Selon l’INED, un mariage célébré en France sur sept est, ce que l’on appelle, un mariage mixte, c’est-à-dire qu’une personne de nationalité française épouse une personne d’une autre nationalité[1]. Les dernières statistiques de l’INSEE réalisées pour l’année 2015 indiquent que 46 300 mariages célébrés à l’étranger ont été transcrits à l’état civil français, dont une grande majorité (91%) ont uni une personne de nationalité française et une personne étrangère.
Quel que soit le lieu de célébration du mariage, en France ou à l’étranger, plus d’un quart des mariages ayant concerné au moins une personne de nationalité française sont des mariages mixtes.
Ces unions peuvent générer des difficultés d’ordre juridique, surtout lorsque les époux n’ont pas conclu de contrat de mariage ou fait une déclaration de loi applicable. Le risque pour ces couples mariés est alors de voir appliquer à leur régime matrimonial une loi qu’ils n’auraient pas choisie.
Quelles sont les situations visées ?
L’internationalité d’une situation peut résulter :
- de la nationalité des époux, les époux ayant des nationalités différentes ;
- de la résidence des époux, les époux s’étant installés dans un Etat autre que celui de leur nationalité ;
- de la localisation des biens immobiliers détenus par le couple[2].
À noter que le lieu de célébration du mariage n’a pas d’incidence sur la détermination du droit applicable au régime matrimonial.
Comment est déterminée la loi applicable au régime matrimonial à défaut de choix exprès des futurs époux ?
Les solutions développées ici sont celles provenant des règles de droit international privé français.
Cette question va dépendre de la date de célébration du mariage[3], avant ou après l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 (avant ou après le 1er septembre 1992), ou à partir de l’entrée en application du Règlement de l’Union Européenne n° 2016/1103 du 24 juin 2016 en matière de régimes matrimoniaux (à compter du 29 janvier 2019). Etant observé que le choix exprès des futurs époux devra nécessairement être antérieur à la célébration de leur union et constaté de manière certaine et non équivoque soit aux termes de leur contrat de mariage, soit aux termes d’un acte autonome portant désignation de loi applicable, soit aux termes d’une déclaration des époux consignée dans l’acte de mariage.
Pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992
Le principe directeur est l’autonomie de la volonté : la jurisprudence française a reconnu très tôt le rôle de la volonté des époux dans le choix de la loi applicable à leur régime matrimonial[4]. Autrement dit, les époux mariés avant le 1er septembre 1992 ont pu valablement élire, avant la célébration de leur union, pour loi applicable à leur régime matrimonial, tel ou tel droit interne du pays de leur choix. Si les époux n’ont pas déterminé de manière expresse le droit applicable à leur régime matrimonial, les règles jurisprudentielles nous imposent alors de rechercher, d’après les faits et les circonstances, le statut matrimonial que les époux ont implicitement eu la volonté d’adopter au jour de leur union. Le plus souvent, il conviendra de rechercher quel a été le premier domicile matrimonial. Cette loi, une fois déterminée, n’est pas susceptible de mutabilité automatique.
Pour les époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019
La détermination de la loi applicable en vertu de la Convention de La Haye va se réaliser en deux temps à défaut de choix exprès des époux. Dans un premier temps, il convient de se placer au jour du mariage pour rechercher la loi initialement applicable. La Convention encadre limitativement les lois possibles : la loi de la première résidence habituelle après le mariage, la loi de la nationalité commune des époux, à défaut la loi qui présente les liens les plus étroits.
Dans un second temps, il faut s’interroger sur le point de savoir si, postérieurement à la célébration du mariage, une mutation de la loi applicable est intervenue de manière involontaire. Ce sera le cas lorsqu’en cours d’union, les époux acquièrent une nouvelle nationalité ou changent d’Etat de résidence.
Pour les époux mariés à partir du 29 janvier 2019
L’article 26 du Règlement UE prévoit les mêmes possibilités de loi applicable à défaut de choix par les parties que celles envisagées par la Convention de La Haye. Toutefois, contrairement à cette Convention, la loi applicable, une fois déterminée, n’est pas susceptible de mutabilité automatique.
Quels sont les points qui doivent appeler la vigilance des époux et les amener à consulter leur notaire ?
- Avant le mariage :
Si les futurs époux sont de nationalités différentes ou résident dans un Etat qui n’est pas celui dont ils ont la nationalité ou encore résident dans des Etats différents, leur attention doit être attirée sur l’intérêt de conclure un contrat de mariage préalablement à leur union.
- Après le mariage (pour les époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 28 janvier 2019) :
Des époux qui étaient jusque-là soumis à une certaine loi, peuvent voir leur régime matrimonial se trouver régi par une nouvelle loi à la suite de certains événements (acquisition d’une nouvelle nationalité, installation dans un nouvel Etat).
Pour résumer, dans un contexte international, le notaire sera le meilleur conseil des futurs époux qui souhaitent conclure un contrat de mariage et saura accompagner au mieux les personnes mariées sans contrat désireuses de désigner de manière sûre la loi applicable à leur régime matrimonial.
[1] L’Institut National d’Etudes Démographiques : https://www.ined.fr/
En 2019, les mariages mixtes représentaient 15,3% des mariages célébrés en France, alors qu’ils représentaient seulement 6% des unions en 1950.
Parmi les 212 415 mariages conclus en 2019, 32 430 d’entre eux ont uni une personne de nationalité étrangère et une personne de nationalité française.
[2] Ce sera le cas pour les époux mariés jusqu’au 28 janvier 2019 : ils peuvent, en cours d’union, désigner, « en ce qui concerne les immeubles ou certains d‘entre eux, la loi du lieu où ces immeubles sont situés. Ils peuvent également prévoir que les immeubles qui seront acquis par la suite seront soumis à la loi du lieu de leur situation » (Conv. La Haye, 14 mars 1978, art. 3, al. 4).
[3] Nous n’évoquerons pas les quelques conventions bilatérales ayant été conclues par la France.
[4] Req. 4 juin 1935, Zelcer.