Les carreaux de Bordeaux n’ont aucun secret pour lui. « À l’œil et à l’oreille, on sait quand ils sont secs », témoigne Jean-Marie Pruvost. À 68 ans, il est détenteur d’un savoir-faire ancestral. Co-gérant avec son beau-frère de l’entreprise Storme-Pruvost à Gironde-sur-Dropt, c’est ici, en fond de parcelle, qu’est extraite la terre qui va servir à la fabrication des carreaux, carrelages, dallages et autres briques en terre cuite. « Nous n’utilisons que de la terre et de l’eau, pas d’additif », insiste Jean-Marie Pruvost.

La terre est extraite sur le site de l’entreprise. © Hélène Lerivrain
La matière est broyée, mélangée et fin prête pour la fabrication des carreaux à la main dans des moules en bois. Comme un moment suspendu. Charentaises au pied, dans un hangar vieux de trois siècles et demi, trois personnes s’affairent à la réalisation de plusieurs centaines de carreaux par jour. Ils les font ensuite sécher puis cuire une trentaine d’heures dans un four à 1040°. Mais cette étape, clé, a mis l’entreprise en difficulté en 2024.

Les carreaux sont réalisés à la main dans des moules en bois. © Hélène Lerivrain
La CMA à la rescousse
Dans un double contexte de crise énergétique et économique, « le prix du gaz a bondi de 60 % », explique Jean-Marie Pruvost. Pour y faire face, l’entreprise a voulu augmenter les prix, ce qui a eu pour effet de freiner les devis. La chambre des métiers de l’artisanat de Nouvelle-Aquitaine est alors venue à la rescousse de l’entreprise en l’accompagnant dans la recherche de financements pour l’acquisition d’un four moins énergivore. Son coût : 250 000 euros. « Nous n’aurions jamais pu nous le payer », reconnaît Jean-Marie Pruvost.

Les carreaux en cours de séchage. © Hélène Lerivrain
Mais la menace qui pesait autour de cette entreprise qui est l’une des dernières à fabriquer des carreaux de Gironde a mobilisé localement. La région Nouvelle-Aquitaine a voté une subvention de 50 000 euros, une aide du fonds européen Leader a atteint 70 000 euros, puis les banques ont suivi.
De père en fils
Il faut dire que « c’est une affaire rentable et historique », explique Romain Deberteix, chargé de développement économique à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMA) en Gironde. La fabrique Storme-Pruvost a participé à la restauration des ponts de pierre de Libourne et Bordeaux, du phare de Cordouan ou encore de la citadelle de Blaye et compte parmi ses clients de nombreux châteaux viticoles.
Si le four doit être livré dans les prochaines semaines, la CMA va continuer à accompagner l’entreprise sur d’autres sujets, à commencer par l’obtention du label Entreprise du patrimoine vivant, puis la transmission. Le fils de Jean-Marie Pruvost, qui travaille déjà à ses côtés, devrait faire perdurer l’entreprise familiale qui fait face, en attendant, à des difficultés de recrutement.
Or « il faut six mois pour former un salarié polyvalent », soupire Jean-Marie Pruvost. Encore un défi qu’il va falloir relever !

La fabrication des carreaux se fait à même le sol. © Hélène Lerivrain