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Ugiel – La couleur de l’or

PESSAC. Cofondée en 2022 par le chercheur Jérôme Majimel, Ugiel s’appuie sur sa technologie brevetée de recyclage d’or et d’argent qu’elle transforme en nanoparticules pour colorer la matière. Lauréate iLab 2023 et France 2030, l’entreprise qui travaille pour le secteur du luxe vient d’inaugurer ses nouveaux locaux à Pessac.

Ugiel, or, Jérôme Majimel

Des feuilles d'or dont la couleur est modifiée par l'application de la technologie Ugiel © Ugiel

« Ugiel est née d’une succession de chances », assure Jérôme Majimel, président de l’entreprise. C’est en effet au gré des postes disponibles que ce physicien spécialiste des nanomatériaux et de microscopie électronique décroche en 2005 un poste à l’Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux (ICMCB). Puis c’est « par erreur », glisse-t-il, qu’il fait la découverte d’une nouvelle technologie permettant de transformer l’or et l’argent en nanoparticules. Pour les utiliser afin de colorer de la matière.

« Colorer les bijoux, céramiques ou poteries avec de l’or et de l’argent est vieux comme le monde. Les Romains, Celtes et Mayas le faisaient déjà », rappelle Jérôme Majimel. « Nous sommes parvenus à maîtriser la technique de coloration par or et argent en laboratoire. Et savons désormais modifier à façon la couleur d’une poudre, quelle que soit sa composition, en travaillant la structure des nanoparticules que l’on greffe dessus », décrit-il. Ainsi, une nanoparticule d’or est jaune, quand 3 nanoparticules d’or associées en forme de bâtonnet sont bleues, etc.

La réglementation autour des nanoparticules étant contraignante, puisque ces dernières peuvent passer les barrières cellulaires et que le corps ne sait pas les éliminer dans le cas de l’argent ou du cuivre, Jérôme Majimel a imaginé cette technique de greffe sur d’autres particules pour passer du niveau nanométrique (un milliardième de mètre) au niveau micrométrique (un millionième de mètre).

Investissement de 800 000 euros

Il dépose un brevet et entre, en 2017, dans l’incubateur de l’Université de Bordeaux, prédécesseur de la SATT AST. Après une phase de maturation à la SATT, Jérôme Majimel obtient en 2022 sa mise à disposition à temps complet du CNRS. Accompagné par Bordeaux Technowest, il lance son entreprise avec la licence d’exploitation exclusive de son brevet et 3 cofondateurs scientifiques qui ont travaillé sur son projet. « Nous sommes tous les 4 majoritaires au capital de l’entreprise, aux côtés d’une vingtaine de petits actionnaires proches », précise Jérôme Majimel, qui n’a jusqu’ici pas souhaité lever de fonds privés. « Nous avons privilégié le développement par le chiffre d’affaires, pour conserver une croissance mesurée et la souveraineté de notre stratégie », assure-t-il.

Nous avons privilégié le développement par le chiffre d’affaires, pour conserver une croissance mesurée

En 2023, Ugiel emploie 10 collaborateurs à temps complet, affiche un chiffre d’affaires de 480 000 euros et vient d’inaugurer ses nouveaux locaux au Parc Ampéris de Pessac, pour un investissement total de 800 000 euros. Cofinancé à hauteur de 134 000 euros par la Région Nouvelle-Aquitaine, son appareil productif va permettre à l’entreprise de fabriquer jusqu’à 700 kg de pigments par an.

Lauréate iLab 2023 pour sa technologie de coloration des émaux et céramiques, Ugiel a également bénéficié d’un financement au titre du programme France 2030, et mené une augmentation de capital de 298 000 euros auprès de ses actionnaires historiques.

L'équipe d'Ugiel entourant Jérôme MAJIMEL (4e en partant de la gauche) dans ses nouveaux locaux de Pessac © D. R.

L’équipe d’Ugiel entourant Jérôme MAJIMEL (4e en partant de la gauche) dans ses nouveaux locaux de Pessac © D. R.

Couleurs et propriétés

Bénéficiaire depuis son lancement, l’entreprise compte parmi ses clients de grands groupes de luxe. « C’est une autre de nos chances : l’ancien directeur de la R&D de LVMH, Jean-François Tranchant, m’a ouvert des portes, son carnet d’adresses et orienté vers des clients potentiels du secteur du luxe », confie Jérôme Majimel. Ugiel applique ainsi ses techniques de coloration aux secteurs de la cosmétique (avec par exemple des paillettes d’or dont la couleur est changée par les nanoparticules d’or), de la parfumerie, de la joaillerie, de l’horlogerie, des arts de la table, mais aussi à l’anti-contrefaçon… « En plus de la couleur, l’or et l’argent ont certaines propriétés. Nous pouvons ainsi certifier les matières en faisant changer la couleur des nanoparticules sous l’effet de la lumière, d’un laser, d’infrarouge, de la température… », précise-t-il.

Aujourd’hui, Ugiel a déposé 4 brevets supplémentaires, dont certains en copropriété avec ses clients. « Ils nous soumettent un cahier des charges pour colorer un matériau, qu’ils nous fournissent sous forme de poudre, et nous apportons la couleur en adéquation avec la réglementation », précise le président d’Ugiel.

© Ugiel

© Ugiel

Avec sa chimie verte, Ugiel « sert également la politique RSE des entreprises », continue Jérôme Majimel. Elle utilise en effet principalement des réactifs naturels (de l’eau), travaille à basse température et peut colorer naturellement des métaux précieux, des résines, de la cellulose et maintenant des émaux et de la céramique. Sa technologie de recyclage d’or et d’argent en couleurs repose quant à elle sur l’économie circulaire : « nos clients sont nos premiers fournisseurs, car ils ont des sous-produits ou résidus d’or qui n’étaient pas utilisés auparavant », précise Jérôme Majimel.

Persuadé que sa différenciation se fera sur sa capacité à innover, le président d’Ugiel prévoit de recruter 3 personnes en 2024.

Le président du Conseil régional Alain Rousset a participé à l’inauguration des locaux d’Ugiel, vendredi 12 mai. Il a salué « cette belle pépite qui répond à des enjeux stratégiques de souveraineté sur les matériaux rares ». © Région Nouvelle-Aquitaine

Ugiel en chiffres

Date de création : 2022

Effectifs : 10 salariés

CA 2023 : 480 000 euros

Croissance CA 2022-2023 : +70 %