L’or est recherché et enchaîne les records. Le prix de l’once d’or (31,1034 grammes, l’unité de référence au niveau mondial) a atteint 3 963 dollars le 6 octobre. Le métal jaune progresse de 58 % depuis le début de l’année et de 131,1 % depuis trois ans. Le cours de l’or est bien parti pour réaliser sa meilleure performance annuelle depuis 1979.
Cette augmentation bénéficie aussi à l’épargnant français malgré la faiblesse du dollar depuis l’élection de Donald Trump. Le prix du lingot d’or de 1 kilogramme a franchi les 100 000 euros en septembre.
Le prix de l’once d’or en dollar constant a dépassé les sommets atteints lors de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Le prix de 850 dollars par once enregistré en janvier 1980 correspond ainsi à un prix de 3 500 dollars en 2025 corrigé de l’inflation.
L’or est souvent perçu comme une valeur refuge, une assurance contre les imprévus politiques, économiques et financiers. Sur très longue période l’or réplique l’évolution de l’inflation mais avec des cycles haussiers ou baissiers importants qui peuvent durer plusieurs années.
Progression des achats
Plusieurs facteurs expliquent cet attrait pour le métal jaune, en premier lieu un contexte géopolitique tendu : le conflit russo-ukrainien et sa possible extension à d’autres pays européens, le regain de tensions au Proche-Orient depuis le 7 octobre 2023, le risque grandissant d’invasion de Taïwan par la Chine, la montée des régimes totalitaires dans de nombreux États, etc. Le remodelage de l’ordre mondial encouragé par Donald Trump depuis sa réélection l’année dernière et la perte de repères qui en résulte contribue aussi à ce contexte anxiogène.
Second facteur, le marché de l’or est déséquilibré. Nous assistons depuis quatre années à une progression significative des achats réalisés par les banques centrales du Sud global que nous appelions encore peu les pays émergents. Leur volume d’achat annuel moyen depuis le début de la décennie est supérieur à 1 000 tonnes, un niveau deux fois supérieur à celui de la décennie précédente. Ce choix de gestion des réserves est motivé par plusieurs raisons. L’amélioration graduelle de la balance des paiements de ces pays depuis de nombreuses années leur permet de diversifier leur bilan. Leur stock de devises fortes est désormais suffisamment important pour financer leurs échanges commerciaux et financiers avec le reste du monde. Les banquiers centraux souhaitent par ailleurs dédollariser leur bilan et supprimer le risque de contrepartie. Il est impossible de « geler » un stock d’or comme ce fut le cas pour les réserves de change de la Banque de Russie après l’invasion de l’Ukraine.
L’offre stagne
Dans le même temps l’offre stagne, la production d’or reste constante depuis plusieurs années. Les groupes miniers investissent peu dans de nouvelles capacités d’extraction de minerai, ils restent profondément marqués par le retournement des prix survenu il y a une dizaine d’années. Les investissements massifs de capacité qu’ils avaient réalisés au prix d’un endettement élevé lors du précédent cycle haussier de l’or, notamment entre 2008 et 2012, s’étaient retournés contre eux. La priorité est aujourd’hui donnée à l’optimisation des marges. Nous assistons aussi à une baisse des découvertes de nouveaux gisements significatifs et de leur teneur en minerai. Ce phénomène de raréfaction des minerais n’est pas propre à l’or et concerne une majorité de minerais.
Nous assistons à une baisse des découvertes de nouveaux gisements significatifs.
La demande pour l’or a aussi été alimentée par le développement de nouveaux produits financiers comme les ETC (Exchange Traded Commodities), qui ont pour objectif d’acheter et stocker de l’or afin de répliquer l’évolution des prix du métal. Portés par la demande des investisseurs, les ETC ont ainsi acheté collectivement 552 tonnes d’or au cours du premier trimestre de l’année 2025, une hausse de 170 % sur un an. Le SPDR gold shares, le plus important ETC sur l’or au monde détient désormais à lui seul 1 000 tonnes d’or. Accessibles pour de faibles montants et pour un coût modeste, les ETC bénéficient d’une liquidité immédiate, ils peuvent être achetés ou cédés à tout moment. Ces caractéristiques ont permis d’élargir considérablement l’accès à l’or tant pour les investisseurs institutionnels que pour les particuliers.
Et demain ?
Le déséquilibre sur le marché de l’or devrait perdurer. Pour avoir rencontré des officiels d’instituts d’émission du Sud global il y a quelques années, il me semble évident que leur décision de renforcer leurs réserves d’or s’inscrit dans le temps long. Ce sont des décisions stratégiques dont l’implémentation s’étalera sur plusieurs années. Leur allocation en or est largement inférieure aux pays développés, la banque centrale chinoise ne dispose que de 5 % d’or dans ses réserves contre une moyenne de 20 % pour l’ensemble des banques centrales. Preuve de cette dynamique, les banques centrales avaient acheté, à fin juillet, 64 tonnes d’or en moyenne par mois depuis le début de l’année.
La baisse du dollar, qui se négocie déjà à son plus bas niveau depuis 4 ans contre l’euro, devrait aussi favoriser les cours de l’or. Le Président Donald Trump encourage un affaiblissement plus important de sa devise en faisant notamment pression sur les membres du Comité de politique monétaire de la Fed, la banque centrale américaine, pour baisser les taux d’intérêt et dynamiser ainsi l’activité économique. Un dollar plus faible rend l’or plus abordable pour les investisseurs étrangers qui achètent en devise locale.
L’environnement politique international devrait malheureusement au mieux rester difficile et plus vraisemblablement se dégrader. Les régimes autoritaires chinois et russes inscrivent leurs actions de conquêtes territoriales dans le temps long.
Les cours de l’or devraient rester bien orientés au cours des prochains trimestres avec probablement des phases de repli techniques, la hausse rapide que nous avons connu encourageant les investisseurs à prendre leurs bénéfices.
Les cours de l’or devraient rester bien orientés au cours des prochains trimestres.
Comment investir dans l’or ?
Acheter de l’or physique sous forme de lingot ou de pièce reste l’usage le plus répandu. La prime éventuelle (différence entre le prix de la pièce d’or et le poids de l’or contenu sur la base des prix internationaux) est un point de vigilance lors de l’achat. La question du stockage doit aussi se poser, notamment pour des achats importants. Un coffre peut être loué à la banque. Autre possibilité, investir dans « l’or papier » avec les ETC. L’ouverture d’un simple compte-titres chez un intermédiaire financier vous permet d’y accéder. Ce produit répliquera les variations du prix de l’or.
Enfin, vous pouvez aussi investir dans des actions de mines d’or, ces sociétés réalisent actuellement des marges élevées et leur valorisation reste abordable. Un facteur technique pourrait aussi favoriser ce secteur, la capitalisation boursière (valeur que la bourse donne à une entreprise) de l’ensemble des mines d’or cotées est de 350 milliards de dollars, un chiffre dérisoire à l’échelle de la finance internationale. Un fort intérêt de la part des investisseurs pourrait créer une bulle sur ces actifs. Les spécificités des mines peuvent toutefois être très différentes (localisation des mines, teneur en minerai, durée de vie des gisements, proportion d’or natif et de sous-produits, critères ESG, etc. ) ce qui nécessite une bonne connaissance de l’environnement minier et financier. C’est la raison pour laquelle nous privilégions dans nos mandats les fonds d’investissement spécialisés sur les mines d’or.
Attention, les variations de l’or et plus encore des actions aurifères peuvent être importantes, supérieurs aux autres actions. Elles ont tendance à amplifier les variations des prix de l’or.