Une fois n’est pas coutume, le fleuron industriel tricolore Thales va ouvrir les portes de son gargantuesque campus mérignacais au public. Ce samedi 25 février, le groupe d’électronique spécialisé dans l’aérospatiale et la défense organise une journée dédiée au recrutement afin de trouver les 250 perles rares qui viendront grossir ses rangs en 2023. Thales emploie déjà 2 400 personnes sur place. Le même jour, à quelques encablures de là, l’école d’ingénieurs Elisa Aerospace, tout juste installée à Saint Jean d’Illac, ouvrira aussi son campus aux lycéens et aux étudiants pour recruter la prochaine promotion qu’elle formera aux métiers de l’aéronautique, du spatial et de la défense (ASD). Le 9 mars, la 2e édition de l’AéroDay, organisée par le groupe Randstad, proposera 350 postes à pourvoir en Nouvelle-Aquitaine.
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Les signaux faibles sont devenus une tendance de fond : les industriels de la filière ASD peinent à recruter. « On sait qu’il manque énormément d’ingénieurs, on le voit car les entreprises sont à la porte pour recruter nos jeunes […]. C’est une filière qui a besoin de recruter, qui a besoin de former, et nous contribuons à faire émerger de nouveaux métiers », atteste Chantal de Turckheim, fondatrice et directrice d’Elisa Aerospace.
SPÉCIALISTE DE LA MAINTENANCE AÉRONAUTIQUE
Et cette pénurie de talents est critique pour l’économie locale. La filière ASD se classe au premier rang des activités productives de la métropole bordelaise. Les 300 entreprises qui y sont implantées emploient près de 12 700 personnes et génèrent 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La Nouvelle-Aquitaine, qui concentre près de 16 % de l’activité nationale de la filière ASD, a fait des activités de défense sa spécialité avec des compétences renforcées dans la maintenance aéronautique. Elle est la 2e région d’implantation des forces armées et la 3e région d’implantation des industriels de la défense.
La filière ASD se classe au premier rang des activités productives de la métropole bordelaise.
Comme l’atteste le renouvellement du budget militaire, progressant de 100 milliards par rapport au vote de 2019, pour atteindre 413 milliards d’euros pour la période 2024- 2030, les carnets de commandes vont continuer à se remplir. Et les programmes industriels se multiplier, à l’instar du vaste projet européen Scaf (système pour le combat aérien du futur). Il embarquera à son bord l’avionneur français Dassault largement implanté en Gironde où il emploie environ 2 500 personnes. La filière girondine de la défense va devoir attirer les effectifs qui lui manquent pour garder la cadence.
DES INGÉNIEURS COURTISÉS
« Le recrutement dans le secteur défense est à la fois dynamique et sous tension », observe Carla Vignau, consultante pour AEY Défense. Basé à Bordeaux, ce cabinet de recrutement spécialisé dans les secteurs de la défense, de l’aéronautique, du spatial et du naval vient de produire une étude nationale sur la rémunération du secteur de la défense en 2022. « Les poids lourds de l’industrie sont très bien positionnés pour trouver des talents et des compétences. Mais alors que le recrutement avait été très bousculé pendant la période Covid, aujourd’hui les demandes explosent ! (…) Des profils d’ingénieurs qui demandent une certaine technicité, de l’expertise, sont très difficiles à chercher et à recruter », ajoute-t-elle.
Et les tensions de recrutement se font ressentir sur tout le territoire national. « Nous recevons des demandes de toute la France », détaille Carla Vignau. « Nous venons d’être mandatés sur 2 missions, une à Toulouse, l’autre à Issy-les-Moulineaux ».
Si le secteur de la défense peut rester tabou et ses métiers parfois méconnus, la consultante pointe toutefois une évolution nette ces derniers mois : « la guerre en Ukraine, en particulier, a réveillé les consciences ».
DES MÉTIERS MÉCONNUS
TARMAQ, future cité des savoirs aéronautiques et spatiaux à Mérignac, a publié un baromètre sur l’attractivité de ces métiers. Il en ressort que la filière a une très bonne image : 83 % des personnes interrogées en Nouvelle-Aquitaine le reconnaissent. Mais qu’elle est très mal connue tant au niveau de ses entreprises, de ses métiers, que de ses parcours.
Si les entreprises leaders de la Région sont globalement bien identifiées : Dassault (76,8 %), Ariane Group (68,64 %), Thales (62,42 %), France Aero (57,71), les autres sous-traitants sont peu connus. On constate également une grande difficulté à identifier les métiers, à l’exception de ceux de pilote ou d’ingénieur, ce qui renvoie une image élitiste de la filière. La population néo-aquitaine a également des difficultés à associer un métier à un diplôme nécessaire pour l’exercer et la plupart du temps a tendance à surévaluer le niveau de formation attendue.