C’est dans ce contexte précis que s’inscrit le « Family buy out » (ou FBO) : technique de transmission d’entreprise intrafamiliale qui combine une donation-partage et l’apport de tout ou partie des titres donnés à une holding de reprise, laquelle a recours à l’endettement pour financer la soulte permettant de désintéresser la fratrie de l’enfant repreneur.
Mise en œuvre d’une donation-partage avec soulte
La donation-partage permet un effet « cristallisateur » de la valeur des biens transmis.
L’entreprise est évaluée au jour de la donation, et non au jour du décès du donateur, pour le calcul des réserves héréditaires de chaque enfant.
Ainsi, seul le repreneur profitera ou supportera les variations de valeur de l’entreprise familiale, à la hausse comme à la baisse. Ses frères et sœurs ne seront plus concernés puisque l’évaluation de l’entreprise aura été « figée » au jour de la donation.
Notre retour d’expérience :
« La valorisation retenue est l’une des clés de la réussite de la transmission. Il est essentiel que la donation-partage ne « cristallise » que les valeurs, et non les rancœurs. Elle doit faire consensus au sein de tous les donataires, ainsi qu’auprès de l’administration fiscale. Le recours à un tiers en charge d’établir une valorisation de l’entreprise familiale dans le cadre d’une transmission patrimoniale (avec les décotes fiscalement admises) et d’expliquer ses conclusions avec pédagogie à tous les donataires est très précieux, voire déterminant. »
Tous les héritiers doivent consentir à la donation-partage, mais ne doivent pas nécessairement recevoir les mêmes actifs. Le repreneur peut être seul attributaire des titres de l’entreprise familiale, à charge pour lui de désintéresser sa fratrie via le paiement de soultes.
Tout l’intérêt du FBO réside dans le fait que c’est la holding de reprise qui finance les soultes, et non l’enfant repreneur.
Ce dernier pourrait les assumer à titre personnel, mais il devrait alors se verser des dividendes, soumis à la « flat-tax » (impactant à due concurrence sa capacité d’endettement) pour rembourser l’emprunt qu’il aurait souscrit.
L’intérêt du FBO réside dans le fait que c’est la holding de reprise qui finance les soultes, et non l’enfant repreneur
Tandis que le recours à une holding de reprise soumise à l’impôt sur les sociétés permet de remonter les dividendes de l’entreprise familiale en quasi-exonération fiscale et de déduire les intérêts d’emprunt du résultat imposable (dans les limites en vigueur).
La capacité d’endettement de la holding de reprise est donc bien plus importante que celle du repreneur à titre personnel.
Notre retour d’expérience :
« La modélisation financière des flux futurs de l’exploitante et des distributions de dividendes permet de calculer les capacités d’emprunt de la holding de reprise, et – in fine – de calibrer le montant maximum des soultes. La validation en amont de la robustesse des business plans par un professionnel permet de fluidifier les négociations ultérieures avec les partenaires bancaires.
Le paiement des soultes peut être différé dans le temps. Toutefois, nous préconisons un paiement comptant au jour de la donation-partage. Une logistique parfaitement anticipée des différentes étapes du Closing avec toutes les parties prenantes permet la concomitance de la donation-partage, du transfert de la dette à la holding de reprise et du paiement effectif des soultes. »
Avantages fiscaux de la donation-partage avec soulte
Le régime « Dutreil » est applicable. Ce dispositif permet, sous conditions, une exonération de droits de donation à concurrence des trois quarts de la valeur des biens transmis.
En cas de donation-partage avec soulte, l’exonération partielle profite non seulement au repreneur qui reçoit les titres de l’entreprise familiale, mais également aux enfants qui perçoivent des liquidités.
La donation démembrée est souvent choisie car elle permet de réduire l’assiette de calcul des droits de donation par l’effet du barème fiscal, en fonction de l’âge du donateur.
Rappelons néanmoins que si celui-ci est âgé de moins de 70 ans, une réduction des droits de mutation à titre gratuit de 50 % peut être applicable lorsque la donation est réalisée en pleine propriété.
En cas de donation-partage avec soulte, cette réduction de droits profite à tous les donataires, y compris à ceux qui ne reçoivent pas les titres de l’entreprise mais des liquidités.
