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Accident de la circulation : améliorer la situation des victimes

La loi Badinter du 5 juillet 1985 a doté les victimes d’accident de la circulation d’un véritable droit à indemnisation autonome. Cette loi avait pour double objectif de créer des règles de responsabilité civile spécifiques pour les accidents de la circulation et d’améliorer les procédures d’indemnisation des victimes en facilitant les transactions amiables. Le code des assurances a consacré ce dispositif dans ses articles L211-9 et suivants.

Coralie FOURNIER, Accident de la circulation

Me Coralie FOURNIER, avocate spécialiste en réparation du dommage corporel © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Cela fait donc plus de 40 ans que le législateur a souhaité faciliter la voie amiable entre les parties et ainsi permettre à la victime, dans une situation souvent difficile tant médicalement que financièrement, de percevoir une indemnisation dans un délai raisonnable. À ce jour et depuis la création de cette loi, l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation est largement finalisée amiablement avec l’assureur. Près de 90 % d’entre elles voient leur litige se résoudre amiablement.

Afin d’encadrer cette volonté de transaction équitable, le législateur impose à l’assureur des délais de présentation d’offre qui sont stricts. La validité de cette dernière dépend également du contenu de l’offre d’indemnisation. En cas de non-respect de ces obligations, l’assureur est sanctionné par le paiement d’une pénalité pouvant parfois représenter des sommes importantes et pouvant même excéder le montant de l’indemnisation des préjudices de la victime. Cependant, la victime d’un accident de la circulation n’a pas connaissance de ces obligations légales complexes qui ont pourtant vocation à la protéger. Ainsi, seule une victime particulièrement éclairée ou celle qui serait assistée par un conseil peut valablement juger du respect ou non de cette procédure d’offre qui est souvent mal appliquée.

L’esprit initial de la loi Badinter doit être préservé en ce qu’il visait à protéger la victime. C’est la raison pour laquelle, il est important que la procédure d’offre soit respectée par les assureurs mais également connue et maîtrisée par la victime, ce qui est une tâche complexe tant ces dispositions sont spécifiques et exigeantes.

Il est important que la procédure d’offre soit respectée par les assureurs mais également connue et maîtrisée par la victime

Afin d’avoir une vue d’ensemble permettant de connaître cette procédure d’offre, il est nécessaire de reprendre les dispositions légales qui imposent à l’assureur de présenter une offre dans un ou plusieurs délais déterminés (I) mais également en respectant une forme et un contenu stricts (II). Les sanctions prévues pour le non-respect de ces dernières sont réelles et peuvent être importantes (III).

1. Les délais de présentation de l’offre

Dans l’esprit de règlement amiable et efficace des litiges relatifs aux accidents de la circulation, le législateur a prévu plusieurs délais pour contraindre l’assureur à indemniser la victime rapidement :

Le délai de 8 mois pour présenter une offre provisionnelle doit permettre à la victime de faire face de manière rapide à ses nouvelles contraintes financières liées à l’accident (frais médicaux, arrêt de travail, aide humaine…). Le délai de 5 mois à compter de la consolidation de l’état de santé pour présenter une offre définitive vise quant à lui, à permettre une issue définitive et amiable de l’indemnisation des préjudices définitifs de la victime. Le délai de 3 mois à compter de l’offre « provoquée », a pour but une résolution rapide du litige à l’initiative de la victime.

Si l’assureur ne respecte pas un ou plusieurs délais, c’est toujours le plus favorable à la victime qui s’appliquera. Très souvent, lorsque l’assurance verse une provision dans ce délai imparti, son quantum est largement sous-estimé. Il est également courant que les offres d’indemnisation ne mentionnent pas tous les préjudices indemnisables, l’assureur préférant réserver certains postes de préjudices. Dans ces cas, la victime est lésée et impuissante face à la carence de l’assureur. Afin d’encadrer encore cette procédure d’offre, l’assureur doit être juste dans sa proposition. Le contenu des offres est alors un élément primordial.

 

2. Le contenu de l’offre

L’offre réalisée par l’assureur doit être complète, détaillée et suffisante, à défaut de quoi elle serait considérée comme valant absence d’offre. Lorsque l’assureur présente une offre provisionnelle à la victime dans les 8 mois de l’accident, cette dernière doit comporter tous les éléments indemnisables du préjudice.

Elle doit également être suffisante compte tenu des éléments médicaux connus au moment du versement de la provision. Il appartient à l’assureur de solliciter les informations nécessaires à la victime. Il doit être proactif et il ne peut se décharger sur la carence de la victime s’il ne prouve pas avoir expressément demandé les éléments précis à la victime.

Il appartient à l’assureur de solliciter les informations nécessaires à la victime.

Dans le cas de l’offre d’indemnisation définitive, la validité de l’offre dépend également de plusieurs éléments. Elle doit être complète, « non manifestement insuffisante », les créances doivent être produites et mentionnées et, enfin le droit de rétractation de la victime doit être reproduit de manière claire.

