Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Forte croissance du jeu vidéo

« Demain, tous gamers ? » Tel était le thème de la réunion-débat organisée le 16 décembre dernier à Paris par l’Institut G9+, une plateforme d’études et d’échanges sur le numérique. L’occasion de faire le point sur l’industrie du jeu vidéo aujourd’hui, en France et à travers le monde.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Le chiffre d’affaires mondial du jeu vidéo est estimé à 130 milliards de dollars » et « l’offre de jeux, qui se développe de manière exponentielle, est aujourd’hui pléthorique : plus de 1 000 jeux et applications sortent chaque jour», a expliqué Julien Villedieu, directeur général du Syndicat national du jeu vidéo, qui représente les entreprises françaises et établies en France (250 adhérents) et dispose d’un fort ancrage en régions, autour de neuf clusters d’entreprises répartis sur le territoire. Sur ce marché mondial, « la France a une industrie leader », avec pas moins de « 7 000 développeurs de jeux vidéo, et une croissance de 20 % de nos effectifs : nous recrutons beaucoup ». 

Conception, production, distribution : les tendances

Dans cette industrie, « tout va très vite, aussi bien en termes de production et de distribution que de façon de concevoir les jeux », a-t-il poursuivi : « ce que nous faisons aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce que nous faisions il y a cinq ans ». Les modes de distribution ont ainsi radicalement évolué en l’espace de quelques années seulement. « Aujourd’hui, 100 % des jeux sont disponibles en téléchargement et 80 % des achats sont réalisés en ligne », et c’est pourquoi « la quasi-totalité des éditeurs ont leur propre boutique en ligne ». La diffusion physique (en magasin), qui ne représente plus que 20 % des achats, « reste toutefois une source de revenus intéressante pour les éditeurs » et « permet le prêt et la revente » pour les acheteurs.

D’autres tendances de fond se dessinent sur ce marché : la pratique du jeu occasionnel sur mobile (smartphones, tablettes) – grâce à l’insertion de publicités dans les jeux, « beaucoup jouent gratuitement sur mobile, quelques minutes dans les transports en commun, dans les salles d’attente… » – le développement du « game as a service » – les jeux sont régulièrement mis à jour et leur contenu est enrichi après leur parution, afin de retenir les joueurs le plus longtemps possible – et l’arrivée des jeux en streaming – via un abonnement à une plateforme qui propose des jeux à la demande (cloud gaming), à l’instar des vidéos à la demande. Récente, cette toute dernière formule est « une véritable tendance de fond, il y a beaucoup d’agitation autour de ça aujourd’hui ». 

Du côté des consommateurs-joueurs (les gamers),
« la clé du succès dans le monde du jeu vidéo, c’est les communautés », a souligné Odile Limpach, professeur en économie et entreprenariat. La question du lien avec les joueurs est effectivement devenue centrale à mesure que la distance entre les concepteurs de jeu et les joueurs s’est réduite : tout tourne autour de l’expérience de jeu. C’est pourquoi le niveau des ventes lors du lancement a de moins en moins d’importance : le succès d’un jeu est intimement lié à son appropriation par les communautés de gamers. Une proximité entre concepteurs et joueurs qui se traduit aussi par le développement du crowdfunding (financement participatif) pour financer la création de jeux.

Autre tendance actuelle : « de plus en plus de personnes en regardent d’autres en train de jouer », lorsque ces dernières se filment ou lors de compétitions de jeux vidéo. Ou encore, le succès de l’organisation de rencontres – physiques – entre gamers, qui parfois se sont déjà rencontrés en ligne, au cours d’événements dédiés à ces communautés : « cela attire de plus en plus de monde ».

Demain, tous gamers ?

Au-delà des effets de mode ou de génération, les jeux vidéo investissent la vie d’un nombre croissant de personnes. On dénombre ainsi « plus de 70 millions de joueurs à travers le monde, dont de plus en plus de joueuses », a pointé le directeur général du syndicat. On observe surtout une nette évolution sociologique de la population des joueurs : « un Français sur deux joue aux jeux vidéo », « l’âge moyen des joueurs s’établit autour de 40 ans » et « les femmes représentent désormais 50 % des joueurs » en France. Et de souligner que, « loin des clichés qui lui collent à la peau » (une pratique de geeks associables enfermés dans leur chambre), « c’est une pratique sociale : on joue ensemble, entre amis, en famille… ». 

Et à quoi ressemblera l’industrie du jeu vidéo demain ? « Le marché sera probablement asiatique », « le jeu sera mobile, sur smartphones et tablettes, cela représente déjà 45 % du marché mondial », « il y aura toujours plus d’intelligence artificielle dans les jeux et peut-être davantage de réalité virtuelle », et « l’e-sport sera peut-être une discipline des Jeux Olympiques »…