développent. C’est un enjeu et une sacrée responsabilité : on doit produire le bois dont le citoyen français aura besoin en 2050 et après. L’usage se développe et c’est bien pour la planète car c’est l’exemple même d’une industrie décarbonée. Nous devons répondre au double objectif de produire le bois dont on a besoin et d’adapter la forêt au changement climatique. »

 

EJG : Quelle est la répartition de vos marchés ?

Édouard Bentejac : « Tout d’abord, en valeur, vient le bois d’œuvre : tout ce qui est scié pour fabriquer des palettes, des charpentes, des terrasses, mais aussi du contreplaqué. L’objectif du propriétaire est de produire ce bois d’œuvre, c’est notre premier marché et il est très diversifié en termes d’essences, pin, peuplier, chêne, châtaignier. Il continue à se développer.

Ensuite, c’est l’industrie, avec l’usage des usines de papier. Les plus grandes usines de carton d’Europe se trouvent dans la région, comme Smurfit à Biganos, et cet usage est en développement avec l’e-commerce et le remplacement du polystyrène ; et l’usine de Tartas est un pôle important pour la chimie verte avec la cellulose utilisée dans des peintures ou des dentifrices…

Enfin, le bois énergie est à destination des grosses chaudières de l’industrie ou des réseaux de chaleur, comme les hôpitaux de Bordeaux, chauffés au bois par des plaquettes ; mais aussi du bois de chauffage pour les particuliers.

Ces trois marchés peuvent évoluer différemment mais sont pour le moment tous les trois très porteurs, en volume et en prix. »

 

EJG : Vous êtes également notaire (ex-président de la Chambre des Notaires de la Gironde) : la forêt est-elle aussi un investissement ?

Édouard Bentejac : « La forêt est un bien immobilier, on peut en acquérir plus facilement qu’un immeuble parce qu’il y en a pour tout le monde.

C’est une passion plus qu’une rentabilité : il faut de la patience pour que ce placement rapporte et les jeunes générations n’ont pas cette appréhension du facteur temps. Il faut aussi accepter les aléas : la tempête, la grêle, le vent, les incendies font partie de la vie forestière. On parle beaucoup du prix du bois mais on oublie cela. Ma propre relation avec la forêt est d’abord une histoire familiale, mais il faut tout de même ne pas perdre d’argent. On peut aussi en gagner, avec le temps. Mais c’est d’abord une passion et une perspective de vue lointaine : c’est la génération d’après qui s’occupera des arbres que nous plantons. »

 

ALLIANCE FORÊT BOIS EN CHIFFRES

43 000 adhérents

680 salariés.

11,5 millions d’arbres plantés, soit 11 000 ha de reboisement

50 000 ha de travaux sylvicoles

3,2 millions de m3 de bois mobilisés et commercialisés

196 millions d’euros de chiffre d’affaires

382 000 euros dédiés à la R&D

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