Avec près de 60 000 défaillances d’entreprises chaque année – dont 10 % environ sur le seul territoire néo-aquitain selon le Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires (CNAJMJ) – les difficultés entrepreneuriales exposent des centaines de milliers de chefs d’entreprise, d’employés, et plus généralement les territoires, à une vulnérabilité évidente. Ce qui a été vécu par les tribunaux de commerce comme la trêve Covid a permis, sous perfusion des prêts garantis par l’État (PGE), une chute du nombre de liquidations judiciaires. Malheureusement, l’année 2023 a sonné la fin de la récréation avec près de 50 % d’augmentation de dépôts de procédures et un retour à la normale anticipé dès cette fin d’année. Le CNAJMJ recense ainsi, en 2023, pas moins de 3 000 ouvertures de procédures collectives sur la seule région Nouvelle-Aquitaine sur un peu plus de 32 000 en France 1.
Si ces chiffres restent mesurés, une autre facette retient particulièrement l’attention des observateurs : deux entreprises sur trois demandent une liquidation directe, sans passer par une procédure de sauvegarde ou de redressement. De telles décisions ont des conséquences évidentes sur le climat des affaires, notamment dans les secteurs de la construction, de l’hébergement-restauration ou du commerce, qui sont les plus représentés 2. Mais elles revêtent aussi une réalité sociale significative à l’échelle du territoire comme au plan national. En France, on compte plus de 130 000 emplois mis en balance et des équilibres de proximité qui vacillent. En quelques mois, la question des défaillances d’entreprises a donc été replacée au centre des enjeux économiques et sociaux des territoires 3.
LA STIGMATISATION DES ENTREPRENEURS EN SITUATION D’ÉCHEC
Même si cela peut prêter à débat, la liquidation judiciaire ou encore l’insolvabilité de l’entreprise correspondent à la définition la plus commune des échecs entrepreneuriaux. En pratique, la gestion de ces derniers s’inscrit dans un processus de longue haleine, que ce soit en amont lorsque l’entrepreneur traverse des difficultés et cherche à éviter la défaillance, ou en aval de son expérience entrepreneuriale malheureuse lorsqu’il cherche à rebondir dans un nouveau projet professionnel. Pendant ces périodes, l’accumulation des difficultés financières, fiscales, sociales, juridiques et psychologiques rencontrées chamboulent son quotidien.
C’est le cas sur le plan personnel où ses habitudes de consommation changent en cohérence avec une perte de revenu et où l’exposition au stress impacte en profondeur les relations avec son entourage. C’est encore le cas sur le plan professionnel, car les partenaires historiques de l’entreprise rompent souvent les relations et favorisent un isolement croissant du dirigeant. De tels éléments sont symptomatiques d’une mise à l’écart que l’on s’accorde désormais à considérer comme relevant de la stigmatisation, voire de l’autostigmatisation. Le rapport déposé le 12 juillet 2021…