Après le bien-être qui proposait une bulle de décontraction en fin d’été 2019, il était question cette année, à l’université de rentrée des avocats, de savoir. Et par là même de savoir-faire – à actualiser – de savoir être – avec un rappel des bases de l’avocature – et de faire-savoir – des bases de communication à maîtriser. « À quoi sert le savoir si on ne maîtrise pas le savoir être ? », interroge en préambule Carole Fayet, directrice de l’École des Avocats Eda Aliénor. « Savoir-faire, savoir être et faire savoir ! » était donc le thème de cette nouvelle édition de l’université. 80 consoeurs et confrères (nombre limité en raison du Covid) se sont retrouvés au domaine du Ferret durant deux journées rythmées par des conférences. « Ce thème a émergé l’an dernier, » commente Anne Cadiot-Feidt, présidente d’Eda Alienor et ancienne bâtonnière, « le lien entre bien-être (thème précédent) et savoir être est assez cohérent. Quant au faire savoir, ce n’est pas se faire de la pub mais participer à un débat démocratique. » Ce thème a donc rythmé les 8 interventions proposées, que cela concerne le secret professionnel et la confidentialité des correspondances, un sujet d’actualité repris par l’actuel garde des Sceaux, présenté par Jérôme Dirou (barreau de Bordeaux et ancien bâtonnier) et Martine Gout (barreau de Tulle). Il était question ici de savoir se protéger, et ce savoir-faire a largement été débattu la première journée, il fait l’objet de nombreuses actualisations, en particulier concernant le droit de la famille.
Un thème abordé par Jérôme Casey (barreau de Paris) et Kristel Compain-Lecroisey (barreau de Bordeaux) concernant le divorce. Cette dernière a présenté l’ordonnance de protection créée en 2010, qui a fait l’objet de pas moins de 5 arrêtés en moins de 3 mois en 2020. Quant à Jérôme Casey, il s’est attaché à la liquidation du régime matrimonial, à l’établissement de la prestation compensatoire et à la prochaine réforme du divorce… Accélèrera-t-elle vraiment les procédures ?
Le conseil National des Barreaux vient de simplifier les règles de communication.
UNE CARTE D’EMPATHIE
Savoir communiquer était à l’honneur de la 2e journée de conférences. Delphine Gallin (barreau de Marseille, et présidente nationale de l’association des avocats conseils) a présenté ce sujet qui vient de faire l’objet d’une récente réforme.
En effet, le Conseil National des Barreaux vient de simplifier les règles de communication en avril dernier. « Qu’est-ce que je peux communiquer, par quel moyen et sur quel support », a posé comme précepte de départ Me Gallin. Elle a ainsi exposé les 3 domaines d’activité autorisés à être mentionnés (ce qui est parfois un peu restrictif) et a ensuite développé comment se présenter auprès d’un tiers à l’aide de 5 règles : identifier qu’on est bien avocat, coordonnées, barreau d’inscription ou d’origine, structure et réseau d’appartenance. Maître Gallin a ensuite développé ce qui peut faire la différence : savoir définir son champ d’intervention, ses compétences et ses objectifs en établissant une carte d’empathie. Cet outil collaboratif et visuel (que l’on trouve facilement sur internet) permet de se mettre à la place du client, de faire ressortir les typologies de clientèle auxquelles on souhaite s’adresser, et permet de réfléchir à une image globale et une offre de services adaptée. « Cette démarche permet de réfléchir à la stratégie et aux propositions de valeurs, et ainsi de se démarquer », a-t-elle ainsi conclu. Christine Corrieri, directrice du service conseil de l’Autorité de la Régulation Professionnelle de la Publicité (l’ARPP) a ensuite montré l’élaboration des règles légiférant la publicité, à la demande des secteurs et syndicats professionnels et leur application.
LE BARREAU DE BORDEAUX PRÉCURSEUR
C’est enfin Caroline Laveissière (vice-bâtonnier du barreau de Bordeaux) qui a terminé cette matinée en revenant sur la stratégie de communication mise en place par le barreau de Bordeaux à travers la grève pour les retraites des avocats, puis durant le confinement. Elle est tout d’abord largement revenue sur les 10 semaines de grève, avec au départ un message très combatif « Il a fallu expliquer au justiciable que ce n’était pas un combat corporatiste mais qu’on essayait de sauver des petites entreprises. »
Face aux justiciables qui vivaient plus ou moins bien le blocage, le message a évolué vers la participation au service public de la Justice, aux regroupements interprofessionnels et aux manques de finances publiques. À travers de nombreuses coupures de presse et extraits d’émission, elle a montré qu’il a fallu intéresser les médias sur la durée : « le message a évolué, c’est une communication permanente qui s’adapte ».
« (durant le confinement), il a fallu replacer le rôle de l’avocat dans la cité en aidant les entreprises et les justiciables en situation précaire »
C’est ensuite durant le confinement que le barreau de Bordeaux s’est illustré en mettant de suite un plan de communication en action : « En voyant les autres pays européens qui commençaient à confiner, on s’est préparés », souligne Isabelle Missègue, chargée de la communication du barreau. « On était dans une bulle très anxiogène, après une stratégie très offensive, beaucoup d’avocats dans une situation économique difficile, des rapports parfois tendus avec les magistrats, la limite des plaidoiries… Il a fallu replacer le rôle de l’avocat dans la cité en aidant tout à la fois les entreprises et les justiciables en situation précaire. » Ainsi, dès le 17 mars, le barreau de Bordeaux a publié un premier communiqué « barreau solidaire » adressé aux chefs d’entreprise paniqués sur l’application des règles Covid et la responsabilité du dirigeant. « Le confinement nous a permis de trouver de nouveaux modes de communication », remarque Caroline Laveissière. « On est arrivé à communiquer dans l’action, ça a permis une grande cohésion. » Alors que beaucoup de barreaux, à l’instar de celui de Marseille représenté par Me Gallin, ont misé sur une communication interne, le barreau de Bordeaux a été précurseur, avant même l’implication du CNB, en mettant en place communication interne et externe. « Après ces semaines de grève, il fallait maintenir une activité, même gratuite », précise le vice-bâtonnier, « cette anticipation a permis de préparer les confrères qui ont répondu présent que ce soit pour faire face aux nombreux cas de violences intrafamiliales que sur le droit des sociétés. » Ainsi, cette action du barreau de Bordeaux a pu contribuer à une meilleure cohésion des avocats bordelais.