Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Événementiel, des vœux pour 2022

Après des mois d’arrêt, l’événementiel et le tourisme d’affaires ont connu un très gros engouement pour la période septembre-novembre. Mais la 5e vague est venue freiner ce bel élan. Comment les acteurs s’adaptent-ils ? Quel est l’avenir de ce secteur qui a tant souffert de la crise sanitaire ? Selon Amélie Déchénais, directrice du Bordeaux Convention Bureau, chargé du tourisme d’affaires et de l’événementiel en Gironde, les professionnels sont dans l’attentisme et regardent la situation au jour le jour. Elle craint qu'il n'y ait « pas de reprise avant mars ».

Amélie Déchénais directrice du Bordeaux Convention Bureau , événementiel

Amélie Déchénais directrice du Bordeaux Convention Bureau © Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

EJG : Avec cette 5e vague, c’est un peu les montagnes russes…

Amélie Déchénais : « Celle-ci est encore différente. Au premier confinement, tout s’est arrêté. De juin à mi-septembre 2020, des congrès et des salons professionnels avaient pu se tenir. Mais, les annonces de la préfète à la mi-septembre ont totalement fait écrouler le mouvement. Alors que les événements de plus de 5 000 personnes étaient autorisés, elle ne voulait pas d’événements de plus de 50 personnes. Il y a eu pendant le confinement une très grosse mobilisation pour être prêts pour le (second) déconfinement. On avait la preuve que les événements professionnels n’étaient pas vecteurs de clusters. La reprise date d’avril 2021, avec un retour des voyageurs d’affaires. En interne, il y en a beaucoup qui nous disaient « ça bricole un peu » mais rien d’officiel, ni remarquable sur les gros lieux événementiels. On sentait que les gens avaient pris conscience qu’avec le télétravail et l’impossibilité de se réunir, il y avait des secteurs, des associations, des entreprises en peine. Il y a quand même avec ces événements de la création de valeur, de la recherche, du transfert de compétences. À partir de juin, on a commencé à avoir des événements plus significatifs. Le graal ça a été la mise en place du pass sanitaire le 9 août, ça a été très salvateur. Jusqu’au 2 décembre, ça a été une rentrée et une relance extrêmement dynamiques. »

EJG : Comment les équipes s’adaptent-elles à la crise sanitaire ?

A.D. : « Dès le début du confinement, au Bordeaux Convention Bureau, comme à l’Office de Tourisme, on a continué à travailler avec nos partenaires, en communication externe avec les clients, on était mobilisés, on a continué à faire des événements virtuels, de donner de l’info. C’est un cercle vertueux, les partenaires se sont sentis soutenus, la Métropole nous a aussi soutenus pour prendre en charge les cotisations de nos adhérents sur 2020/2021, on a fait des réductions, pas mal sont restés ouverts. Du coup, quand il a fallu reprendre, il y avait une bonne dynamique, et on était soit déjà prêts, soit dans une démarche commerciale de recherche d’événements. Les partenaires, notamment hôteliers, ont reçu une demande énorme de dernière minute de séminaires résidentiels, événements d’entreprise entre 20 et 150 participants. Certains ont même fait des chiffres supérieurs à 2019 ! Bordeaux, a été aussi assez épargnée par le virus. Donc un ensemble de choses, avec l’attractivité, ont fait que cette période septembre-novembre a été très bonne pour le tourisme d’affaire et même de loisirs. Notamment avec les Espagnols. Ça a été un gros souffle d’air. »

bassins de lumières, événementiel

@ bassinsdelumières

EJG : Quel est l’impact économique de ces événements ?

A.D. : « Plusieurs choses se sont agrégées : 2020 devait être une très grosse année, avec notamment 3 des plus gros congrès nationaux qui tournent, reprogrammés en 2021 : les HLM (5 000 personnes), l’Ordre des experts comptables (4 000 personnes) et la VAC (vétérinaires des animaux de compagnie, 4 000 personnes). Ils ont eu lieu entre fin septembre et fin novembre. On a eu aussi des plus petits congrès : l’Ecoc, le congrès européen de l’optique (1 800 participants) et d’autres événements plus restreints, de 150 à 300 participants. Il y a des événements tels qu’Exp’hôtel qui sont très importants, mais qui ne sont pas tournants, c’est-à-dire qu’ils captent un gros nombre de participants de la Région. Ce sont des événements pro mais locaux, dont les retombées sont moins importantes pour la destination Bordeaux. C’est important pour le CEB, pour les locations des exposants. Nous, ce qui nous intéresse, c’est qu’ils captent du national : sur les 3 gros congrès, plus de 80 % des participants sont hors Nouvelle-Aquitaine. Donc ça veut dire des dépenses supérieures. »

