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Interview : Guillaume-Olivier Doré, PDG d’Elwin, à la conquête de Bordeaux

Entrepreneur responsable, investisseur engagé et homme de réseaux, Guillaume-Olivier Doré, arrivé à Bordeaux en 2016, est très actif sur le territoire. À la tête de la fintech Elwin et de l’association de Business Angels Finaqui, membre du board de French Tech Bordeaux, il a coordonné la création du fonds régional InvESS’t NA, dédié à l’ESS, et dirige un petit groupe de presse. Qu’est-ce qui fait courir Guillaume-Olivier Doré ? Quels sont ses projets pour l’année à venir ? Entretien.

Guillaume-Olivier Doré, PDG d'Elwin

Guillaume-Olivier Doré, PDG d'Elwin © Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

Échos Judiciaires Girondins : Votre principale activité est votre fintech Elwin, un éditeur de logiciels SaaS de RegTech (pour réglementaire). Quel est votre bilan de l’année écoulée ?

Guillaume-Olivier Doré : « Nous allons finir l’année avec une vraie reconnaissance du produit sur le marché, une vingtaine de salariés et un chiffre d’affaires d’un peu moins de 500 000 euros en seulement 9 mois d’activité. Elwin compte parmi ses clients 3 grands comptes : une société de gestion qui gère un milliard d’euros, le réseau de conseillers en gestion de patrimoine (CGP) Douze Cent Quinze et un assureur. Et nous visons un chiffre d’affaires d’environ 1,5 million d’euros en 2022. La bonne nouvelle, c’est que nous avons réussi à aller sur le marché des CGP, qui est le plus difficile à pénétrer, car c’est l’un des plus conservateurs au monde. Les avoir convaincus de l’utilité de notre outil nous donne un grand sentiment de victoire. Nous avons participé fin septembre au Salon Patrimonia, à Lyon : notre stand n’a pas désempli, avec à la clé plus d’une centaine de rendez-vous, des discussions avec des grands groupes et grands comptes, et au final, un énorme succès commercial pour Elwin. Et un objectif de 3 000 licences installées en 2023 (contre 500 aujourd’hui). »

EJG : Quels sont vos chantiers pour Elwin en 2022 ?

G.-O. D. : « Patrimonia a été l’occasion de constater un phénomène nouveau dans le domaine des fintech, qui est l’entrée dans une phase « d’APIsation ». Nous sommes dans ce basculement où tous les outils digitaux concurrents et complémentaires sont en train de se connecter les uns aux autres. Une dizaine d’éditeurs de logiciels veulent ainsi se connecter avec Elwin. C’est une bonne nouvelle car cela signifie que nous sommes reconnus comme le spécialiste de la « compliance » ou conformité automatisée, ce qui correspond aux process réglementaires imposés aux professionnels de la distribution de produits financiers aux particuliers. Cette interconnexion est l’un de nos grands chantiers à venir. L’autre, qui vient du fait d’avoir des sollicitations de la part des grands groupes, sera un chantier autour de sujets très à la mode tels que les datas, le RGPD, la cybersécurité. On va donc faire évoluer le produit dans ce sens, on s’est pour cela rapproché d’entreprises de la région, notamment Tehtris. »

EJG : Votre seconde activité, ce sont les fonds d’investissements. Vous êtes notamment administrateur actif de la société A Plus Finance…

G.-O. D. : « A Plus Finance est un fonds d’investissement traditionnel d’un milliard d’euros environ, pour lequel je traite les sujets en lien avec l’économie sociale et solidaire (ESS). C’est un sujet qui fait partie de ma culture personnelle, de mon ADN : j’ai notamment participé aux prémices du Groupe SOS, en 1989, avant d’en être trésorier pendant une quinzaine d’années. Et je contribue actuellement à la mise en place d’une équipe d’A Plus Finance à Bordeaux, qui va gérer le fonds InvESS’t NA, un véhicule d’investissement régional dédié aux acteurs de l’ESS, qui représentent 14 % des emplois en Nouvelle-Aquitaine. Nous y avons travaillé pendant un an avec la Région Nouvelle-Aquitaine, la Banque des territoires et tout l’écosystème ESS régional qui vont opérer ce fonds au sein d’un comité de pilotage. Tout l’enjeu ici, c’est de fournir au monde de l’ESS (les SCOP, les SCIC, les associations…) un outil de renforcement des fonds propres. Et c’est complètement nouveau. »