Selon les cas, une donation-partage avec soulte de titres en pleine propriété peut donc s’avérer fiscalement moins coûteuse qu’une donation de la seule nue-propriété.
Notre retour d’expérience :
« Le coût fiscal de la transmission, bien que primordial, ne doit pas être le seul critère d’arbitrage entre une donation de titres démembrés ou en pleine propriété : la répartition des pouvoirs et des droits de vote, le financement du train de vie futur des donateurs, ou encore le besoin en trésorerie de la holding de reprise, sont autant d’éléments qui doivent être appréhendés en amont afin de décider de la nature juridique et de la quotité des titres qui seront donnés.
En outre, selon l’âge et la situation familiale du donateur, la transmission offre l’occasion de s’interroger sur l’opportunité de modifier son régime matrimonial. À titre d’exemple, l’adjonction d’une société d’acquêts à un régime séparatiste permet en priorité d’assurer la protection du conjoint survivant, mais également de doubler les abattements en ligne directe et le bénéfice des tranches basses du barème des droits de donation. »
Réalisation de l’apport à une holding de reprise
L’enfant repreneur apporte les titres reçus dans le cadre de la donation-partage, à condition pour la Holding de reprise de prendre à sa charge les soultes dues.
L’application du dispositif « Dutreil » à la transmission préalable suppose la souscription par les donataires d’engagements de conservation des titres de l’entreprise familiale reçus.
La loi prévoit toutefois une exception en cas d’apport des titres à une holding.
Cette opération est soumise à différentes contraintes, dont la répartition du capital de la holding de reprise : celle-ci doit être détenue, à concurrence de 75 % au moins du capital et des droits de vote, par les personnes soumises aux engagements de conservation de l’entreprise familiale, et ce jusqu’à leur expiration.
Il en résulte que :
– Des tiers peuvent souscrire, le cas échéant, au capital de la Holding jusqu’à 25 % ;
– D’autres membres de la famille peuvent réaliser des apports de titres au bénéfice de la Holding du repreneur (pourvu qu’ils soient également contraints à des engagements de conservation).
Il est fréquent que les donateurs apportent également à la holding de reprise l’usufruit ou la pleine propriété de titres qui n’ont pas été transmis, afin de permettre une relution maximale au capital de l’entreprise familiale.
Notre retour d’expérience :
« Les modalités choisies pour la transmission réalisée en amont (donation démembrée ou en pleine propriété), le calibrage des remontées de dividendes nécessaires au remboursement de la dette de soultes, ainsi que les contraintes de détention du capital de la holding de reprise liées au maintien de l’exonération partielle sont autant d’éléments complexes et imbriqués qui requièrent un calcul extrêmement précis du quantum de l’apport. »
Les donateurs peuvent souhaiter retirer des liquidités à l’occasion de la transmission de leur entreprise familiale, notamment afin de compenser la baisse future de leurs dividendes.
La transmission peut s’opérer pour partie à titre gratuit et pour l’autre à titre onéreux : la holding de reprise rachetant purement et simplement une partie des titres aux donateurs (l’impôt sur la plus-value réalisée étant alors exigible).
La transmission totale du capital de l’entreprise familiale peut également être échelonnée dans le temps, en fonction des capacités de remboursement de la holding de reprise. Il peut alors être opportun pour les futurs cédants de loger les titres conservés dans une société ad hoc, et de bénéficier du report d’imposition sur la plus-value d’apport (sous les contraintes inhérentes à ce mécanisme).
Toutes les combinaisons sont possibles.
Notre retour d’expérience :
« Quel que soit le schéma de transmission, et même si celle-ci intervient au sein de la famille, il est nécessaire de prévoir des pactes d’associés, tant au niveau de l’entreprise transmise qu’au niveau de la holding de reprise, et d’anticiper la future gouvernance du groupe afin de sécuriser le donateur, le temps nécessaire, quant aux pouvoirs du repreneur sur certaines décisions stratégiques.
Si le transfert de propriété des titres peut être réalisé en un délai assez court, la transmission du contrôle d’une entreprise familiale à la génération suivante requiert un processus de maturation beaucoup plus long. »