Le graal, ça a été la mise en place du pass sanitaire le 9 août

EJG : Etes-vous de nouveau confrontés à une vague d’annulations ?

A.D. : « Les annonces, sans réel décret, nous impactent, mais de manière hétérogène. Ce qui est compliqué dans nos métiers, c’est que quand le gouvernement dit « c’est déconseillé mais pas interdit », des entreprises décident d’annuler 3 jours avant une fête de fin d’année avec 300 personnes. Du coup, en l’absence de législation, ça engendre de grosses négociations avec les prestataires de service. Eux font face à des annulations, pas forcément reportées, dues à la période. Je pense aux événements festifs : réunion, pot de fin d’année, soirée dansante, vœux, etc. En l’absence d’interdiction formelle, c’est un jeu de négociations entre les organisateurs et les lieux prestataires. C’est du cas par cas. C’est très compliqué de se positionner. Le CEB a une vingtaine d’événements qui sont tombés, les clients veulent reporter, mais il n’y a pas de date de report fixée. Au Palais de la Bourse, ils ont eu une quinzaine de dossiers tombés en décembre, et une dizaine pour janvier. Il y a des privatisations d’hôtels qui sont tombées avec séminaire, etc. jusqu’à fin janvier. Et on sent une baisse de confiance sur février/mars. Ce n’est pas évident ces fausses décisions. L’an dernier, avec la fermeture administrative, tout le monde était logé à la même enseigne, là c’est différent. Comme c’est déconseillé, la responsabilité repose sur l’organisateur. C’est lourd à porter. »

La destination Bordeaux est toujours très prisée

Vous ne vous attendiez pas à cette 5e vague ?

A.D. : « Avec le pass sanitaire et les mesures mises en place, les professionnels pensaient qu’en les respectant, les événements seraient maintenus. 15 jours avant les annonces, il y avait des prémices de questions posées, surtout sur les événements de fin d’année. On pouvait adapter la restauration en assis, ne pas faire de soirée festive. Il faudrait que les annonces soient plus claires : certaines choses ne seraient pas tombées si on avait des formats d’événements. Ce flou a desservi, comme beaucoup de points pendant la crise. Novelty, un prestataire audiovisuel a vu 95 % de ses dossiers tomber en 3 jours, ça représente à peu près 1 million de chiffre d’affaires. On a appris que Bordeaux River Cruise a décidé de fermer jusqu’à début mars. »

Bordeaux Convention Bureau : les missions

Le Bordeaux Convention Bureau (BCB) est un service intégré de l’Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux Métropole. Sa mission principale est la promotion du territoire et de la destination Bordeaux pour tout ce qui concerne tourisme d’affaires et événements professionnels. Cela couvre à la fois la ville, la métropole, le vignoble, le Bassin et tout l’ensemble du territoire.

Les cibles : le corporate, tout ce qui est événementiel professionnel organisé par des entreprises ou des agences ; ou l’événementiel, les congrès et salons organisés par des fédérations professionnelles, syndicats, associations scientifiques, sociétés savantes… Arrivée au BCB en tant que chargée de développement en 2012, Amélie Déchénais en est la directrice depuis 1 an.

EJG : De gros événements sont attendus pour janvier/février ?

A.D. : « Il y a le Jumping maintenu à Bordeaux pour début février, mais c’est au jour le jour. Il y avait aussi de jolis événements, entre 500 et 1 500 personnes. Tout ce qui est congrès et salon pro, ça tient encore, mais on s’attend à des annulations ou des demandes de report. Pour tout ce qui est corporate, l’entreprise qui l’organise est la seule décisionnaire pour l’annuler. En revanche, pour un congrès, un salon, organisé par une fédé, une asso, ou une entreprise avec plusieurs organisateurs, la prise de décision connaît plusieurs interlocuteurs. La tenue de l’événement entre dans le modèle économique, du coup, la prise de décision est beaucoup plus lente. C’est pour ça que c’est le corporate qui est tombé en premier, mais là c’est possible que les congrès et salons tombent également. »

EJG : Comment se portent les acteurs du secteur ? Vous sentez une certaine lassitude, ou au contraire du volontarisme ?