Une équipe d’A Plus Finance va être mise en place à Bordeaux qui va gérer le fonds InvESS’t NA

EJG : Vous avez également pris la présidence de l’association de Business Angels locale Finaqui, qui vient de lancer son fonds Evergreen, lui aussi orienté vers ce que vous appelez « l’impact »… Avez-vous de premiers projets d’investissement ?

G.-O. D. : « Finaqui représente un engagement associatif important : nous sommes en train de nous réinsérer dans la chaîne de valeur du financement des entreprises de la région, tout en renouvelant le conseil d’administration et les membres de l’association. Je veux qu’il y ait de la diversité, en genre, en origine sociale et ethnique, que ça reflète l’écosystème local. C’est un vrai changement culturel et ça met du temps. Le fonds Evergreen de Finaqui est quant à lui lancé et opérationnel. Mais le métier d’investisseur est un métier à cycle très long : il faut prendre le temps de bien se connaître, de construire une relation équilibrée. On a déjà plusieurs dossiers, dont deux opportunités très sérieuses sur le territoire, des entrepreneurs de la région ont envie d’investir. Nous allons recueillir les premières souscriptions des investisseurs et je pense que les premiers investissements seront annoncés au premier trimestre 2022. On constate que le côté impact fonctionne. Mais attention, on ne fait surtout pas d’« impact washing », qui est un sujet que je déteste. On utilise une grille de plus de 400 critères objectifs, notamment environnementaux et sociaux, créée par Nicolas Hazard, fondateur d’INCO Ratings, qui est un pionnier de l’investissement à impact. On est ultra-sélectif à l’entrée, ce qui nous permettra de nous crédibiliser en termes de savoir-faire dans la durée. »

Investisseur est un métier à cycle très long : il faut prendre le temps de bien se connaître, de construire une relation équilibrée

EJG : Vous avez également une activité de patron de presse, avec l’édition du magazine Finance Mag et de la revue Say. Quelles sont vos ambitions dans ce domaine ?

G.-O. D. : « J’ai créé FinTech Mag en 2015, que j’ai transformé en Finance Mag en 2019 : un trimestriel B2B destiné aux professionnels de l’innovation et de la finance. Nous avons également lancé la revue Say, trimestriel d’intelligence économique, que j’ai le souhait de rendre plus accessible au grand public. Et nous avons en plus une activité de conseil éditorial : on fabrique du contenu sur la finance, la bourse, la tech pour d’autres journaux (notamment le JDD, Sud-Ouest), comme une petite agence de presse spécialisée. Les médias sont un sujet important pour moi, que je traite comme une entreprise. Je veux démontrer qu’on peut fournir du contenu de qualité tout en étant économiquement rentable. Je viens d’ailleurs de séparer cette activité de sa société-sœur Elwin. Elle devient une entité indépendante : KEYOP Partners, avec ses propres locaux à Bordeaux. Je reste l’actionnaire de référence, le président et le directeur des publications, mais l’entreprise a désormais sa propre organisation, avec une directrice générale, Christelle Collenot (ancienne responsable digitale du groupe EDF), et une directrice marketing, Loreleï Robert. »

EJG : D’où vous vient ce goût pour le secteur de la presse ?

G.-O. D. : « C’est aussi dans mon ADN : ma mère a débuté sa carrière comme journaliste, avant de devenir la première femme banquière de France. Elle a cofondé le magazine 50 millions de consommateurs. Elle a également été, en tant que grand commis de l’État, cofondatrice du Matin de Paris, le journal de centre gauche concurrent de Libération. Le journalisme est un univers que j’admire et que j’ai pratiqué en petit boulot quand j’étais lycéen, comme correspondant local pour Les Nouvelles de Versailles. C’est une transmission d’écrire. Et je continue encore aujourd’hui pour Keyop, je fais une brève quotidienne pour le JDD… »

Mon activité de presse est devenue une entité indépendante : KEYOP Partners qui a ses propres locaux à Bordeaux

EJG : Vous êtes également très actif dans les réseaux, les clubs d’entrepreneurs, vous faites du mentorat auprès de jeunes chefs d’entreprises… C’est votre manière de transmettre votre savoir-faire, justement ?

