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Loi de finances 2024 : quelles mesures pour les particuliers et les entreprises ?

La chronique du Barreau de Bordeaux - La nouvelle loi de finances comporte 120 dispositions de nature fiscale. Tour d'horizon des mesures les plus importantes, de la transposition de la directive GloBE au champ d'application du Pacte Dutreil.

Me Cindy FILFILI, avocat droit des aff aires et droit fi scal, Barreau de Bordeaux © Louis Piquemil - ECHOS JUDICIAIRES GIRONDINS

La loi de finances pour 2024, promulguée le 29 décembre dernier, entre en vigueur à compter de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2023 et de l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos après le 31 décembre 2023. Les autres dispositions fiscales (droits d’enregistrement, TVA, etc.), exception faite de celles pour lesquelles une date d’application différente est expressément prévue, entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

Cette nouvelle loi de finances est très dense et comporte plus de 120 dispositions de nature fiscale. Ne pouvant prétendre à l’exhaustivité, nous faisons ici le point sur les mesures fiscales les plus importantes, en distinguant celles qui vont intéresser particulièrement les entreprises, de celles qui s’adressent d’abord aux particuliers.

Mesures destinées aux entreprises et aux professionnels indépendants

On retiendra d’abord, la transposition de la directive GloBE. Ainsi, à compter de 2024, les groupes français réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros pourront avoir à régler un complément d’impôt en France au titre des bénéfices réalisés dans des juridictions dans lesquelles elles subissent une imposition effective inférieure à 15 % de leurs bénéfices.

Le régime d’imposition des dividendes versés par des sociétés résidentes d’un État membre de l’Union européenne à une société mère établie en France est aussi élargi.

  • Extension du statut de jeune entreprise innovante et suppression de l’exonération d’impôt sur les sociétés

Le dispositif applicable aux jeunes entreprises innovantes (JEI) est étendu à une nouvelle catégorie d’entreprise appelée « jeune entreprise d’innovation et de croissance » (JEIC). Ainsi, sous réserve de respecter les autres critères déjà applicables aux JEI, les entreprises qui affectent entre 5 % et 15 % de leurs charges totales en dépenses de recherche et développement, pourront bénéficier des avantages prévus par le dispositif des JEI.

Elles devront en outre satisfaire à des indicateurs de performance économique dont les modalités seront précisées ultérieurement par décret.

Mais cette extension du dispositif s’accompagne d’une suppression, pour les entreprises constituées à compter du 1er janvier 2024, de l’exonération d’impôt sur les bénéfices qui était jusqu’ici applicable aux JEI.

En revanche, les exonérations en matière d’impôts locaux continuent de s’appliquer dans les mêmes conditions.

  • Suramortissement des véhicules et engins peu polluants

Pour la période comprise entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2030, le dispositif de suramortissement en faveur des poids lourds et véhicules utilitaires légers peu polluants est étendu aux opérations dites de « rétrofit » (opérations qui consistent à retirer le moteur thermique ainsi que le réservoir du véhicule et à les remplacer par un moteur électrique et une batterie).

L’entreprise bénéficie alors d’une déduction exceptionnelle représentant un pourcentage des coûts de rétrofit électrique, défini comme suit :

– 20 % pour les véhicules d’un Poids Total Autorisé en Charges (PTAC) compris entre 2,6 et 3,5 tonnes ;

– 60 % pour les véhicules d’un PTAC compris entre 3,5 et 16 tonnes ;

– 40 % pour les véhicules d’un PTAC supérieur à 16 tonnes.

Ce dispositif bénéficie également aux entreprises :

– qui procèdent, entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2030, à la première acquisition des mêmes véhicules s’ils ont fait l’objet d’un rétrofit électrique en vue de leur revente ;

– locataires des mêmes véhicules s’ils sont pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat par contrat conclu entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2030.

  • Cessions de locaux professionnels destinés à être transformés en logements

Le dispositif actuel qui prévoit l’application d’un taux d’impôt sur les sociétés réduit à 19 % en cas de plus-values de cession de locaux professionnels et de terrains à bâtir situés dans les zones les plus tendues en vue de la réalisation de logements, est prorogé jusqu’au 31 décembre 2026.

Pour les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2024, ce dispositif est par ailleurs assoupli sur les points suivants :

– les cessions de locaux mixtes sont désormais éligibles au taux réduit d’imposition à condition que le cessionnaire s’engage à réaliser un local d’habitation dont la surface habitable représente au moins 75 % de la surface totale des constructions. En pareil cas, le taux réduit d’impôt sur les sociétés est applicable au prorata de la surface d’habitation uniquement à l’exclusion de la surface affectée à une activité professionnelle ;

– le délai de production des logements est allongé de 4 à 6 années pour les opérations d’aménagement supérieures à 20 000 m2 d’emprise au sol.

  • Détermination du périmètre de groupe intégré en cas d’actionnariat salarié

Pour l’application du régime d’intégration fiscale, il est désormais possible de calculer le taux de détention du capital d’une filiale en faisant abstraction, dans la limite de 10 % du capital, des titres émis ou attribués aux salariés par stock-options, attributions gratuites d’actions, ou augmentation de capital réservée aux adhérents d’un plan d’épargne entreprise.

Il s’agit ici de favoriser l’actionnariat salarié en permettant aux sociétés qui émettent des titres en faveur de leurs salariés, de continuer à se placer sous le régime de l’intégration fiscale, lequel requiert, pour la société tête de groupe, une détention minimale de 95 % du capital et des droits de vote des filiales.

