250 ans nous séparent des premiers jalons d’une révolution industrielle dont les problématiques restent pleinement d’actualité. « Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nous ne sommes en état de l’établir nous-mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre propre industrie, employée dans le genre dans lequel nous avons quelque avantage », avançait alors Adam Smith, le père de la pensée classique, dans sa Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). Une telle logique aurait ainsi pu présider aux délocalisations entreprises à la fin du vingtième siècle vers des destinations low-cost. Ces délocalisations ont en effet profité pendant un demi-siècle aux clients, bien heureux de voir le champ des consommations possibles s’élargir, comme aux actionnaires qui ont vu la rentabilité de leurs placements s’envoler. Pour autant ceux même qui ont facilité cette mutation du modèle productif français ont aussi perdu de vue que la richesse d’un territoire suppose qu’il trouve quelque avantage à l’échange.
BALANCE COMMERCIALE NÉGATIVE ET DETTE PUBLIQUE COLOSSALE
Ces délocalisations ont tristement jeté un écran de fumée sur une autre réalité. On pourra rappeler la perte de compétitivité d’une nation dont la balance commerciale est négative depuis vingt ans. On ne pourra non plus nier l’évolution inquiétante d’une dette publique passée de 700 milliards en 1996 à près de 3 000 milliards en 2023, quadruplant pour rattraper le montant du PIB d’un Hexagone qui vit désormais à crédit. On pourra surtout souligner l’impact plus profond sur les territoires d’activités autrefois florissantes mais qui n’ont su évoluer. La crise du covid et plus encore la guerre russo-ukrainienne ont mis en lumière notre dépendance à des chaînes de valeur internationales et éclatées : un pays qui n’est plus maître de ses productions ne l’est pas davantage de ses consommations et repose sur le bon vouloir de partenaires devenus concurrents. L’abandon des usines, le recul de l’emploi industriel et la perte de compétences inhérentes sont autant de symptômes du désintérêt porté à la production industrielle en France. Des pans entiers de nos territoires ont ainsi perdu une partie de leur ossature et l’on ne peut qu’ensemble en constater l’impact néfaste sur l’économie, l’environnement et le social.
Réindustrialiser la France conjugue un défi économique avec des problématiques de transition à la fois environnementales, sociales et sociétales
L’URGENCE D’UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE
Une décennie après la première véritable prise de conscience par les gouvernements de l’urgence de la situation, la France doit se doter d’une politique industrielle capable de relever les défis d’un XXIe siècle déjà bien avancé. Car il s’agit aujourd’hui d’éviter l’anachronisme. Dès le début des années 2000, des clairvoyants comme Henri Martre, Robert Guillaumot ou Alain Juillet pointaient du doigt les challenges qui étaient les nôtres et l’urgence d’adopter une vision plus systémique de la situation en inscrivant notre modèle dans le temps long. L’importance des transformations de l’environnement nécessitait et nécessite encore une information utile pour l’anticipation, la décision et l’action. « Il faut savoir sortir des limites d’une vision territoriale, régionale, nationale ou continentale pour avoir une intelligence du monde. Si les menaces traditionnelles ou nouvelles sont multiples, les opportunités sont partout pour celui qui croit en l’avenir », nous rassurait Alain Juillet lors d’une allocution où se mêlent optimisme et pragmatisme. Cette vision long-termiste et systémique est…