Comme un miroir des sociétés passées et présentes, d’ici et d’ailleurs. Une sandale égyptienne, une chopine européenne inconfortable ou encore des mules féminines révolutionnaires… la palette de chaussures du musée de Romans est d’une richesse stupéfiante. Autant d’objets sur lesquels nos yeux peuvent s’étonner, s’émerveiller, se questionner.
Des murs chargés d’Histoire
D’autant que le lieu d’accueil de la collection, porte en lui l’imaginaire d’événements historiques. Au départ Couvent de la Visitation, fondé au début du XVII°, il abritait les sœurs Visitandines. Chassées du couvent en 1905 (loi de la séparation de l’église et de l’État), il devient tour à tour hôpital militaire et école supérieure de jeunes filles avant de devenir, en 1971, l’un des musées les plus réputés autour de la chaussure. Pour autant, il ne s’agit pas du premier musée en la matière que la ville drômoise ait connu. Déjà, dans les années 1950 et initié par Marie-Madeleine Bouvier, un musée d’art et des traditions avait constitué une petite collection de chaussures. « C’est à la fin des années 60, au regard de l’histoire romanaise de la chaussure que la ville a été approchée pour acquérir une collection d’exception, la collection d’un homme passionné de chaussures : Victor Guilen » raconte Sandrine Ruinaud, responsable du service des publics du musée.
Objet de recherche
Toute sa vie durant, ce passionné de chaussures n’a eu de cesse de chercher et de collectionner toutes sortes de chaussures : historiques, géographiques etc. Une collection dont la ville est devenue propriétaire et qui fait « la base » de ce qui est présenté au public. Le musée de Romans a également bénéficié de dons et de dépôts du musée de Cluny à Paris. Ainsi, sont conservées dans l’enceinte du musée pas moins de 20 000 chaussures. Et seulement 10% sont présentées sur le parcours de visites, dans la mesure où seulement 2 000 objets sont exposés. « Ce qui indique que nous avons de très, très grandes réserves, qui nous rappellent que l’objet chaussure est toujours un objet de recherche » souligne, sourire enthousiaste aux lèvres, Sandrine Ruinaud. Des chercheurs, scientifiques, universitaires, designers et créateurs sont régulièrement accueillis dans le musée pour «se nourrir de nos collections ». Récemment, une chercheuse espagnole est venue consulter la collection pour une étude autour de la chopine.
Aliénation des femmes
Aujourd’hui perçue comme une curiosité, la chopine n’est plus l’objet du quotidien qu’elle représentait en Italie ou dans la péninsule ibérique. Liée à l’apparition du talon haut, c’est à la Renaissance qu’elle se porte pour « indiquer la classe sociale à laquelle on appartient ». Pour autant, la chopine demeure un objet d’aliénation des femmes. En effet, chaussées de chopine, les dames ne pouvaient se déplacer à leur guise – le port de ces chaussures impliquant l’accompagnement de deux domestiques ainsi qu’une démarche instable – et exercer les activités telles que la danse, mal vue d’un point de vue religieux. Faite de liège, de bois ou de métal, puis recouverte de cuir, de brocart ou de velours, l’usage des chopines est définitivement abandonné au XVII°, parce que considérées comme dangereuses.
De même en Chine où les chaussures (ou botillons) témoignent des contraintes imposées aux femmes. Pendant plus de mille ans, le bandage des pieds des petites filles était imposé. « Aujourd’hui, nous parlons de mutilation : l’objectif étant d’éviter au pied de grandir, on n’hésitait pas à casser les métatarses. Un pied de femme chinoise ne devait pas dépasser 7,5 cm » rappelle Sandrine Ruinaud. Et d’ajouter : « La femme chinoise est forcément oisive, c’est-à-dire mécontrainte : elle ne peut pas se déplacer, ni supporter le poids de son corps sur ses petits pieds ». Interdite en 1912, la pratique a pourtant perduré dans les campagnes chinoises jusque dans les années 1950.
La plus ancienne pièce du musée
La pièce la plus ancienne de la collection du musée, quant à elle, est entreposée à l’étage : il s’’agit d’une sandale égyptienne âgée de pas moins de 3 500 années.
« Et elle n’est pas sans rappeler une chaussure que vous portez » me lance, comme une devinette, la responsable des relations avec le public du musée. « C’est la tongue ! » s’exclame-t-elle. Tongue, sandale ou encore chaussure ouverte, celle qui est exposée au musée est faite de fibre de papyrus. Poussant en abondance sur les bords du Nil, la ressource est exploitée entre autres pour la fabrication de chaussures : le papyrus est coupé, séché et tressé.
« Ce qu’il faut retenir, c’est que depuis l’Antiquité, on a inventé les trois formes de chaussures qu’on connaît actuellement. La chaussure ouverte, donc la sandale. La chaussure fermée, le soulier. Et puis, il existe une troisième forme qui est la botte. C’est un soulier avec une protection sur la jambe. En fonction des altitudes, on va porter tel ou tel soulier ». Et parmi les chaussures fermées, on remarque un usage surprenant des escarpins…« Étymologiquement, un escarpin, c’est une chaussure décolletée sur le dessus du pied. D’ailleurs, l’escarpin n’est pas genré : les hommes en portent ! ». Car l’escarpin peut aussi être plat ou à talons. Une utilisation des plus étonnantes pour les Françaises et les Français, contrairement aux européens du sud : « Je fais souvent le test avec les groupes de touristes C’est assez marrant parce que quand je parle d’escarpins à des Espagnols ou des Italiens, ils me disent que c’est une chaussure comme une ballerine ». Autant d’anecdotes et de connaissances sur la chaussure qui en font percevoir une autre dimension.
INFOS PRATIQUES :
Ouvert en août du lundi au samedi de 10h à 18h et les
dimanche et jours fériés de 14h30 à 18h
Contact : 04 75 05 51 81 / musee@ville-romans26.fr
Adresse : Portail Roger VIVIER – Rue Bistour – 26 100 Romans-sur-Isère
Tarif normal : 7,5 €
Par Lisa FÉGNÉ