Les deux premiers éléments sont ceux qui engendrent le plus de contentieux compte tenu de l’absence de rigueur ou de volonté de la part des assureurs, qui présentent encore des offres incomplètes, insuffisantes ou avec réserves. Ainsi, l’offre doit porter sur l’intégralité des postes de préjudice décrits dans le rapport d’expertise, des pièces communiquées à l’assureur et des réclamations formées par la victime. Aucun poste ne doit être omis ou réservé.

Au-delà du caractère complet de l’offre, il est nécessaire qu’elle ne soit « pas manifestement insuffisante ». L’esprit de la loi étant de favoriser la conclusion d’une transaction amiable entre les parties, il était indispensable de prévoir un seuil pour protéger les victimes d’une indemnisation qui serait insuffisante. Le juge bénéficie d’un pouvoir d’appréciation du caractère « manifestement insuffisant » de l’offre. Il est souvent basé sur un pourcentage, généralement inférieur à 50 %.

Lorsque l’une ou plusieurs de ces conditions n’est pas respectée, l’assureur est alors condamné à la sanction financière prévue par le code des assurances.

 

3. La sanction : le doublement des intérêts légaux

Selon les dispositions de l’article L211-13 du code des assurances, lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur (lorsqu’elle est tardive mais complète) ou allouée par le juge à la victime, produit intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et, jusqu’au jour où l’offre ou le jugement est devenue définitive.

Si les taux étaient très bas pendant plusieurs années, l’inflation actuelle rend la sanction l’égard des assureurs bien plus significative ces dernières années. La question qui se pose pour l’application de cette sanction est la durée de la pénalité ainsi que l’assiette de la pénalité. La durée de la pénalité dépend de la carence de l’assureur comme évoqué ci-avant, à savoir 8 mois de l’accident, 5 mois de la consolidation ou 3 mois de l’offre provoquée.

Si l’assureur n’a pas présenté d’offre dans les 8 mois de l’accident, ni d’offre dans les 5 mois à compter de la consolidation, c’est le délai le plus favorable à la victime qui s’applique. Le délai de 8 mois à compter de l’accident peut donc être un point de départ très pénalisant pour l’assureur dans la mesure où certains dossiers peuvent durer de nombreuses années.

Si l’assureur n’a pas présenté d’offre dans les 8 mois de l’accident, ni d’offre dans les 5 mois à compter de la consolidation, c’est le délai le plus favorable à la victime qui s’applique

À cet égard, l’assureur ne peut pas s’exonérer de son obligation initiale d’offre provisionnelle en indiquant qu’il contestait le droit à indemnisation de la victime. L’assureur qui a le mandat de gestion (convention IRCA) doit présenter une offre « pour le compte de qui il appartiendra ». C’est souvent dans ces cas que l’assureur voit le point de départ de la sanction revenir de nombreuses années en arrière.

L’arrêt de la pénalité est déterminé à la date de l’offre complète et suffisante de l’assureur ou du jugement définitif. C’est au juge du fond de déterminer la date d’arrêt de la pénalité en fonction de son appréciation souveraine mais surtout, en fonction de l’indemnisation allouée in fine par le jugement. Une fois le délai déterminé, le magistrat doit déterminer l’assiette sur laquelle sera appliquée la sanction. La somme servant de base de calcul est soit la somme allouée par le juge (en l’absence d’offre ou en cas d’offre insuffisante) ou la somme offerte par l’assureur en cas d’offre tardive mais jugée complète. Elle doit inclure les sommes relatives à l’indemnisation du préjudice de la victime, les créances des tiers payeurs (CPAM, mutuelle…), les provisions versées et enfin les sommes allouées pour les dommages aux biens. L’assiette peut donc représenter un montant considérable, notamment compte tenu des créances des organismes sociaux qui sont bien souvent supérieures au montant de l’indemnisation des préjudices de la victime.

À cette sanction du doublement des intérêts légaux, peut s’ajouter l’anatocisme (capitalisation des intérêts majorés) ce qui alourdit encore la sanction de la pénalité.

Enfin, l’article L211-14 du code des assurances a prévu une dernière sanction, cette fois-ci de plein droit. Le régleur est condamné d’office à verser une pénalité de 15 % au plus, de l’indemnité allouée à la victime au bénéfice du Fonds de Garantie des assurances obligatoires de dommage et ce, sans préjudice de l’indemnisation due à la victime.

 

Alors que la grande majorité des accidents de la circulation sont gérés amiablement, les intérêts de la victime ne peuvent être réellement préservés que si le dispositif créé par la loi Badinter est correctement appliqué. Pour cela, il serait nécessaire que les principaux intéressés en aient connaissance, ce qui n’est manifestement pas le cas ou trop peu.

© D. R.

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