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Faire un testament à quoi ça sert ?

CHRONIQUE DES NOTAIRES DE LA GIRONDE : Le testament est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu'il peut révoquer. C’est un acte relativement simple quant à son contenu et quant à sa forme. Pour être pleinement efficace, il doit toutefois être clair, précis et correctement rédigé.

Guillaume LATOURNERIE

Guillaume LATOURNERIE, notaire à Bazas © Larriaut Photos

Pour établir un testament, l’indication de la date a une importance particulière car c’est à ce jour qu’il faut se placer pour déterminer la capacité du testateur. De plus, la date permet d’établir l’ordre des testaments, si le défunt en laisse plusieurs. À ce jour l’utilité du testament reste sous-estimée pour la grande majorité des français qui traditionnellement éprouvent des difficultés pour anticiper les conséquences de leur décès. Rédiger son testament n’ayant aucune incidence sur la date de notre mort, nous allons aborder par l’intermédiaire de diverses questions, l’avantage de prévenir les conséquences de son décès.

1) QUELLE FORME DOIT RESPECTER LE TESTAMENT POUR ÊTRE VALIDE ?

Le testament peut revêtir plusieurs formes, qui diffèrent selon la qualité du disposant et les conséquences de sa volonté. La quasi-totalité des testaments rédigés en France emprunte deux formes :

Le testament olographe

C’est la forme de testament la plus utilisée car c’est la plus simple et la plus rapide à réaliser. C’est un acte sous Faire un testament à quoi ça sert ? seing privé écrit en entier de la main du testateur, daté et signé par lui. Il n’est assujetti à aucune autre forme. Il sera rédigé sur papier libre mais il peut être fait sur n’importe quel support en cas d’urgence. Le testament peut être déposé chez tout notaire afin qu’il soit conservé et enregistré au fichier des dernières volontés. L’enregistrement du testament permet qu’au décès du testateur, le notaire en charge du règlement de la succession, soit informé de l’existence du testament et ce, même si ce dernier n’est pas déposé dans son office.
Pour en connaître le contenu, il s’adressera directement au notaire dépositaire du testament.

En présence d’héritier(s) réservataire(s), on ne peut disposer librement de ses biens que pour une fraction de son patrimoine

Le testament authentique

Il doit être reçu par deux notaires ou par un notaire et deux témoins et doit respecter un certain formalisme. Le notaire est tenu d’écrire les volontés dictées par le testeur à qui il lira le testament dans sa globalité avant sa signature. Ce formalisme est imposé à peine de nullité du testament. Cette forme de testament présente un certain nombre d’avantages :
• dicté par le testateur, c’est la seule forme utilisable pour une personne ne sachant ou ne pouvant signer ;

• écrit par le notaire, il est moins sujet à interprétation que le testament olographe ;
• il bénéficie de la force probante et de la date certaine attachées à tout acte authentique ;
• établi en minute par le notaire, le risque de destruction et de détournement est réduit ;
La forme authentique est imposée quand le disposant souhaite totalement déshériter son conjoint et quand il souhaite le priver de son droit au logement. En effet, le conjoint survivant dispose d’un droit viager d’habitation sur le logement qu’il occupe au
moment du décès à titre d’habitation principale, dès lors que celui-ci appartient aux époux ou dépend totalement de la succession. Ainsi, déshériter son conjoint dans un testament olographe, ne le privera pas du droit viager au logement qui lui permet de se maintenir dans son lieu de vie. La forme authentique est exigée car les conséquences sont lourdes pour le conjoint survivant qui se trouvera expulsé de son cadre de vie.

2) PEUT-ON DISPOSER DE SES BIENS COMME ON LE SOUHAITE ?

En présence d’héritier(s) réservataire(s), on ne peut disposer librement de ses biens que pour une fraction de son patrimoine, le restant étant réservé à ses enfants ou son conjoint survivant dans certains cas. En effet, la loi protège la famille proche contre les libéralités que le de cujus pourrait consentir sans retenue, soit à des parents plus éloignés, soit à des tiers, étrangers au cercle familial. Elle assure en outre une égalité minimale entre ses bénéficiaires (les enfants). L’évolution de la famille, et notamment la croissance du nombre de familles recomposées, conduit parfois nos clients à ne plus souhaiter transmettre à leurs enfants d’un premier lit. La réserve héréditaire est destinée à les protéger. La quotité des biens dont on peut disposer librement varie en fonction du nombre d’enfant(s) du défunt. L’article 913 du code civil dispose que « les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers, s’il laisse deux enfants ; le quart, s’il en laisse trois ou un plus grand nombre ».

