Couverture du journal du 18/11/2025 Le nouveau magazine

Edonia invente l’aliment du futur

BORDEAUX. L’entreprise Edonia a développé une technologie permettant de rendre le goût, la texture et la couleur des microalgues, telles que la spiruline, agréables. Riche en protéine et durable, l’ingrédient a déjà convaincu plusieurs agro-industriels, ainsi que Bpifrance, qui accompagne la start-up dans sa phase d’industrialisation.

Edonia, Pierre Mignon, Hugo Valentin, Nicolas Irlinger, microalgue

Les cofondateurs d'Edonia : Pierre Mignon, Hugo Valentin et Nicolas Irlinger. © Edonia

« Nous sommes la première entreprise au monde à proposer ce type d’ingrédient », se targue Hugo Valentin, cofondateur et CEO d’Edonia. Entrepreneur dans les microalgues depuis plusieurs années, il est convaincu qu’elles ont un rôle majeur à jouer dans la transition agroalimentaire et l’alimentation du futur. Entouré de deux associés, Pierre Mignon (COO) et Nicolas Irlinger (CTO), mais également d’AgroParisTech, ils ont fondé Edonia en mars 2023.

« Les microalgues figurent parmi les aliments les plus riches en nutriments. On peut les faire pousser à grande échelle avec un faible impact environnemental. Et elles sont autorisées en consommation humaine », constate-t-il. Pourtant, elles ne sont utilisées aujourd’hui que sous la forme de compléments alimentaires. « Ce qui limite l’usage des microalgues dans l’alimentation, c’est l’expérience de consommation. La spiruline par exemple, existe actuellement sous la forme d’une poudre verte, au goût et à l’odeur assez marqués. Mon objectif était de débloquer ce point, afin de libérer le plein potentiel des microalgues en alimentation humaine », explique-t-il.

Procédé breveté

Mais comment ? C’est tout l’objet de l’association des trois cofondateurs d’Edonia avec AgroParisTech, dont les chercheurs sont parvenus à modifier le goût, la couleur et la texture des microalgues, grâce à un procédé technologique breveté appelé « édonisation ». Mis au point durant une phase de R&D d’un an et demi, ce procédé a offert le Grand Prix du concours i-Lab à Edonia en 2025.

Reposant sur une cuisson qui fait gélifier la matière, évoluer la couleur et modifie le goût, l’édonisation permet d’obtenir « un grain moelleux, de couleur brune foncée presque noire, avec une belle aromatique, un goût neutre présentant des notes intéressantes d’umami, de fumé, de grillé. Et c’est ce qui fait toute la différence par rapport à la poudre de microalgues proposée jusque-là », estime-t-il. La forme de l’ingrédient, appelé « édo », plus appétissante, permet également « de le mettre désormais au centre de l’assiette », estime Hugo Valentin.

Edonia, Pierre Mignon, Hugo Valentin, Nicolas Irlinger, microalgue

L’ingrédient créé par Edonia se présente sous la forme d’un grain moelleux foncé. © Edonia

Performance nutritionnelle

L’édo étant particulièrement riche en protéine, Édonia s’est inspirée des usages de la viande pour imaginer les recettes qu’il compose : des plats végétaux préparés, telles que des pâtes à la bolognaise, où il remplace les ingrédients d’origine animale. « Notre grain est riche de 27 % de protéines, ce qui est supérieur à la viande hachée, au poisson, au tofu et aux lentilles cuites. Il est également plus riche en fer biodisponible que la viande. En résumé, il présente une performance nutritionnelle supérieure à tout autre ingrédient protéique », affirme le CEO.

De surcroît économiquement intéressant, « puisqu’on peut mettre moins de produit dans les recettes », l’édo répond aux besoins nutritionnels de populations spécifiques telles que les jeunes enfants, les personnes âgées, les sportifs ou dans le cadre de l’alimentation médicale.

Diversifier l’approvisionnement

« Nous fabriquons l’édo à partir de microalgues telles que la spiruline majoritairement, mais aussi la chlorelle », continue Hugo Valentin. Ces micro-organismes se développent en milieu aquatique, où l’eau reste en circuit fermé, donnant au produit une empreinte carbone faible. Ils sont cultivés par des producteurs qui les élèvent dans des bassins, où ils se développent grâce à la lumière et à la chaleur, puis sont récoltés. « Nous avons des fournisseurs dans le Sud de la France, au Portugal et en Amérique du Sud. Et nous allons continuer de diversifier nos sources d’approvisionnements pour répondre aux volumes attendus et à la problématique de la saisonnalité », indique le CEO d’Edonia.

