Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

2020 : le creux de la vague ?

Brexit, stagnation économique de la zone euro, colères sociales, commerce international en panne… Des vents contraires soufflent à l’évidence sur l’économie mondiale, ce qui n’empêche pas les bourses de tutoyer les sommets !

Selon les prévisions de la Banque mondiale pour 2020, il faudrait s’attendre à seulement 2,7 % de taux de croissance dans le monde, 1,5 % dans les économies avancées et 4,6 % dans les économies émergentes ou en développement. Le Fonds Monétaire International (FMI), quant à lui, évoque « un ralentissement synchronisé »
de l’économie mondiale, conséquence de facteurs conjoncturels comme la hausse des incertitudes ou le retour en force des mesures protectionnistes, mais aussi de facteurs structurels comme le ralentissement important des gains de productivité ou le vieillissement de la population. De ce point de vue, la Chine cumule presque tous les facteurs défavorables…

« La route s’annonce difficile » pour l’UE

La Commission européenne a revu ses prévisions de croissance pour 2020 à la baisse : 1,2 % dans la zone euro et 1,4 % dans l’Union européenne (UE) prise dans son ensemble. Elle évoque désormais « une route qui s’annonce difficile »… En tout état de cause, la faiblesse des compétences de la population active ainsi que son vieillissement, la désindustrialisation, l’insuffisance d’investissement dans les technologies pèsent lourdement sur la croissance potentielle de la zone euro.

L’industrie allemande, en particulier, va connaître des jours difficiles, car les facteurs qui lui ont permis de devenir très compétitive à l’export, au mitan des années 2000, sont devenus des faiblesses structurelles une décennie plus tard. Quant à l’économie française, elle tourne au ralenti avec 1,3 % de taux de croissance attendu en 2020, contre 2,3 % en 2017 ; elle ne doit, à court terme, son salut qu’aux mesures d’urgence prises à la suite de la crise des « Gilets jaunes ». Mais les tensions économiques et sociales, notamment sur la réforme des retraites, risquent d’obérer l’activité
en 2020.

En ce qui concerne le Royaume-Uni, le succès électoral de Boris Johnson laisse entrevoir la fin du feuilleton Brexit pour le 31 janvier. Mais l’incertitude est loin d’avoir disparu, puisqu’il s’agit à présent de négocier au plus vite un accord de libre-échange avec l’UE, dont les termes sont, pour l’instant, très flous…

Quant aux tensions inflationnistes, elles n’existent plus que dans la mémoire des banquiers centraux, qui n’osent pas dire qu’ils luttent désespérément pour sortir la zone euro du marasme déflationniste. En 2020, le taux d’inflation devrait ainsi s’établir à 1,2 % dans la zone euro et à 1,5 % dans l’UE, bien loin de la cible de 2 %. La politique monétaire ultra-accommodante de la BCE ne semble, hélas, pas être en mesure de faire remonter les anticipations d’inflation, encore moins l’investissement productif, mais conduit, en revanche, à une hausse dangereuse du prix des actifs, immobiliers et financiers.

En effet, en écrasant les primes de risque et les taux d’intérêt, cette politique incite les investisseurs à se reporter sur des actifs plus rémunérateurs, donc plus risqués, d’où la formation possible de bulles. Les récents sommets atteints par les bourses n’en sont qu’une illustration, que certains analysent, à tort, comme un signe de bonne santé économique ! Et comme Christine Lagarde, présidente de la BCE, a annoncé être prête à s’engager encore plus loin dans cette voie, il y a fort à parier que les marchés financiers continueront leur progression en 2020, dopée par l’endettement à bas coût… jusqu’au moment où le bon sens devra bien triompher, mais probablement au prix d’une grave crise financière !

Trêve dans la guerre commerciale

Après deux années chaotiques, le commerce mondial est suspendu à la trêve annoncée dans la guerre commerciale États-Unis/Chine. En effet, un accord commercial partiel devrait être signé mi-janvier entre les deux puissances, même si, à ce stade, il est difficile d’en connaître la teneur et la portée exacte. Une clause de revoyure laisse du reste penser que cet accord est avant tout un argument politique pour Donald Trump, à 11 mois de l’élection présidentielle. Car, sur le terrain commercial, les hostilités se poursuivent, comme en témoigne la mise au ban par Donald Trump du premier équipementier télécoms mondial, le chinois Huawei, pour des raisons de sécurité nationale… Quant à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), elle a été dépossédée de son pouvoir de régulation depuis que les États-Unis ont décidé, le 11 décembre dernier, de bloquer la Cour d’appel de l’institution.

Bien entendu, eu égard aux nombreuses fragilités économiques, sociales, écologiques et politiques, aucun pays n’est à l’abri d’un cygne noir, d’autant qu’une colère sociale mondiale se fait entendre…