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Starfish Bioscience : La santé des sols par le microbiote

BORDEAUX. Créée en 2023 par Sandrine Claus, la start-up Starfish Bioscience s’attelle à cartographier les bactéries présentes dans les sols et leurs fonctions, afin de créer des produits permettant de lutter contre l'appauvrissement des terres agricoles et viticoles. Objectif : « apporter des solutions à une grande partie des enjeux liés à la sécurité alimentaire ».

Starfish bioscience, microbiota

Les bactéries qui composent les microbiotes des sols sous-tendent un ensemble de fonctions telles que le recyclage des nutriments, la rétention de l’eau, la structuration ou la réduction de production de gaz à effet de serre © Getty Images/iStockphoto

« Le microbiote intestinal, c’est toute ma vie », s’amuse Sandrine Claus. Après un doctorat et un postdoc sur l’interaction entre l’hôte humain et son microbiote intestinal, financé par Nestlé à l’Imperial College de Londres ; puis la création d’un laboratoire de recherche sur le microbiote à l’université de Reading, en Angleterre, qu’elle a dirigé durant 8 ans ; cette scientifique rejoint en 2017 la biotech bordelaise Isopia Bioscience (ex-LNC Therapeutics), dont elle est directrice scientifique pendant cinq ans. « Je développais un médicament dérivé du microbiote humain, à base de bactéries vivantes, pour lutter contre l’obésité », explique-t-elle.

Lorsque l’entreprise est liquidée en 2023, faute de financements et en dépit du succès de sa première phase, Sandrine Claus décide de mettre à profit sa « connaissance fondamentale des microbiotes et son expérience dans le développement de produit. Je recherchais un projet à impact », confie-t-elle.

C’est ainsi qu’elle crée en 2023 sa société, Starfish Bioscience, « née de cette envie de translater cette technologie à l’étude des microbiotes des sols, pour développer des produits ayant un impact positif sur l’environnement ». « J’ai décidé de me lancer, car très vite, je me suis rendu compte qu’on pouvait lever des fonds », ajoute-t-elle. Ce qu’elle a fait début 2024 auprès du fonds spécialisé dans le financement des sciences de la vie et du développement de produits à partir de microbiote, Seventure Partners. Il a injecté 900 000 euros en amorçage dans la société.

Bactéries vivantes

Sandrine CLAUS, fondatrice de la société Starfish Bioscience © D. R.

Sandrine CLAUS, fondatrice de la société Starfish Bioscience © D. R.

De quoi permettre à Starfish de mener à bien sa mission : créer des produits à base de bactéries vivantes, afin de régénérer les microbiotes des sols. Ces derniers « sous-tendent en effet toutes les fonctions du sol : recyclage des nutriments, rétention de l’eau, structuration (et donc lutte contre l’érosion accélérée) ou encore réduction de la production de gaz à effet de serre », énumère Sandrine Claus.

Composé d’un ensemble de micro-organismes, bactéries, champignons, protistes (êtres unicellulaires) et virus, le microbiote est un écosystème dont les composants coopèrent pour synthétiser des molécules utiles ayant ces différentes fonctions, par exemple la colle liant les composants du sol. « Or, lorsqu’il y a une perte de biodiversité, il y a une perte des fonctions associées aux organismes qui les portent », constate la dirigeante.

Nos produits permettront de limiter l’utilisation d’intrants, de renforcer la fertilité des sols

Pour développer ses produits, les équipes de Starfish vont d’abord s’atteler à cartographier l’ensemble des bactéries présentes dans les sols, dont on ne connaît que 1 % à l’heure actuelle, et identifier celles qui portent les fonctions les plus intéressantes. « Nos produits permettront ainsi de limiter l’utilisation d’intrants, mais surtout de renforcer la fertilité des sols et la résilience des plantes et cultures aux pathogènes ou au stress hydrique », précise Sandrine Claus.

 

Atlas des sols viticoles

Installée en Gironde, où elle intégrera en avril des bureaux à la Cité numérique de Bègles, Starfish a décidé de commencer « de façon modeste », en créant un atlas des sols viticoles. « L’appauvrissement biologique des sols est en effet particulièrement important en monoculture, dont la viticulture. Un sujet auquel sont très sensibles les exploitants », remarque Sandrine Claus.

Intégrée à l’incubateur Start-up Win de Bernard Magrez, la société a déjà noué un partenariat avec le Château La Tour Carnet

Intégrée à l’incubateur Start-up Win de Bernard Magrez, la société a déjà noué un partenariat avec le Château La Tour Carnet, grand cru classé du Haut-Médoc. « Cela nous a permis d’attirer d’autres domaines viticoles prestigieux du Bordelais pour notre étude, ainsi qu’en Languedoc-Roussillon », dévoile sa dirigeante, le microbiote étant fonction des différents terroirs.

 

Une industrialisation dès 2026

Pour le séquencer, Sandrine Claus s’est entourée de nombreux scientifiques de grands instituts de recherche publique et travaille avec la société BioAster, spécialisée en microbiologie, hébergée à l’Institut Pasteur de Paris. « Il s’agit du partenaire avec lequel nous avons construit le projet au départ. Nous avons réfléchi ensemble à la façon de transférer leur technologie développée pour la santé humaine à la santé des sols », précise-t-elle.

D’ici l’été, deux bio-informaticiens rejoindront également son équipe, ainsi qu’un business developper pour définir la stratégie commerciale de l’entreprise. L’objectif : disposer d’un premier produit à tester en laboratoire et déposer des brevets dès 2025, avant une industrialisation en 2026. « Je suis convaincue que c’est à travers une action sur le microbiote des sols, en complément d’un changement de pratiques vers l’agroécologie, que nous allons apporter des solutions à une grande partie des enjeux liés au changement climatique et à la sécurité alimentaire », assure Sandrine Claus.