A.D. : « C’est assez ambivalent. La période a vraiment démontré l’importance de ces rencontres professionnelles et de ces événements, pour faire avancer des sujets, développer un certain nombre de projets. On s’est rendu compte que lorsqu’il n’y a pas de rencontres, il ne se passe pas grand-chose. En digital, il n’y a pas de création de valeur ajoutée, c’est vraiment une prise de conscience pour le développement et pour le territoire. On voit ce que les événements professionnels apportent au territoire en termes de retombées économiques. On a beau dire que le tourisme d’affaires représente 50 % des nuitées sur la métropole, quand ça s’est arrêté, les gens ont vraiment compris qu’il y avait un énorme vide sur la destination. Et puis ce sont 50 % des nuitées, mais ce sont des gens qui consomment plus qu’en tourisme de loisirs. Et en même temps, il y a une demande continue d’adaptation, et les gens qui travaillent dans ce secteur ont faculté là, d’adaptation, de remise en question. Beaucoup en ont profité pour se certifier, se labéliser, créer des chartes RSE, réfléchir à la manière d’organiser un événement éco-responsable. On les accompagne vers des démarches plus qualitatives et plus durables. Après on commence à échanger sur une modification profonde du secteur, à parler de saisonnalité, de mars à novembre. »

La période a vraiment démontré l’importance des événements professionnels pour développer des projets, créer de la valeur

EJG : On s’achemine là-dessus ?

A. D. : « C’est bien trop tôt pour le dire. Ça va se faire par la force des choses, et on est déjà dans cette mouvance. Avec l’application des mesures sanitaires, les profils d’événements ont déjà changé. La crise a accéléré 2 grandes tendances : le développement durable appliqué à l’événementiel ; comment on crée un événement plus écoresponsable et comment on laisse un héritage plus positif sur le territoire à court, moyen et long termes. Dans l’héritage, il y a dans le court terme, les retombées économiques, puis dans le moyen et long termes la spécialisation, la création de filière d’excellence, ça permet de développer des bourses de recherche pour les labos du territoire, de faire envisager à des entreprises de s’implanter. Ce sont des conséquences à plus long terme que la venue de 5 000 participants. La 2e grande tendance, c’est l’hybridation des événements. La plupart ont une partie livestream renforcée. Les événements 100 % digitaux ont moins de retombées. On revient à des événements en présentiel, avec une forte partie diffusée en livestream, pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Le contenu est ensuite optimisé par l’organisateur. »

Le flou des annonces gouvernementales a desservi le secteur

Stéphane Kintzig de Congrès et Expositions de Bordeaux. événementiel

Stéphane Kintzig
de Congrès et Expositions de Bordeaux. @ D.R.

Congrès et Expositions de Bordeaux

Des événements programmés pour le 1er trimestre 2022

Une fermeture longue de 18 mois. Jamais le staff du CEB n’aurait imaginé vivre une telle traversée du désert. « On pouvait se poser des questions sur notre raison d’être », reconnaît Stéphane Kintzig, directeur général de Congrès et Expositions de Bordeaux. Mais après la pluie vient le beau temps et le CEB a reconnu depuis l’engouement des exposants, des entreprises et du public. Le bâtiment a rouvert en mai d’abord en tant que centre de vaccination puis d’examens. Fin mai, le premier congrès programmé, celui des médecins généralistes, a bien marché. Et dès septembre, le congrès de l’optique a rencontré son public. « C’est un engouement rassurant », se satisfait Stéphane Kintzig. Ainsi, de fin août au 2 décembre, plus de 200 événements ont pu avoir lieu. Jusqu’à la 5e vague : « On a pas mal d’annulations jusqu’au 20 janvier », concède le directeur général, « cela concerne essentiellement des événements festifs : soirées de Noël, clôtures ou démarrages commerciaux… L’événement d’entreprise a souffert en cette fin d’année. En revanche, les AG et les formations ont été maintenues. » Pourtant le directeur reste optimiste pour le prochain événement d’envergure : le Jumping, programmé du 3 au 6 février. « Il concentre 4 jours de compétition, un salon du cheval, un de l’étalon et des soirées de spectacle », s’enthousiasme Stéphane Kintzig, « il y a un gros engouement des entreprises partenaires, des exposants et du public. La vente de billets se passe très bien. » Les autres salons prévus en février et mars (des Vignerons Indépendants, du Jardin, le symposium de l’industrie agro-alimentaire…) ont pour l’instant de bons indicateurs. « Il y a des déclarations de bonnes intentions, mais c’est vrai que les exposants attendent avant de régler les cotisations », ajoute-t-il lucide. « Il y a un effet dernière minute ».

