Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Nouvelle-aquitaine – « New Space », la nouvelle conquête spatiale

S’appuyant sur un écosystème solide et une volonté politique favorable, de jeunes entreprises réveillent le spatial néo-aquitain avec leurs innovations et leurs méthodes de travail, mettant tout un secteur en effervescence. Explications avec ceux qui accompagnent la filière spatiale sur le territoire.

New Space, espace, Nouvelle-aquitaine

© D. R.

9 milliards d’euros d’investissements sur 3 ans. L’annonce d’Élisabeth Borne lors du Congrès international de l’aéronautique (IAC) mi-septembre montre l’ambition française pour son secteur spatial. « Le spatial est d’abord une activité de souveraineté », rappelle Gilles Fonblanc, secrétaire général d’ArianeGroup, qui fabrique les moteurs de ses lanceurs et missiles au Haillan. Territoire historique du spatial et de la dualité civil-défense, la Nouvelle-Aquitaine compte des grands groupes (ArianeGroup, Dassault, Thalès), un tissu de centaines de PME sous-traitantes, des laboratoires de recherche, des écoles réunies sous la bannière du NAASC (Centre spatial universitaire de Nouvelle-Aquitaine), des infrastructures d’essai, ainsi qu’un large spectre d’accompagnement des entreprises.

« Il y a tout un écosystème et un environnement politique favorables au secteur spatial dans la région », résume Gosia Petaux, secrétaire générale de Way4Space, un centre d’inspiration unique en France installé à Saint-Médard-en-Jalles. Sa raison d’être : imaginer les usages du spatial de demain pour « ramener de la valeur ajoutée sur le territoire en faisant émerger des activités nouvelles ».

FILIÈRE REDYNAMISÉE PAR LE PRIVÉ

Membre du collectif des Assises du new space, organisées à Paris en juillet 2022, Way4Space s’est attaché avec ses partenaires à définir cette nouvelle approche du spatial portée par le secteur privé, qui redynamise la filière en poussant les acteurs traditionnels à se remobiliser.

« Le new space désigne un nouvel écosystème industriel et plus généralement, une nouvelle façon d’aborder et de conduire l’activité spatiale, liée à l’apparition d’une nouvelle génération d’entreprises aux côtés d’acteurs en place, notamment marquée par l’utilisation de technologies de rupture ou de process innovants, l’introduction de modèles d’affaires fondés sur une plus forte acceptation des risques et le redéploiement de la chaîne de valeur des activités spatiales vers des marchés liés à la commercialisation de services », écrivent-ils dans leur rapport Ambition new space 2027 remis le 25 octobre aux autorités et contenant 24 propositions « pour relever les grands défis du new space français ».

Le new space désigne un nouvel écosystème industriel, une nouvelle façon de conduire l’activité spatiale

Way4Space, New Space, espace, Nouvelle-aquitaine

François Buffenoir, directeur technique et scientifique (détaché ArianeGroup), Gosia Petaux, secrétaire générale et Philippe Troyas, directeur à Saint-Médard-en-Jalles © D. R.

ESSAI-ERREUR-CORRECTION

Spécialisées dans les infrastructures (lanceurs, satellites ou véhicules spatiaux) et les nouveaux usages (services en orbite, analyse de données collectées dans l’espace…), ces jeunes entreprises « intègrent les codes des start-ups dans leur développement : le principe de l’essai-erreur-correction, ce qui est complètement nouveau dans le secteur spatial », analyse Éric Giraud, directeur général d’Aerospace Valley, le pôle de compétitivité aérospatial-drones du Grand Sud-Ouest (Nouvelle-Aquitaine-Occitanie). Ce dernier met à la disposition de ses adhérents (dont 40 % sont en Nouvelle-Aquitaine) un carnet d’adresses de 13 000 partenaires industriels et financiers locaux « pour faire la bonne mise en relation et aller vite ». « La notion de rapidité est importante dans le new space, en raison de la forte compétition internationale. Il ne faut pas que d’autres pays nous imposent leurs règles et standards », analyse Adrien Selvon, responsable de la filière aérospatiale- défense chez Bordeaux Technowest, technopole labellisée par l’Agence spatiale européenne (ESA).

L’Europe prône ainsi un spatial durable et éthique. « Et nous revendiquons cette vertu : nous ne voulons pas occuper et polluer l ’espace pour rien », affirme François Buffenoir, directeur technique et scientifique de Way4Space, qui a organisé en octobre à Bordeaux le symposium « Next Space » dont l’éthique était l’un des sujets phares.

FINANCEMENT PUBLIC-PRIVÉ

Nombreuses en Gironde, où elles profitent « de la fiabilité des acteurs établis », insiste François Buffenoir, les jeunes entreprises bénéficient également de la volonté d’une région qui les pousse à venir s’y installer. « Le new space est une histoire qui vient de loin en Nouvelle-Aquitaine. Il doit notamment nous permettre de relever les défis technologiques et environnementaux autour de la décarbonation de l’aérospatial », estime le président de la Région Alain Rousset.

C’est pourquoi le Conseil régional a déjà alloué un million d’euros de subventions à des start-ups new space, instruit actuellement 4 autres millions d’euros d’aides et a dédié 2,3 millions d’euros aux projets innovants d’ArianeGroup depuis 2018. Le financement des nouvelles entreprises du spatial bouscule lui aussi les codes du secteur, avec une complémentarité du privé, notamment des fonds spécialisés, et de la commande publique. L’État français a également mis en place des dispositifs comme France 2030, qui prévoit un budget de 1,5 milliard d’euros « pour prendre notre part dans l’aventure spatiale ». « Les fonds publics sont important pour orienter les projets et raccrocher les start-ups à la trajectoire de l’État », note Adrien Selvon de Technowest. Malgré tout, le financement reste « une des faiblesses européennes et pourrait être à terme un frein pour le secteur », prévient Gosia Petaux de Way4Space.

OBJECTIF : LUNE

« L’autre enjeu majeur en région, ce sont les emplois », rappelle Alain Rousset, qui précise que 40 % des emplois du spatial français sont en Nouvelle-Aquitaine. « Il existe une tension sur le recrutement. Et une dynamique de mouvements au sein des entreprises traditionnelles comme ArianeGroup, que certains quittent pour monter leur société », remarque pour sa part Gilles Fonblanc. Le secrétaire général d’ArianeGroup est également président de l’association Bordeaux Aquitaine aéronautique et spatial (BAAS), dont l’une des missions est de faire la promotion de l’industrie, « notamment auprès des jeunes, pour susciter des vocations ». L’arrivée des nouveaux acteurs a en effet engendré une véritable compétition sur le marché de l’emploi, « poussant les grands groupes à sortir de l’attentisme et à afficher leur ambition », analyse Adrien Selvon de Technowest. L’Europe de l’espace, qui tiendra sa conférence ministérielle fin novembre, annoncera les financements et les programmes spatiaux 2023-2025. La Lune devrait être l’un des objectifs de cette nouvelle conquête spatiale. « Nous seront prêts », affirme Gilles Fonblanc. Et dans le sillage d’ArianeGroup, une myriade de start-ups girondines du new space.

 

L’AÉROSPATIALE DE NOUVELLE-AQUITAINE EN CHIFFRES

70 000 emplois directs

900 établissements industriels

Plus de 6 milliards de chiffre d’affaires (2/3 aéronautique, 1/3 espace)

40 % des emplois français du spatial en Nouvelle-Aquitaine