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Intelligence artificielle, dangers et opportunités

Tandis que la Commission européenne prépare une réglementation visant à garantir la neutralité de l’intelligence artificielle, deux entrepreneurs à impact, Stéphanie Delestre dans l’intérim digital (Qapa à Paris et Bordeaux), et Guillaume-Olivier Doré dans la Fintech (Elwin à Bordeaux), nous expliquent comment ils contrent les biais intrinsèques aux algorithmes, jusqu’à en faire des outils de lutte contre les discriminations. Entretien croisé

intelligence artificielle Qapa Interim Stéphanie Delestre et Guillaume-Olivier Doré

Photo de Markus Spiske provenant de Pexels

EJG : Pour commencer, pouvez-vous nous donner votre définition de l’intelligence artificielle et nous expliquer dans quelle mesure elle intègre forcément des biais ?

Guillaume-Olivier Doré : « Ma vision, c’est que l’intelligence artificielle n’existe pas aujourd’hui en tant que telle. L’abus de langage autour de ce qu’on appelle l’intelligence artificielle, c’est au minimum du machine learning (des algorithmes permettant à la machine d’apprendre par système itératif), au mieux des réseaux de neurones auto-apprenant (la même chose en plus puissant). Pour véritablement faire une intelligence artificielle autonome, on aurait besoin d’une part de machines avec des capacités de traitement infiniment plus élevées qu’aujourd’hui, comme la technologie quantique, qui peut traiter des trillions de données en quelques secondes. D’autre part, il faut des quantités de datas infiniment plus nombreuses que celles dont on dispose sur chacun des sujets. Comme aujourd’hui, la donnée est partielle, elle est forcément biaisée. »

Stéphanie Delestre : « L’intelligence artificielle, ce sont principalement des algorithmes qui vont copier ce que fait le cerveau, pour prendre des décisions ou aider à la prise de décision, et pas seulement sur des tâches répétitives. Mais attention, on ne peut faire de l’intelligence artificielle que quand on a la bonne équipe, des contrôles internes et externes sur ce que l’on fait et surtout, énormément de datas. Sinon, les biais peuvent être impressionnants : la machine peut vous dire d’aller à droite alors qu’en fait, il faut aller à gauche. »

Dans l’intérim, l’intelligence artificielle permet de proposer de l’emploi sans autre forme de discrimination que celle des compétences

Guillaume-Olivier Doré, PDG d’Elwin / Mieux Placer

Guillaume-Olivier Doré, PDG d’Elwin / Mieux Placer © D. R.

EJG : Quelles peuvent être les conséquences de ces biais sur la vie des gens ?

G.-O. D. : « Selon moi, les conséquences sont très sociales. Dans le secteur de la finance, cela revient à cloisonner l’accès à un certain nombre de produits et à faire de la discrimination financière qui va depuis la manière dont on perçoit les gens pour faire des prêts jusqu’aux placements financiers. Or ce qui drague le monde, malheureusement, c’est la finance. Donc les conséquences peuvent être assez importantes : c’est comme si on confiait à des machines la gestion de l’ascenseur social quand on sait que si ce n’est pas un effort commun de tout le monde, ça ne fonctionne pas. »

S. D. : « Moi, j’ai envie de prendre les choses à l’envers et de dire qu’au contraire, l’intelligence artificielle supprime les biais. Dans le secteur de l’intérim, j’y vois une énorme opportunité pour contourner tous les freins et les blocages qui peuvent être dans la tête d’un être humain, et proposer de l’emploi aux gens sans aucune forme de discrimination autre que celle des compétences, contrairement à quand vous allez dans une agence traditionnelle avec votre CV sous le bras et que vous dépendez de la personne en face de vous. L’intelligence artificielle, elle, reste simple : elle fait matcher des compétences avec une recherche de compétences, les critères sont extrêmement objectifs. »

Nous employons entre 3 000 et 4 000 personnes tous les mois : Qapa Intérim fait aujourd’hui partie des plus grandes entreprises de France

EJG : Pour que l’intelligence artificielle présente le moins de biais possible, il faut donc de grandes quantités de datas…

G.-O. D. : « Chez Elwin/MieuxPlacer, nous développons un logiciel, une sorte d’assistant digital pour aider les conseillers en gest…