EJG : Malgré toutes ces difficultés, Bordeaux reste une destination prisée ?

A.D. : « À Bordeaux on est dans une dynamique positive, les acteurs de ce secteur se connaissent bien, échangent beaucoup, s’entraident. Ce réseau de 170 sociétés membres (centres de congrès, hôteliers, lieux événementiels, prestataires de services, agences…) qu’on anime avec le Convention Bureau, la manière dont on a géré cette période avec nos adhérents, ont renforcé nos liens, et nous distinguent d’autres destinations. Plus l’attractivité de la destination, et les ouvertures de nouveaux hôtels, tout ça fait que la destination va de l’avant. Il y a une énergie. Même si on commence parfois à être fatigués. »

Palais de la Bourse, événementiel

Palais de la Bourse @ D.R.

EJG : Vous vous projetez comment dans l’avenir ?

A.D. : « On regarde ce qui se passe sur les salons prévus pour janvier/ février/mars, ceux qui tiennent encore. On fait du court terme, au jour le jour. On va attendre le 3-4 janvier comment se sont passées les fêtes, on est très attentifs à la baisse de contaminations. On espère que d’ici là, il y aura des signaux positifs, avec la 3e vaccination. À mon avis, il n’y aura pas de vraie reprise avant début mars. Si les beaux dossiers tiennent. On n’a pas de très gros événements en 2022 comme l’année qui vient de passer, on a plusieurs congrès et salons entre 1 000 et 2 000 personnes. Au final, c’est moins visible sur la destination, mais avec les confirmations, c’est quasiment un événement toutes les 2 semaines, plus tous les reports de 2020. Donc l’année, en termes de capacité d’accueil, est bien complète. On s’adapte, on reste optimiste ! »

La crise a accéléré 2 grandes tendances : le développement durable et le livestream

L’hôtellerie en souffrance

Le secteur hôtelier est très impacté par la 5e vague. Pour Jean-Philippe Burgeat, directeur de l’Hôtel de Tourny, président du Club Hôtelier Bordeaux Métropole et vice-président délégué à l’hôtellerie pour l’UMIH 33 : « Les hôteliers ont l’impression de revivre un jour sans fin… Ils prennent de plein fouet les effets collatéraux des dernières annonces gouvernementales. Salons, congrès ou autres événements annulés, voyages d’affaires annulés et remplacés par des visioconférences, restrictions de déplacement pour certains pays, morosité et anxiété générales sont autant de « bonnes » raisons pour que nous voyons nos plannings de réservations se vider drastiquement et inlassablement. » Les perspectives ne sont pas meilleures pour 2022. « Le taux de remplissage pour décembre a été aux alentours de 50 %, et a fait moins de 30 % pour la période des fêtes. Les mois de janvier et février s’annoncent extrêmement bas : 10 % de réservations. Autant dire, qu’ils flirtent avec le vide sidéral. » Un constat confirmé par une étude récente de la CCI Bordeaux Gironde qui montre que le taux d’occupation dans les hôtels de la métropole bordelaise est en baisse de 10 points en octobre dernier par rapport à 2019. « Un résultat qui s’explique par le manque de clientèle d’agrément le week-end, alors que les manifestations professionnelles reprenaient en semaine. Cette situation se ressent au niveau du revenu par chambre en baisse de 13 % à Bordeaux contre – 9% en moyenne dans les autres agglomérations françaises. »

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