ÉQUIPE D’ANGLETERRE
La compétition démarre avec la cuvée Blanc de Blancs millésimé 2015 de la célèbre Maison Nyetimber. Ce pur chardonnay est régulièrement confondu à l’aveugle avec un champagne. N’oublions pas que si la région doit beaucoup à un certain Dom Pérignon, ce sont les Anglais qui créèrent la bouteille épaisse, qui permit d’élaborer des vins effervescents résistant à la
pression. Ce sont aussi les Anglais qui eurent l’idée de rajouter du sucre dans le vin, pour permettre une reprise de fermentation et ainsi créer une effervescence intense. Les Anglais ne sont donc des novices, ni au rugby ni pour le vin. Et avec le réchauffement climatique en cours, le vignoble anglais progresse vite sur le terrain. Il a désormais dépassé la taille d’un vignoble comme celui de la Savoie, avec près de 4 000 hectares. De nombreux facteurs sont à l’origine de la renaissance du vignoble anglais. L’évolution du climat en est un. « Au Moyen-Âge, un épisode de réchauffement climatique avait permis la culture des vignes aux alentours des monastères du sud de l’Angleterre », relève Jean-Marc Touzard, chercheur à l’Inra et directeur de recherche sur le vin et le changement climatique. Aujourd’hui, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Cet excellent effervescent nous impressionne par la finesse de ses bulles et par son bel aromatique citronné et beurré.
ÉQUIPE DE FRANCE
L’Angleterre lance fort la compétition, mais voilà qu’en face s’élance le candidat français. La cuvée Le Feu du regretté Dominique Belluard est presque un vin iconique. Personne d’autre n’a autant souffert sur ces pans de montagne escarpés, réalisant des prouesses à partir du rarissime cépage indigène, le gringet. Ce cépage, qui se limite à la vallée de L’Ayse, délivre des arômes tout en délicatesse, évoquant la pêche blanche, le zeste d’agrumes et les fleurs blanches. Dans un pays de neige, c’est un côté poudré en toucher de bouche qui séduit l’auditoire.
Le vignoble néo-zélandais équivaut à 27 ooo terrains de rugby quand la France en comptabilise l’équivalent de 533 ooo
ÉQUIPE DE NOUVELLE-ZÉLANDE
Quel niveau pour les candidats suivants. Voyons voir comment le compétiteur néo-zélandais va s’en sortir. C’est le petit poucet de la compétition, un vignoble équivalent à 27 000 terrains de rugby quand la France en comptabilise l’équivalent de 533 000. C’est pourtant parmi tous les vignobles dit du « Nouveau Monde » l’un des plus talentueux. Largement exportatrice, comme tous les vignobles du « Nouveau Monde », la Nouvelle – Zélande n’échappe pas à une certaine standardisation technique de ses vins, pour satisfaire à une clientèle internationale. Pour autant, la saine émulation collective orientée vers une meilleure qualité, le climat maritime frais et la diversité des types de sols, lui ont permis de se spécialiser sur des cépages réclamant cette fraicheur, comme les cépages bourguignons, chardonnay et pinot noir, mais encore plus le sauvignon, porte-étendard du vignoble local. Un réel savoir-faire autour de ce cépage, connu chez nous à Sancerre comme en graves blancs, se retrouve dans ce sauvignon de chez
Michael Seresin. Ce directeur de la photographie, très connu pour sa participation à des films comme Midnight Express ou Birdy met la barre haute en termes d’exigence. Ici on laboure au cheval et la menthe, il bute parfaitement entre les poteaux.
