Échos Judiciaires Girondins : Combien la crise sanitaire a-t-elle déjà coûté à l’Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine ?
Benoît Elleboode : « Nous avons versé 335 millions d’euros en 2020 aux établissements de santé de Nouvelle-Aquitaine en compensation de la crise Covid, dont 74,9 millions d’euros en Gironde. Tout cela pour les primes, et pour l’achat de nouveaux respirateurs, l’appel à des personnels intérimaires en plus, la mise en place des cellules de crise… À titre de comparaison, cela correspond à peu près aux montants des précédents plans d’investissement hospitalier sur la région, qui couraient sur plusieurs années. Notre message envers les établissements, c’est de faire tout ce qu’ils peuvent, nous, nous couvrirons les surcoûts.
Et ce sera pareil en 2021 : pas un seul établissement de santé ne prendra sur son budget ou sur ses économies pour le Covid. C’est même le contraire. Avec le Ségur de la santé initié par le gouvernement, on s’est rendu compte qu’on n’avait pas assez financé les établissements de santé.
Ensuite, la crise a aussi un coût direct pour l’ARS, avec la mise en place des cellules de crise, l’embauche d’environ 16 agents équivalent temps plein travaillé (ETPT), les astreintes, les heures supplémentaires… Cela a représenté une augmentation de la masse salariale d’1,3 millions d’euros en 2020, sans compter les dépenses de personnels hors plafond de près de 500 000 euros. Bien sûr, tout cela n’inclut pas les dépenses de l’Assurance maladie ni des autres services de l’État. »
EJG : Pouvez-vous nous détailler l’enveloppe issue du Ségur destinée aux établissements de Nouvelle-Aquitaine et de Gironde ?
Benoît Elleboode : « Le Ségur représente une enveloppe globale de 1,183 milliard d’euros sur 10 ans pour les établissements de la région. Une partie est destinée à l’aide à l’investissement au quotidien, pour lequel les soignants seront concertés : 44 millions d’euros par an pendant 3 ans (11,7 millions pour la Gironde). Ensuite, il y a 18 millions d’euros destinés à quelques départements ciblés par des inégalités territoriales ou sociales (hors Gironde). Nous aurons aussi des crédits dont la somme n’est pas encore définie pour le numérique et le médicosocial. 366 millions d’euros seront dédiés à l’assainissement financier, c’est-à-dire à la reprise de dette. Enfin, nous avons une enveloppe de 684 millions d’euros sur 10 ans pour l’investissement hospitalier. Ces sommes sont à la décision aujourd’hui, donc je dois décider en 2021 vers quels projets je vais les diriger : les acteurs concernés saurons quelle somme leur est allouée et quel projet ils doivent réaliser dans les 10 ans. Le CHU de Bordeaux, pour lequel nous n’avons pas investi depuis longtemps, bénéficiera d’une part importante de ces crédits. »

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Le Ségur représente une enveloppe globale de 1,183 milliard d’euros sur 10 ans pour les établissements de Nouvelle-Aquitaine
EJG : Les montants sont très importants, voire inédits…
Benoît Elleboode : « Avant de connaître les crédits du Ségur, nous avions effectué une étude pour évaluer les besoins. Nous avions comptabilisé environ 2 milliards d’euros de projets sur la Nouvelle-Aquitaine. Sachant qu’on finance autour de 20-30 % des projets, avec 680 millions d’euros, on est en capacité de pratiquement tous les accompagner. C’est inédit, d’habitude, on doit faire des choix très contraints. La crise est une bonne justification d’emprunter. Elle a mis en lumière une crise de l’hôpital. La santé va donc bénéficier de cet emprunt pour pouvoir investir. Nous sommes d’ailleurs la deuxième région derrière l’Île-de-France en termes de montant financier.
Pour moi, cela représente une grande responsabilité, c’est une occasion unique que peu de DG d’ARS connaîtront. J’ai donc mis en place le 25 mars un Comité régional d’investissement en santé (CRIS), piloté par l’ARS Nouvelle-Aquitaine en lien avec la préfète, qui réunit les élus locaux, les conseillers départementaux, les représentants des associations de maires, les préfets, les autres services de l’État, le Conseil régional, les fédérations. Il donnera un avis pour éclairer la décision de l’ARS sur les répartitions départementales des enveloppes du Ségur. C’est très utile parce qu’il ne faut pas se tromper. En santé, les décisions ont un impact à long terme. Je le dis d’ailleurs souvent : si l’ARS remplit bien son rôle aujourd’hui, c’est grâce aux équipes recrutées par mon prédécesseur, Michel Laforcade, qui…