Outre son empreinte environnementale – « bien plus faible que les matières premières que l’édo remplace : 27 fois moins importante que celle du bœuf haché et 2,5 fois moins importante que des hachés végétaux au soja texturé ! », calcule Hugo Valentin, l’édonisation permet également d’obtenir un ingrédient « avec un niveau de naturalité très élevé ». En effet, en donnant un goût agréable au produit, le procédé « évite une surtransformation (ni extraction, ni extrusion), et l’utilisation d’additifs, d’agents texturants, ni même de sel », précise le CEO.

Edonia, Pierre Mignon, Hugo Valentin, Nicolas Irlinger, microalgue

L’édo imaginé par Edonia est utilisé dans les plats préparés végétaux comme ingrédient protéique. © Edonia

15 millions d’euros de précontrats

C’est ainsi que l’édo a convaincu plusieurs agro-industriels dans le monde, qui souhaitent l’utiliser dans leurs plats préparés végétaux. Mais aussi des géants de la restauration collective tels que Newrest et Sodexo.

« Nous avons une logique uniquement B2B »

« Nous avons une logique uniquement B2B. Nous vendons un ingrédient unique au monde, très différenciant, qui vient compléter l’offre déjà existante », assure Hugo Valentin. Et cela fonctionne, « l’attraction commerciale du produit est importante », promet-il. Edonia a déjà signé plusieurs dizaines de précontrats avec des agro-industriels, représentant un chiffre d’affaires potentiel de 15 millions d’euros.

Industrialisation

Pour les concrétiser, l’entreprise devra réussir à industrialiser sa production. Hébergée au MIN de Bordeaux Brienne, où elle a conçu un espace avec des bureaux, deux laboratoires, ainsi qu’une chambre froide, Edonia dispose également de son pilote préindustriel, installé à l’Agropole d’Agen. « Nous sommes parvenus à transférer notre technologie de l’échelle du laboratoire à l’échelle industrielle grâce à ce pilote, qui nous permet de produire nos premières centaines de kilos d’édo et de livrer nos premiers clients », se réjouit Hugo Valentin. Désormais, Edonia travaille à la mise en place de son site industriel, qui devrait voir le jour mi-2027.

Dans ce cadre, l’entreprise vient d’être sélectionnée pour intégrer l’accélérateur d’industrialisation de Bpifrance. « Monter une usine est un challenge fort. C’est grâce à un accompagnement de qualité que nous y arriverons », estime Hugo Valentin. Il a également fait entrer au board de l’entreprise des experts qualifiés comme Laurent Cardinali, le conseiller spécial industrialisation d’Edonia passé notamment chez Danone et Mondelez, qui « nous apporte de la méthode, des conseils et du réseau », décrit-il.

« L’usine est déjà dessinée sur plan. Nous recherchons actuellement le lieu où l’installer », continue Hugo Valentin, qui aimerait rester ancré en Nouvelle-Aquitaine. « Depuis le début, nous disposons ici de nombreux soutiens, dont ceux de l’incubateur local Unitec, de la Région Nouvelle-Aquitaine, de l’Agropole d’Agen. Et puis la Gironde est un terrain propice pour le secteur des microalgues, avec un historique d’entreprises important », note Hugo Valentin.

Edonia, Pierre Mignon, Hugo Valentin, Nicolas Irlinger, microalgue

L’édo imaginé par Edonia est utilisé dans les plats préparés végétaux comme ingrédient protéique. © Edonia

Levée de fonds

Après avoir réuni 3,5 millions d’euros de financements pour construire son pilote industriel et démontrer son attraction commerciale, « deux objectifs atteints » estime le CEO, Edonia lancera sa deuxième levée de fonds en 2026. « Elle nous permettra de réaliser la mise en place opérationnelle de notre usine de production, qui est l’élément-clé pour mener à la rentabilité », prévoit-il.

Edonia lancera sa deuxième levée de fonds en 2026

« Notre développement commercial reste également prioritaire. Nous sommes aussi très concentrés sur l’accompagnement de nos clients dans le succès des premiers lancements de produits (sur la création des recettes, le marketing, la fourniture de critères de qualité comme les indicateurs nutritionnels…) et sur leur fidélisation », confie Hugo Valentin.

Pour dérouler son plan, Edonia, qui emploie une quinzaine de personnes entre Bordeaux et Agen, devrait encore recruter une dizaine de personnes d’ici à 2026.

Edonia, Pierre Mignon, Hugo Valentin, Nicolas Irlinger, microalgue

L’équipe d’Edonia compte déjà une quinzaine de personnes, et devrait s’agrandir en 2026. © Edonia