G.-O. D. : « Je suis trésorier et vice-président de French Tech Bordeaux pour un deuxième et dernier mandat, car nous avons fait modifier les statuts pour y imposer un maximum de deux mandats successifs, notamment. En 2 ans, l’association est passée de 2 salariés à bientôt 7 personnes, son budget a quasiment triplé, elle a « scalé » comme les start-ups qu’elle accompagne ! Il s’agit de la plus grosse association French Tech française, c’est un superbe succès et c’est l’équipe de Philippe Métayer qui l’a fait, nous avons accompagné le mouvement. Outre le plaisir de cette réussite, de se faire des amis et de travailler en groupe, le plus important est de se dire qu’on a été utile à l’écosystème. Cela m’a permis de continuer à rencontrer des gens, de faire un peu de mentorat, d’accompagner des entrepreneurs, de les aider à réfléchir, ce qui aide à réfléchir soi-même. C’est quelque chose que j’aime beaucoup. J’ai commencé comme parrain du club de mentors d’Héméra de Julien Parrou-Duboscq, quand je suis arrivé à Bordeaux, il y a 6 ans. Et j’ai continué à le faire de façon ponctuelle quand on m’a sollicité, pour Charles-Henri Gougerot Duvoisin (Obvy), par exemple, et Marine Cotty-Eslous (Lucine). D’ailleurs, en général, j’ai plutôt un tropisme entrepreneure. Savoir que les femmes n’arrivent pas à lever des fonds, se font « mansplainer » (expliquer leur domaine d’expertise par des hommes, NDLR)… Ça m’a toujours mis en colère. Chez nous, c’est ma maman qui était la cheffe de famille, j’ai grandi dans un monde où ce sont les femmes qui dirigent. C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui : je n’ai que des femmes à la maison, et pas des petits caractères ! »

Savoir que les femmes n’arrivent pas à lever des fonds m’a toujours mis en colère

Guillaume-Olivier Doré, PDG d'Elwin

Guillaume-Olivier Doré, PDG d’Elwin : « Le fil directeur de tout ça, c’est apprendre et transmettre. Et le vecteur, c’est l’humain » © Atelier Gallien – Echos Judiciaires Girondins

ELWIN EN CHIFFRES

Date de création : 2016 (MieuxPlacer.tech)

Pivot de l’activité : 2020 (Elwin)

Effectifs : 16 salariés + 4 apprentis/stagiaires

CA prévisionnel 2021 : un peu moins de 500 000 euros

Objectif CA 2022 : 1,5 million d’euros

Nombre de licences SaaS en 2020 : 500

Objectif licences en 2023 : 3 000

EJG : Le métier d’entrepreneur, celui d’investisseur et cet engagement dans l’écosystème semblent intimement liés pour vous…

G.-O. D. : « Depuis 10 ans, le monde a entièrement changé, il y a plus de porosité entre les métiers. Moi, j’ai été investisseur, entrepreneur, les deux en même temps. Par ailleurs,

on ne peut plus, aujourd’hui, ne pas tenir compte des notions d’impact, de social, d’environnement, d’ESS, de RSE. Tout ce décloisonnement se fait naturellement. Les entrepreneurs sont souvent investisseurs et ont souvent un rôle associatif : ils contribuent à l’écosystème. Le côté protéiforme de leur rôle est complètement nouveau. Concrètement, c’est ce que j’ai fait en créant toute une chaîne de valeur avec French Tech Tremplin, qui consiste à convertir les outils tech au service de populations qui n’y ont pas accès ; Finaqui, que j’ai transformé en fonds ESS pour investir de petits montants ; et InvESS’t NA (A Plus Finance) qui apportera du capital-développement aux entreprises de l’ESS. Il m’a fallu 3 ans d’énergie pour monter cette chaîne de valeur et arriver au bout. »

