Echos Judiciaires Girondins : Vous avez été élu en juin 2023 à la tête du Medef Gironde. Vous avez donc connu cinq Premiers ministres en deux ans. Quel signal cette instabilité envoie-t-elle au monde économique ?
Mathias Saura : Un mauvais signal. Nos entreprises évoluent déjà dans un environnement international complexe, marqué par le conflit en Ukraine, les tensions commerciales avec des partenaires historiques comme les États-Unis… Dans ce contexte, l’absence de stabilité et de cap clair est préjudiciable. Pour ce qui est de Sébastien Lecornu, il est trop tôt pour juger. Nous espérons un discours de politique générale qui prenne en compte les réalités économiques, et une continuité sur des dossiers urgents, comme le soutien au bâtiment. Les professionnels du bâtiment doivent être soutenus.
Quelles sont les principales préoccupations des dirigeants girondins en cette rentrée ?
M.S. : L’incertitude les inquiète. Les chefs d’entreprise savent gérer le risque, pas l’absence de visibilité. Comment investir si l’on ignore à quoi ressemblera 2026 ? Plusieurs secteurs sont en difficulté : la viticulture, l’immobilier, le bâtiment, mais aussi l’hôtellerie-restauration et certains commerces. Plus largement, la baisse des investissements inquiète : quand une entreprise réduit ses investissements, c’est le chiffre d’affaires d’une autre qui baisse.
Selon vous, la forte hausse des défaillances d’entreprises est-elle encore liée à un rattrapage post-covid ?
M.S. : Non. Les problèmes liés à la crise sanitaire appartiennent au passé. Ce qui fragilise aujourd’hui, c’est la chute de certains marchés, le comportement d’épargne des ménages et la prudence des entreprises, qui conservent leur trésorerie au lieu d’investir. Le remboursement des PGE n’est plus qu’un sujet marginal, la plupart seront soldés d’ici à juin prochain. Les charges croissantes, la concurrence étrangère et les problématiques douanières pèsent davantage.
L’accès au crédit constitue-t-il aujourd’hui un problème pour les entreprises ?
M.S. : Nous n’avons pas de remontée particulière. Les entreprises saines trouvent à se financer, même si les secteurs en difficulté rencontrent plus d’obstacles.
Le véritable sujet reste la trésorerie. Nous travaillons main dans la main avec les tribunaux de commerce, l’ordre des avocats, des experts-comptables, les banques, les CCI. On ne le répétera jamais assez : un chef d’entreprise qui s’y prend tôt lorsqu’il rencontre des difficultés, a devant lui un panel de solutions assez important.
Les TPE et PME, très nombreuses en Gironde, sont-elles particulièrement exposées ?
M.S. : Toutes les entreprises le sont, des TPE aux ETI. Ce que nous attendons, c’est une revalorisation du travail. Les salariés doivent pouvoir vivre correctement de leur activité. Ce serait bénéfique à la fois pour eux et pour les entreprises.
Qu’attendez-vous de l’action publique ?
M.S. : Nous l’avons bien compris, le problème central est la dette. Et l’un des antidotes, certainement le meilleur, c’est la croissance. Avec 0,6 ou 0,7 % de croissance, nous n’y arriverons pas. Il faut retrouver un rythme proche de 2 %. Cela suppose des politiques favorables à l’investissement des particuliers et des entreprises, à la recherche, à la compétitivité. Oui, il faut réduire les dépenses mais mettre à mal des filières qui sont utiles d’un point de vue économique et écologique, je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. Pour soigner la France de la dette, il y a deux solutions, Mais il y en a une qui pourrait la laisser exsangue. Il ne faudrait pas que le remède tue le malade.
Quel message souhaitez-vous adresser à vos 1 150 adhérents en cette rentrée ?
M.S. : Un message de courage et d’espoir. Les chefs d’entreprise ont appris à être agiles, au prix d’une certaine fatigue, mais ils restent combatifs, optimistes et essayent de trouver des solutions. Pour l’instant, ce qui fait tenir l’économie française, ce sont bien les entrepreneurs et la force de travail de tous ceux qui se lèvent le matin, quel que soit leur métier.