Les codes de conduite en matière de gouvernance de l’entreprise (GE), adoptés par un nombre croissant de pays (Viénot 1 et Viénot 2 pour la France) à partir du milieu des années 1990, avaient très largement été inspirés par une conception américaine de la firme (théorie de l’agence) centrée sur la relation actionnaires-dirigeant privilégiant une autorégulation fondée sur des mécanismes internes d’incitations et d’audit.
À bien des égards, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) apparaît comme un modèle de gouvernance alternatif où les décisions de l’entreprise sont hétéro-régulées par l’ensemble des parties prenantes qui regroupe tous les acteurs ayant un intérêt dans ses activités (jusqu’aux générations futures, aux animaux et à la planète qui, faute de pouvoir s’exprimer directement, trouvent droit au chapitre par l’intermédiaire des ONG).
La transition vers l’institutionnalisation de nouvelles pratiques répond à une quête de légitimité des entreprises confrontées aux inquiétudes engendrées par le dérèglement climatique et les disparités sociales créées par la mondialisation. Ces menaces nécessitent une adaptation rapide des entreprises, en particulier pour celles dont la taille accentue la visibilité. Demeure la difficulté, pour les dirigeants et les organes de gouvernance interne, de concilier des objectifs multipolaires à court et à long terme tout en respectant une logique de performance financière exacerbée, dans le cas français, par l’internationalisation des géographies du capital.
Le cas Orpea et les controverses autour de la notation, comme Philip Morris ou ExxonMobil entre autres, ont également montré que les principes universels sur lesquels repose la RSE pouvaient être interprétés de manière divergente sinon dévoyés au profit d’intérêts particuliers. Ce qu’il faut bien appeler « des affaires » continue d’interroger la confiance à accorder au marché de la notation, à ses méthodologies, à sa structure et à la légitimité de ses acteurs en gardant à l’esprit l’horizon d’un « champ » de la RSE standardisé.
Un marché de la notation extra-financière en construction
La multiplicité des acteurs formant le paysage européen de la notation extra-financière rend le secteur très concurrentiel. Engagée dans une course à la légitimité (que la dépendance à l’égard des clients qui assurent son financement est toujours susceptible d’entraver), chaque agence désire innover en matière de méthodologie et de positionnement. Le corollaire est une absence de règles partagées à l’intérieur du champ des agences pour fournir aux parties prenantes une représent…