Couverture du journal du 29/11/2025 Le nouveau magazine

Villenave-d’Ornon : Ils tissent leur Twale

En proposant aux entreprises un service innovant de leasing d’œuvres d’art, la jeune pousse veut ouvrir le marché à des artistes locaux en devenir. Encore en phase d’amorçage, Twale affine son modèle économique et réfléchit déjà à un déploiement territorial.

Twale

Romain Rauturier et Alexis Rouaud, cofondateurs de Twale © Astrid Gouzik - Echos Judiciaires Girondins

L’esquisse du projet prend forme sur un coin de nappe, entre Noël et le Nouvel An 2023. Au fil d’une discussion mêlant constat et confidence, Alexis Rouaud et Romain Rauturier pointent une réalité bien familière pour ce dernier : pour un artiste qui débute, se faire un nom est un exercice périlleux. Les galeries adoubent des artistes souvent déjà installés, les prix s’envolent, les codes du marché se referment sur eux-mêmes.

Un prix selon le format

Ce soir-là, germe l’idée du business des deux acolytes : créer un chemin parallèle, plus accessible, où l’œuvre ne vaudrait pas par la cote de l’artiste mais par son format.

De cette intuition naît Twale qui cible exclusivement une clientèle d’entreprises en leur proposant un modèle novateur : louer une œuvre selon sa taille. Trois formats, trois loyers, 50, 100 ou 200 euros par mois. Au terme de la location, de 13 mois minimum, la possibilité d’acquérir la toile pour une somme souvent dérisoire. Un mécanisme inspiré du leasing d’œuvres d’art, délesté de sa logique spéculative.

Accessible pour les PME

Une stratégie qui place la start-up à distance des mastodontes du secteur. Twale revendique être accessible pour les PME de la région, les professions libérales, les cabinets médicaux : des structures désireuses d’embellir leurs espaces sans se lancer dans un achat trop coûteux ou risqué.

Les fondateurs explorent aussi une seconde voie : proposer la formule aux grandes entreprises régionales pour que leurs salariés puissent ensuite se porter acquéreur de l’œuvre. « Un avantage potentiel pour les salariés. Nous tentons pour cela d’entrer en contact avec des comités d’entreprise », commentent les jeunes entrepreneurs.

Une rémunération transparente

Pour les artistes, une dizaine actuellement dans leur catalogue (lire page suivante), le modèle se veut lisible : Twale leur reverse, dès la signature du contrat, 30 % du montant prévu pour chaque format.

La start-up leur offre aussi la possibilité d’utiliser le local où sont stockées les toiles, à Villenave-d’Ornon, comme atelier. « Nous voulons construire une dynamique locale autour des artistes émergents, les mettre sur le chemin d’un public qui ne les aurait jamais croisés », détaillent-ils.

Lauréat French Tech Tremplin

La start-up, qui emploie pour le moment deux alternantes arrivées en septembre, revendique aujourd’hui une dizaine de contrats signés. Si la prospection téléphonique reste délicate, reconnaissent-ils, leur présence sur les réseaux sociaux Instagram et TikTok commence à porter ses fruits.

De même, leur sélection au programme French Tech Tremplin et leur incubation au Campement Darwin ont été structurantes dans cette première phase.

Twale

Dans leur local à Villenave-d’Ornon, les jeunes entrepreneurs offrent un espace atelier pour les artistes. Ici, une toile réalisée par Romain Rauturier. © Astrid Gouzik – Echos Judiciaires Girondins

Rentabilité visée fin 2026

Alexis Rouaud et Romain Rauturier ont fixé le « point mort » à l’été 2026 et tablent sur une rentabilité fin 2026, portée par la récurrence des loyers. D’ici trois ans, une fois le modèle de leur antenne pilote en Gironde éprouvé, les fondateurs imaginent déjà le dupliquer dans une autre grande ville, pourquoi pas Marseille ou Paris.

« Notre ambition est de créer des petites bulles artistiques locales en lien avec les milieux économiques », éclairent-ils. L’objectif demeure le même que ce soir de décembre 2023 : faire entrer dans les entreprises des artistes encore peu visibles, simplement parce qu’une œuvre aura trouvé un mur où s’accrocher.

Deux parcours atypiques

C’est l’histoire d’un financier et d’un artiste qui se croisent autour d’un tapis de billard français, discipline qu’ils ont pratiquée au plus haut niveau dans leur jeunesse. Chacun a été sacré champion de France, à dix reprises pour Alexis Rouaud (31 ans). Celui-ci a fait carrière dans la finance, d’abord à Paris notamment au Crédit Agricole et à la BNP, avant de s’installer à Bordeaux où il crée son cabinet de gestion de patrimoine en 2021. Actif dans le milieu associatif (il est président des Girondins de Bordeaux Triathlon), il apporte à Twale son réseau et sa maîtrise des mécanismes fiscaux. Romain Rauturier (34 ans), originaire d’Andernos, a débuté comme juriste en droit du travail avant d’explorer plusieurs autres voies : entrepreneuriat, projets artistiques, voyages, écriture. C’est cette sensibilité pour la création qu’il met aujourd’hui au service du projet.