Echos Judiciaires Girondins : Comment vivez-vous personnellement cette crise sans précédent ?
Philippe Loiseau : « Je suis très inquiet quant à la gravité de cette situation. Je suis moi-même insuffisant cardiaque et diabétique, je reste confiné, ce qui ne m’empêche pas de suivre les affaires. J’ai appris hier (le 20 mars ndlr.) le décès d’un chef d’entreprise girondin de 50 ans. C’est un gros choc et ça remet les pendules à l’heure. »
EJG : La CCI comme la CPME restent durant cette période très mobilisées… Quelles sont les mesures prises pour accompagner les commerces fermés ?
P. L. : « Je suis moi-même assureur et poursuis mon activité en télétravail. À la CCI, nous avons mis en place un numéro d’appel où répondent des permanents qui sont des élus référents. Tous sont des chefs d’entreprise qui correspondent aux différents secteurs. Nous faisons appel à des experts pour répondre aux interrogations. Les demandes reflètent une grosse inquiétude concernant les pertes financières, l’arrêt d’activité, les licenciements économiques… À la CPME, nous appelons nos adhérents un par un. Ça fait du bien au moral, on se rend compte que face à la situation, on a vraiment besoin
d’échanger. »
EJG : Quel est l’état du commerce bordelais et girondin ?
P. L. : « Les commerces ouverts prennent des risques et il faut absolument assurer leur sécurité. Parmi eux, certains doivent également faire face à des pénuries de marchandises et des arrêts de travail. On a beaucoup de demandes de gels et de masques. Nous recevons beaucoup d’appels de chefs d’entreprise qui se demandent comment assurer la sécurité de leurs salariés, et qui préfèrent fermer leur boîte quand le télétravail n’est pas possible. Il y a une réelle prise de conscience des risques. »
EJG : Cette crise sanitaire va avoir de fortes répercussions sur le monde du travail…
P. L. : « Beaucoup d’entreprises découvrent le télétravail. À la fin de la crise, on ne sera plus les mêmes. Nos activités en sortiront forcément transformées. Les boîtes qui ne sont pas digitalisées seront obligées de s’y mettre. Le « fabriqué en Gironde » va fleurir. On doit aussi vendre à l’étranger mais on ne peut plus dépendre à 100 % de la Chine. »
EJG : Pensez-vous déjà au « redémarrage » ?
P. L. : « C’est indispensable. On parle d’un report de charges mais il va falloir y faire face. Toutes les entreprises ont des réseaux commerciaux mais quand le commercial est à l’arrêt pendant plusieurs semaines, il faut remettre tout cela en place. On traite les commandes mais pour que la reprise soit forte, il va falloir aider les entreprises. La reprise ça se prépare. Certaines vont pouvoir rebondir, mais d’autres vont prendre plus de temps à relancer leur activité. »
EJG : Quelles sont les entreprises les plus impactées ?
P. L. : « Celles qui se sont arrêtées brusquement : beaucoup de commerces, les transports scolaires… Dans la restauration, ils ont joué le jeu et fermé du jour au lendemain, à 99 % des effectifs et restent avec des stocks sur les bras… Celles qui sont bloquées vont mettre du temps à repartir. Toutes celles qui n’ont pas de trésorerie. Il va falloir trouver des solutions pour ce passif, pour combler le chiffre
d’affaires perdu. La question c’est comment financer ce manque à gagner ? »
EJG : Comment voyez-vous les perspectives du commerce bordelais et girondin dans les années à venir ?
P. L. : « Il faut rester optimiste et penser à des jours meilleurs. Après la crise, il y aura une soif de vivre, de consommer… Mais la reprise ne suffira pas à tout combler. Il faudra aider à la reprise, tout cela il faut le préparer. »
accueil@cpme-na.org
COMMERCES DE GIRONDE RESTRICTIONS DES HORAIRES D’OUVERTURE
Dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, la préfète de la Gironde Fabienne Buccio a décidé la fermeture entre 21 h et 5 h des établissements exerçant les activités suivantes :
– commerce de détail de produits surgelés ;
– commerce d’alimentation générale ;
– supérettes ;
– supermarchés ;
– magasins multi-commerces ;
– hypermarchés ;
– commerce de détail de fruits et légumes en magasin spécialisé ;
– commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé ;
– commerce de détail de poissons, crustacés et mollusques en magasin spécialisé ;
– commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé ;
– commerce de détail de boissons en magasin spécialisé ;
– commerce de détail d’alimentation générale des stations-services ;
– autres commerces de détail alimentaires en magasin spécialisé ;
– commerce de détail alimentaire sur éventaires et marchés ;
– commerce de détail de produits à base de tabac, cigarettes électroniques, matériels et dispositifs de vapotage en magasin spécialisé.
Cette mesure s’appliquera jusqu’au 15 avril 2020.
LA CCI SUR TOUS LES FRONTS
Grosse activité pour la Chambre de Commerce de Bordeaux-Gironde. Dès l’annonce du confinement, les appels ont augmenté de 44 %, plus de 6 800 visites ont été enregistrées sur son site, et sa plateforme a reçu 515 demandes en 4 jours. « La moitié de nos collaborateurs répondent en télétravail », s’est félicité son président Patrick Seguin. L’appel téléphonique – qui présentait trop d’attente – a finalement été abandonné au profit du mail où les entrepreneurs laissent leur numéro avant d’être rappelé. « Sur l’ensemble des dossiers, 331 concernaient des demandes sur les mesures gouvernementales », a précisé Patrick Seguin qui a salué par ailleurs l’aide apportée par la cellule de crise de la Région qui a alloué une somme de 1 500 € aux entreprises les plus en difficultés et qui sera sûrement reconduite. « Nous avons traité également 86 dossiers de demande d’aide renforcée. Certaines entreprises rencontrent déjà de très grosses difficultés. Il y a un caractère d’urgence, nous traitons au cas par cas », a exposé le président de la CCI. Il a également insisté sur la solidarité « extraordinaire » entre tous les acteurs, que ce soient les clubs d’entreprises, plateformes collaboratives et représentations patronales ou professionnelles : CCI, Medef, CPME, Chambre des métiers… « Il y aura un avant et un après, en particulier sur les questions environnementales et sociétales », a estimé le président. En ces temps de crise, bien des chefs d’entreprises sont perdus face à des demandes contradictoires. « Faut-il continuer le travail ou non ? », s’interrogent nombre d’entre eux. « Nous sommes toujours soumis au respect de la Loi et du code du travail », a pour sa part estimé Patrick Seguin. « Les chefs d’entreprise doivent assurer des conditions d’hygiène et de sécurité de bonne qualité. Il faut prendre ses responsabilités. » C’était aussi pour Patrick Seguin l’occasion de faire passer quelques messages : « La fédération des hôpitaux privés pilotée par la clinique Tivoli connaît de grosses difficultés d’approvisionnement de masques chirurgicaux et appelle toutes les entreprises girondines qui auraient du stock à leur en fournir* ». Le président de la CCI a tenu à rappeler aux chefs d’entreprise un message important pour la suite : « Il faut garder une trace de tous les actes : preuves
d’arrêt de travail, facturation, contacts URSSAF, Direccte, CCI, etc. toutes ces formalités qui permettront aux entreprises de prouver qu’elles ont tenté de protéger et sauvegarder leur activité ». Enfin, gare aux fake news et aux sites qui proposent de prendre en charge toutes ces formalités et demandent au passage le RIB et la signature de l’entreprise. Il faut rester sur les sites officiels !
* Contact Émilie Lapoudge 05 56 30 61 11