Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Diogo Vaz, chocolatier de l’arbre à la tablette

Montois d’origine, Jean-Rémy Martin a acheté en 2014 une plantation de cacaoyers sur l’île africaine de São Tomé. En six ans,
il a relancé la production, passé la plantation en bio et construit une chocolaterie. Plébiscité par les plus grands chefs et pâtissiers du monde, il vise désormais le grand public. Une boutique pilote a ouvert en mai à Mont-de-Marsan.

Le 16 mai dernier, une boutique Diogo Vaz a ouvert ses portes à Mont-de-Marsan. Une première en France. Le magasin de 50 m2 propose « le chocolat dans tous ses états », sourit David Daudignon, responsable commercial de la marque. Fèves à croquer, grué, tablettes, plaques à casser, glaces, pâtisseries, gâteaux de voyage… L’espace de vente est une succursale du paradis sur terre pour les becs sucrés. Ne manquent plus que les bouchées… Un peu de patience, « elles arrivent en septembre », annonce David Daudignon.

Dans un marché ultra-concurrentiel où les franchises de marques (belges généralement) investissent les galeries marchandes des centres commerciaux, Diogo Vaz a eu l’audace de s’installer dans le centre-ville de la préfecture des Landes. De quoi ravir la municipalité qui a engagé depuis quelques années un plan de relance de son cœur de ville. 

Mais ce n’est pas là sa seule originalité. Contrairement à ses concurrents, le magasin n’est pas une franchise. Il appartient à la marque. Et le choix de Mont-de-Marsan comme lieu d’implantation ne doit rien au hasard. Jean-Rémy Martin, le président de Diogo Vaz, est un enfant du pays et a voulu ouvrir sa boutique pilote « à la maison ».

ÉTHIQUE ET ENGAGÉ

S’il est bel et bien landais, Jean-Rémy Martin quitte sa terre natale très jeune. À la tête du groupe Kennyson, il passe trois décennies dans le développement agricole et hydraulique en Afrique sub-saharienne. En 2014, il achète la plantation historique Diogo Vaz (qui date de 1880) à São Tomé, une île de 850 km2 située dans le golfe de Guinée, à 239 km des côtes du Gabon. Son ambition : contribuer à la relance de la filière cacao dans l’île.Dans les années 1920, ce petit bout de terre volcanique était le plus gros producteur du monde avec 35 000 tonnes par an (bien loin des 5 millions de tonnes produites aujourd’hui, essentiellement par la Côte d’Ivoire et le Ghana). À l’époque, cela lui a d’ailleurs valu le surnom « d’île chocolat ». Mais lors de son indépendance en 1975, l’ancienne colonie portugaise a peu à peu abandonné la production.

En 2014, tout est donc à refaire. Qu’à cela ne tienne. Employant quelque 250 habitants de l’île, l’entrepreneur s’attelle à densifier les 260 hectares de la plantation.

À ce jour, 150 000 nouveaux cacaoyers se sont ajoutés aux arbres ancestraux. À chaque fois, les variétés endémiques de l’île ont été privilégiées. Il faut dire que l’amelonado, le trinitario ou encore le catongo donnent un cacao aux qualités organoleptiques exceptionnelles.

Car l’ambition de Jean-Rémy Martin est de proposer un chocolat de grande qualité afin de mieux rémunérer ses producteurs. « J’ai été inspiré par mes racines landaises où les produits agroalimentaires d’exception soutiennent l’économie locale », souligne-t-il. Or, la filière cacao est loin d’être exemplaire. « C’est un marché totalement déséquilibré : les fèves de cacao sont essentiellement produites en Afrique, mais les prix sont établis en Europe. Toute la matière première est envoyée en Europe et aux États-Unis où le chocolat est produit et consommé. Il y a 7 millions de personnes dans le monde qui travaillent pour produire du cacao et la plupart vivent dans la pauvreté. Si nous arrivons à prouver que le chocolat peut fournir à ses producteurs des conditions de vie décentes, nous aurons gagné notre pari ».

UNE CHOCOLATERIE SUR PLACE

Le premier défi de Jean-Rémy Martin est de passer sa plantation en agriculture biologique. Outre les bénéfices en matière de respect de l’environnement, l’enjeu est de mieux valoriser la production, et donc de mieux rémunérer les producteurs, en ne dépendant plus des cotations décidées en Europe. Le travail mis en place localement lui permet d’obtenir la certification en 2017.

Pour garder la valeur ajoutée sur l’île, il décide ensuite d’y créer une chocolaterie. L’unité, qui emploie 30 personnes, démarre la production en juillet 2018. Tout le cacao de l’île y est transformé. Actuellement 50 tonnes de chocolat en sortent chaque année. Mais, dès 2021, la production devrait doubler et atteindre son niveau optimal.

À peine un mois s’écoule entre le moment où la fève est récoltée et celui où la tablette de chocolat est prête à être dégustée. « Nous travaillons le cacao frais », insiste David Daudignon. Et le résultat est plus qu’à la hauteur. Les variétés de cacao, sélectionnées avec soin, permettent d’obtenir des « chocolats noirs sans amertume ». Chaque recette vise à « sublimer les fèves » en proposant des « grands crus ». La chocolaterie produit même des chocolats « unroasted [NDLR : non torréfiés] au goût beaucoup plus floral et onctueux » que le chocolat classique.

UNE EXCELLENCE RECONNUE

Les professionnels des métiers de bouche ne tardent pas à reconnaître la qualité des produits de Diogo Vaz. Déjà, en 2016, alors que la chocolaterie n’a pas encore été construite, Olivier Casenave, chocolatier français (devenu, depuis, directeur technique de la marque), remporte, au Salon du chocolat de Paris, le prix de la meilleure tablette du monde grâce au cacao de Diogo Vaz. Et en 2018, la marque intègre le Collège culinaire de France, permettant le référencement de ses chocolats dans les restaurants et chez les artisans pâtissiers les plus prestigieux de l’Hexagone.

Mais la reconnaissance va bien au-delà. « Nous exportons beaucoup de tablettes vers la Chine, la Corée du Sud, l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre, les États-Unis… En fait, nous exportons beaucoup plus que nous ne vendons en France ».

Après avoir conquis les plus grands chefs et pâtissiers du monde, Diogo Vaz entend bien devenir une référence pour le grand public également. La boutique de Mont-de-Marsan n’est qu’une première étape dans son
développement.