ÉQUIPE D’AFRIQUE DU SUD
La pression est forte sur notre candidat « springboks ». La cuvée Lady of Abundance du domaine Groot Constantia. L’Afrique du Sud a un passé viticole ancien, lié à la présence de huguenots fuyant l’Europe du XVIIe siècle. Mais les turpitudes de l’histoire, le phylloxéra et la politique d’apartheid du pays auront plaqué à terre le vignoble. Comme pour l’ensemble des pays du Nouveau Monde, le vignoble s’est réellement redéveloppé à partir des années 90, avec une multiplication par plus de dix des surfaces viticoles. En revanche, contrairement à la Nouvelle Zélande, le vignoble est ici fortement concentré. Six acteurs, dont le groupe Pernod-Ricard, dépassent les trois-quarts de la production. On trouve donc ici des vins standardisés, « costauds » et aux tanins « gommés ». Heureusement la région du Cap (et de plus en plus le Swartland) délivre aussi des vins qualitatifs, chargés d’histoire (la capsule indique l’année 1685, situant la création du domaine) comme ce Lady of Abundance, associant majoritairement la syrah au cépage pinotage. et on travaille en biodynamie.
Fait assez particulier, l’Argentine est un des rares pays du « Nouveau Monde » à consommer ses vins en local
Les effets sont probants, car ce sauvignon échappe aux arômes variétaux stéréotypés de pamplemousse et de buis. Il offre une belle minéralité et même si son aromatique est bien présente au nez, il ne bascule pas dans le « too much ». Servi sur une salade dominée par le melon Ce dernier est un croisement de pinot noir et cinsault (appelé un temps hermitage) créé en Afrique du Sud. Le vin est issu d’un des trois domaines composant anciennement le terroir de « Constantia ». Un nom magique, qui au XIVe siècle, faisait rêver les cours impériales du monde entier grâce à son célèbre vin doux. Napoléon Ier en aurait même réclamé lors de son exil forcé à Sainte Hélène.
ÉQUIPE D’AUSTRALIE
Pas suffisant pour stopper l ’avancée de notre candidat « Wallabies », le domaine Maverick, qui aligne son Twins Barossa GSM. On ne parle pas d’un téléphone portable mais d’un acronyme, pour un vin d’assemblage grenache syrah-mourvèdre. Plus facile de dire « Je souhaiterais un verre de GSM » dans un monde largement dominé par les vins de cépages. L’Australie s’est fait une spécialité des cépages rhodaniens. Le pays est ainsi le deuxième producteur mondial de syrah (localement dénommé shiraz). Il leur fallait aussi trouver une solution pour élaborer l’équivalent d’un assemblage de châteauneuf du pape. L’acronyme GSM fut donc créé.
Celui de Maverick perce les défenses adverses. Il faut dire que l’objectif affiché du domaine est de « toujours dépasser les attentes ». Goûter ce vin est une invitation à une promenade dans les vallées ondoyantes de Barossa. Le vin offre ce côté chatoyant, avec un toucher de bouche soyeux, et vous enflamme par ses arômes fruités et épicés. L’élevage est parfaitement dosé, offrant un complément luxueux.
ÉQUIPE D’ARGENTINE
La compétition est décidément relevée et l’Argentine a un sacré défi à relever. La bouteille d’Alta Malbec du domaine Catena Zapata ne faiblit pas. Elle arbore fièrement une collerette « Best Wine Brand 2022 ». Il est vrai que le domaine a beaucoup fait pour la reconnaissance du malbec argentin à travers le monde. C’est même le premier domaine à avoir eu l’idée de planter du malbec en haute altitude pour chercher la fraîcheur. Depuis, l’Argentine, réunie avec Cahors au sein de l’association « Black Wine », s’est construit une véritable réputation mondiale autour du cépage. Fait assez particulier, l’Argentine est un des rares pays du « Nouveau Monde » à consommer ses vins en local. Les Argentins aiment le vin et nos dégustateurs apprécient tout autant ce malbec, « dur au cœur tendre ». Sa chair est effectivement tendre, pour ce cépage connu pour sa masse tannique. Il offre surtout une belle fraîcheur aromatique sur le menthol, complétée par des arômes de prune d’ente. La finesse est là, la longueur aussi. Le boisé, évoquant un élevage sous-bois comme un grand bordeaux gênera certains. Qui l’emportera ? Réponse le 28 octobre. De notre côté, nous continuons nos ateliers de dégustation un peu partout en France. À chaque atelier, un vote (parfois un peu chauvin, mais c’est de bonne grâce) pour départager nos six bouteilles/nations. Fait certain, comme au rugby, la bonne ambiance est au rendez-vous.