EJG : C’est quelque chose que vous pratiquez depuis longtemps : vous avez créé le club d’entrepreneurs Agregator et cofondé le réseau social Viadeo…

G.-O. D. : « J’ai monté le tout premier club d’entrepreneurs en France, Agregator, en 2003. J’adore les histoires d’entrepreneurs, c’est ma culture d’investisseur. J’ai dû en rencontrer près de 8 000 dans ma vie. Fréquenter ces clubs, les monter, les organiser, c’est une manière de transmettre du savoir-faire. On est dans cette notion de passation de témoin. J’ai 50 ans et je suis toujours très content de discuter avec des gens qui m’apprennent des choses. Et cela ne peut passer que par le contact humain. Le métier d’investisseur, comme celui d’entrepreneur, ne s’apprend pas. Cette culture réseau, je l’ai acquise à ce moment-là et j’en ai mesuré la puissance : Agregator est monté jusqu’à 500 participations et pesait 500 millions d’euros à la fin. C’est énorme. Et le ciment de tout ça était la relation humaine entre les gens. »

EJG : Votre activité repose donc sur 4 piliers : la fintech principalement, mais aussi les fonds d’investissement, la presse et les réseaux d’entrepreneurs. Quel est le fil directeur de tout ça ?

G.-O. D. : « Le fil directeur de tout ça, c’est apprendre et transmettre. Et le vecteur, c’est l’humain. En revanche, j’ai toujours détesté la notion d’entreprise libérée. L’un de mes anciens patrons, Thierry Willieme, ancien directeur chez IBM (dont j’ai géré le fonds pendant près de 4 ans) et General Electric Capital en France, utilisait la notion de « juste bienveillance ». On est dans un monde capitaliste, dans lequel l’humain a pris beaucoup de place et on doit en tenir compte. Mais il faut être juste en équilibrant la relation entre les salariés, l’entreprise, les actionnaires. »

 

GUILLAUME-OLIVIER DORÉ : BIO EXPRESS

À 50 ans, Guillaume-Olivier Doré est un multi entrepreneur-investisseur du secteur de la finance accompli et engagé, un père de famille passionné de nautisme et de course à pied et un lève-tôt. Retour sur le parcours de ce Lorrain qui a grandi dans l’Ouest parisien et s’est installé à Bordeaux en 2016 pour y imprimer sa touche « G. O. ».

1989 : À 19 ans, il lance son entreprise d’organisation d’événements qu’il dirige pendant 3 ans.
1993 : Son bachelor des universités américaines Northeastern et Harvard Business School (avec l’ACI Négocia) lui donne goût aux études.
1994 : Admis à l’EM Lyon.
1997-2002 : Investisseur chez 3i Group, à Lyon, puis IBM Global Financing Mezzanine et Apax Partners à Paris.
2003 : Il cofonde avec 4 partenaires Agregator, le premier club d’entrepreneurs associés en France, qu’il rachète en 2010. 2005 : Agregator est agréé fonds d’investissement d’entrepreneurs par l’AMF. Il participe à la cofondation du premier réseau social professionnel, Viadeo, dont il revend ses parts en 2010.
2012 : L’introduction en bourse de son fonds Agregator Capital rate. « Mon entreprise est tuée, j’en ressors ruiné », confie-t-il. Six mois plus tard, il lève 12 millions d’euros pour racheter OTC, un fonds de Tocqueville Finance qui gère 360 millions d’euros.
2015 : Lancement de FinTech Mag, qui devient Finance Mag en 2019. 2016 : Le fonds OTC Agregator a remboursé 100 % de sa dette, enregistre un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros et monte jusqu’à 500 millions d’euros, avant d’être racheté. Guillaume-Olivier Doré choisit de s’installer à Bordeaux avec sa famille et lance sa nouvelle entreprise dans la fintech, MieuxPlacer, qui devient Elwin en 2020.
2019 : Il est élu vice-président et trésorier de French Tech Bordeaux, puis réélu en 2021. 2020 : Lancement de la revue Say Guillaume-Olivier Doré devient président de l’association de Business Angels Finaqui.
2021 : Il sépare ses activités Elwin et Keyop Partners.

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