  • Bénéfices agricoles : revalorisations exceptionnelles en termes de plus-values et d’application du régime dit du micro-BA

Le seuil du régime micro-BA est revalorisé pour être porté à 120 000 euros pour les revenus perçus en 2024 et 2025.

Par ailleurs, les limites des recettes permettant de bénéficier d’une exonération totale ou partielle des plus-values professionnelles agricoles réalisées sur leurs cessions d’actifs, applicables aux entreprises individuelles sont portées à :

– 350 000 € de recettes pour une exonération totale,

– 450 000 € de recettes pour une exonération partielle (le ratio de plus-value exonérée se détermine en appliquant la formule : (450 000 euros – recettes annuelles) / 100 000 euros).

  • Précisions concernant le champ d’application du Pacte Dutreil

S’agissant de l’application du dispositif dit « Dutreil-Transmission », l’article 23 de la loi de finances :

– Définit la notion d’activités commerciales éligibles par référence aux articles 34 et 35 du CGI tout en excluant expressément les activités de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier.

Cette précision vient contrer la jurisprudence récente du Conseil d’État (29 sept 2023, n° 473972) et de la Cour de cassation (Cass. Com, 1er juin 2023 n° 22-15-152) qui avait jugé que les activités de location meublée ou de locaux munis du matériel nécessaire à leur exploitation n’étaient pas exclues par principe du dispositif.

– Confirme l’applicabilité du régime aux holdings animatrices de leur groupe qui sont désormais définies comme étant les sociétés ayant « pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de [leur] groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement ».

  • Rehaussement de l’abattement de droits de mutation applicables aux transmissions d’entreprises

La loi de finances porte à 500 000 euros, l’abattement applicable aux droits d’enregistrement qui sont dus lors de cessions ou donations aux salariés de fonds artisanaux, commerciaux, agricoles, de clientèle d’une entreprise individuelle ou encore de parts ou actions de sociétés.

Le même abattement est applicable en cas de rachat par des proches du cédant, sous réserve du respect de plusieurs conditions tenant tant à l’activité de l’entreprise qu’à l’acquéreur (salarié titulaire d’un contrat de travail depuis au moins 2 ans, ou conjoint, partenaire de PACS, ascendants, descendants en ligne directe, frères ou sœurs).

Mesures destinées aux particuliers

Comme chaque année, la loi de finances indexe les tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation (soit l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac). Il en ressort une revalorisation globale du barème de l’impôt sur le revenu et des seuils correspondants de 4,8 %.

Bénéficient également de cette indexation : l’abattement en faveur des personnes âgées ou invalides, l’abattement de 10 % sur les pensions, le montant de la déduction forfaitaire pour frais professionnels, ou encore le plafonnement des effets du quotient familial qui passe à 1 759,00 euros pour chaque demi-part additionnelle.

Les limites des tranches des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source (PAS) sont revalorisées dans les mêmes proportions. Ainsi, lorsque la base mensuelle de prélèvement est inférieure à 1 591 euros, aucun PAS n’est effectué, le taux du PAS pouvant atteindre 43 % lorsque la base mensuelle de prélèvement est supérieure à 54 088 euros.

On notera enfin que, sauf option contraire, chaque membre d’un couple soumis à imposition commune bénéficiera d’un taux individualisé de PAS.

  • Prorogations de dispositifs de faveur et réductions d’impôt

Sont prorogés jusqu’au 31 décembre 2026 :

– la réduction d’impôt pour souscription au capital de SOFICA (réduction de 48 % plafonnée à 18 000 €),

– le crédit d’impôt pour dépenses de travaux de protection contre les risques technologiques,

– le plafond majoré pour les dons ouvrant droit à la réduction d’impôt « Coluche » (plafond majoré à 1 000 €).

La réduction d’impôt Malraux est prorogée jusqu’au 31 décembre 2024.

Les dons aux organismes concourant à l’égalité entre les femmes et les hommes bénéficient d’une réduction d’impôt au taux de 66 %.

  • Prorogation des exonérations de revenus de LMNP d’une partie de l’habitation principale

L’article 38 de la loi de finances proroge, pour les sommes perçues jusqu’au 31 décembre 2026, l’exonération d’impôt sur le revenu des sommes provenant de la location ou de la sous-location d’une pièce de l’habitation principale, à titre de résidence principale du locataire ou du sous-locataire, sous condition de loyer raisonnable.

Est également prorogée pour 3 ans, l’exonération d’impôt sur le revenu applicable aux produits issus de la location habituelle d’une ou plusieurs pièces de l’habitation principale à des personnes qui n’y élisent pas domicile, dès lors que les recettes sont inférieures à 760 € par an.

Les locations en meublé

Alors que la loi de finances pour 2024 semblait avoir épargné les loueurs en meublé, la proposition de loi n°231 visant à « Remédier aux déséquilibres du marché locatif », a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 29 janvier 2024.

Cette proposition de loi prévoit notamment, pour le calcul des plus-values de cession de biens immobiliers, la réintégration des amortissements déduits depuis l’acquisition des locaux. Concrètement, il serait ici mis fin à une niche fiscale bien connue des loueurs en meublé non professionnels, grâce à laquelle les loyers, du fait de la déduction d’un amortissement sur le bien, étaient très peu taxés pendant la mise en location du bien. À la revente, le régime de calcul de la plus-value était là encore favorable au cédant, dans la mesure où les amortissements déduits n’étaient pas repris dans la détermination de la valeur d’acquisition du bien.

Si cette proposition de loi n’a pas encore été définitivement adoptée, elle est actuellement en discussion au Sénat, et méritera d’être suivie attentivement.

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