La rédaction d’un testament peut être l’occasion de faire un acte de philanthropie ; ces legs sont généralement exonérés de droits de succession

Comme indiqué en amont, le conjoint survivant est également considéré comme héritier réservataire en l’absence de descendant et sous réserve qu’ils ne soient pas divorcés, sa réserve héréditaire est de 1/4, la quotité disponible étant ainsi de ¾. Il reste que cette limitation, n’est sanctionnée qu’a posteriori : la réserve étant une part de sa succession, la liberté de disposition du défunt se mesure en effet à ce qu’il laisse à son décès. Par conséquent, la sanction encourue en cas de disposition excessive, n’est pas une nullité du testament, mais la réduction du legs pour atteinte à la réserve héréditaire. La réduction demeure très menaçante, parce qu’elle remet en cause le bénéfice économique de la libéralité. Mais si la rédaction du testament est anticipée à l’aide de son notaire, ce dernier pourra dans la limite des informations transmises, pronostiquer la valeur de la quotité disponible et de la réserve héréditaire pour ainsi, en cas de dépassement de cette dernière, conseiller au client de souscrire un contrat d’assurance-vie (dont la valeur n’entre pas en compte dans l’actif de succession et donc dans le calcul de la réserve héréditaire) pour permettre au légataire de dédommager, en valeur, le(s) héritier(s) réservataire(s).

3) DANS QUELLES SITUATIONS EST-IL RECOMMANDÉ DE FAIRE UN TESTAMENT ?

L’acquisition d’une résidence principale par des Partenaires de Pacs

Le testament est fréquemment conseillé par les notaires lors d’une acquisition par un couple pacsé de leur résidence principale. En effet, les partenaires, n’ont aucun droit successoral dans la succession du coacquéreur prédécédé. En revanche, au même titre que le couple marié, le partenaire de pacs est exonéré de droits de succession pour les biens recueillis dans la succession de son partenaire. Dans cette configuration, le testament permet aux partenaires de se protéger mutuellement en cas de décès. Pour maintenir le partenaire survivant dans son lieu d’habitation, il pourra lui être conseillé de léguer ses droits sur le bien en question en pleine propriété en l’absence d’enfant ou en usufruit en présence d’enfant(s), ces derniers ayant vocation à hériter du bien à l’extinction de l’usufruit, c’est-à-dire au décès du partenaire survivant. Il convient d’anticiper le patrimoine du défunt afin que
le legs ne fasse pas l’objet d’une action en réduction. On peut notamment guider le client vers un legs seulement en usufruit (dont la valorisation est inférieure à celle de la pleine propriété) ou lui proposer un contrat d’assurance-vie dont les primes permettront le paiement de l’indemnité de réduction.

Quand on veut transmettre à une autre personne que ses héritiers

Si on ne prévoit rien pour son décès, c’est la loi qui détermine la dévolution des biens dépendant de la succession, aux personnes et dans les proportions fixées par le code civil. Par conséquent, le disposant peut, grâce à son testament, modifier sa dévolution successorale, que ce soit dans l’ordre des héritiers, l’identité ou dans les proportions transmises. La rédaction d’un testament peut être l’occasion de faire un acte de philanthropie ; ces legs sont généralement exonérés de droits de succession.

Favoriser un héritier en particulier

Contrairement aux donations qui sont présumées rapportables, sauf volonté contraire du de cujus, le legs est présumé hors part successorale. Le rapport a pour finalité d’assurer l’égalité entre les héritiers du même « rang » ayant vocation à recevoir la même quotité des biens dans la dévolution légale. C’est pourquoi, si avant son décès le défunt fait un don d’une somme d’argent à l’un de ses héritiers, en pensant l’avantager par rapport aux autres héritiers, cette somme sera réintégrée dans la masse partageable de la succession et répartie, en parts égales, entre tous les ayants cause. Ainsi si la volonté du disposant est d’avantager un de ses successible, plus que les autres, il conviendra qu’il lui lègue cette somme d’argent, et elle viendra ainsi en complément de sa vocation dans l’héritage du défunt et non en avance sur sa part d’héritage.

Modifier ses clauses bénéficiaires d’assurance-vie

Le testament, sous sa forme olographe, profite d’un formaliste simple et rapide. Il est ainsi de plus en plus fréquent, de conseiller aux clients de désigner ou modifier les bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie directement dans leur testament. Il faudra aussi leur recommander de prévenir la compagnie d’assurances, par lettre recommandée avec avis de réception, de l’existence dudit testament et lui communiquer le nom du notaire qui en a la garde.

4) UN TESTAMENT PEUT-IL CONTENIR DES VOLONTÉS EXTRA-PATRIMONIALES ?

Un testament peut contenir des dispositions étrangères à la dévolution des biens du testateur. Il est important de prendre en compte que le testament a de fortes chances d’être ouvert plusieurs jours après le décès. De ce fait, le testateur ne doit pas utiliser son testament pour indiquer ses requêtes concernant son enterrement sans avoir pris le soin d’informer ses proches que son testament contient ce type de dispositions. En ce qui concerne la reconnaissance d’un enfant, elle doit être effectuée dans un testament authentique et elle n’établit la filiation qu’à l’égard de son auteur. Les parents d’enfants encore mineurs sont souvent inquiets quant à la garde de leurs enfants s’ils venaient à décéder avant leur majorité. Ils peuvent désigner le ou les tuteur(s) de leurs enfants directement dans leur testament.