Elle a fait parler d’elle à plusieurs reprises durant l’été. Lorsque l’une de ses pièces a été portée sur le tapis rouge à Cannes. Puis lorsqu’elle s’est fait dérober une valise pleine de créations dans un TGV Bordeaux-Paris. Vanessa Lauriola, l’une des dernières corsetières de France, est artisane d’art depuis une quinzaine d’années à La Sauve, près de Créon, où elle a installé son atelier de confection. « En parallèle de mes études d’histoire de l’art, centrées sur l’évolution de la place de la femme dans la société au travers de l’évolution de son vestiaire, j’ai souhaité me former à l’art de la corseterie », retrace-t-elle.
Les corsets sont des pièces très techniques, c’est ce qui a suscité mon intérêt
Après avoir fait venir des patronages d’Angleterre et des États-Unis, où ont été développées les techniques de confection, pour les étudier, Vanessa Lauriola passe un CAP de couture floue et poursuit son apprentissage en développant ses propres modèles. Composés de différentes matières, avec jusqu’à trois épaisseurs de tissus, des baleines en métal souples, des œillets pour le laçage à l’arrière et le lacet, « les corsets sont des pièces très techniques, c’est ce qui a suscité mon intérêt », confie-t-elle.

Les corsets sont des pièces complexes avec plusieurs épaisseurs de tissu, des baleines en métal souples, des œillets pour le laçage à l’arrière et un lacet. © Louis Piquemil / Échos Judiciaires Girondins
Un allié visible et confortable
Mais à l’opposé du corset traditionnel, rigide et contraignant, sous-vêtement conçu pour maintenir la poitrine et aplatir le ventre, « mon idée était de créer une marque faisant du corset un allié visible et confortable de la femme moderne, qui l’accompagne dans tous ses instants », décrit Vanessa Lauriola. Elle développe ainsi un corset « working girl », à porter au quotidien, sur un jean par exemple. « Il m’a fallu de nombreuses années de prototypage, de recherche et d’ingénierie pour penser ces pièces confortables, sur lesquelles j’ai travaillé avec mes clientes », dévoile la créatrice.
Elle réalise entre 20 et 30 pièces chaque année pour la marque Mary-Antoinette
C’est ainsi qu’est née la marque Mary-Antoinette Corset, sous laquelle elle propose des corsets du quotidien et des robes de soirées inspirées de la haute couture. « Le corset est assez à la mode en ce moment, c’est une pièce qui plaît », affirme la corsetière. Elle réalise entre 20 et 30 pièces chaque année pour la marque Mary-Antoinette, consacrant une vingtaine d’heures de travail pour un corset working girl et jusqu’à une cinquantaine d’heures pour un corset éventail de soirée.

L’idée de Vanessa Lauriola avec sa marque Mary-Antoinette : faire du corset une pièce visible et confortable du vestiaire féminin. © Mary Antoinette
Arts scéniques
« Je porte également deux autres marques : Vanessa Lauriola Créatrice, pour laquelle je réalise entre 12 et 15 robes de mariée sur mesure haut de gamme chaque année. Mais le marché est très au ralenti en 2025 », constate la créatrice.
« Et Marquyse, ma marque de tenues de scène dédiée aux artistes de l’univers du cabaret, du burlesque, de l’effeuillage et du pole dance », continue-t-elle. Sur ce marché de niche très à part, où il faut être intronisé, elle crée pour les artistes des pièces complexes, aussi esthétiques que techniques, qui doivent pouvoir s’adapter aux mouvements et chorégraphies, et convoquent différentes techniques de confection en fonction des différents arts scéniques. « Je crée chaque année une quinzaine de pièces pour Marquyse, qui nécessitent beaucoup de temps de réflexion, d’expertise et d’échanges avec les artistes », assure Vanessa Lauriola.

Vanessa Lauriola conçoit, dessine et réalise tous ses corsets à la main dans son atelier de La Sauve. © Louis Piquemil / Échos Judiciaires Girondins
Tapis rouge
C’est la marque Mary-Antoinette Corset qui a attiré l’œil de Vanessa Feuillatte, première danseuse du ballet de l’opéra de Bordeaux, à la tête d’une école de danse à Bordeaux et au Bouscat, pour qui Vanessa Lauriola a créé une robe unique, qui a nécessité près d’un an de travail. Confectionnée dans un tissu exceptionnel, en pure soie issue de chutes de la maison de haute couture Jean-Paul Gaultier, cette création a été portée par Vanessa Feuillatte sur le tapis rouge du festival de Cannes 2025.
« Cela m’a apporté beaucoup de visibilité, de notoriété et une certaine reconnaissance de la marque Mary-Antoinette. Des influenceuses m’ont notamment contactée pour que je leur crée des modèles spécifiques », se réjouit la corsetière, qui s’y attelle depuis ce mois de septembre.

Vanessa Lauriola a dessiné puis travaillé durant près d’un an sur la robe de Vanessa Feuillatte, confectionnée dans un tissu exceptionnel. © Louis Piquemil / Échos Judiciaires Girondins

La danseuse bordelaise Vanessa Feuillatte a porté une robe réalisée par Vanessa Lauriola à Cannes. © Mary Antoinette
Nouvelles matières
Entièrement conçus et réalisés à la main, dans son atelier de La Sauve, les corsets de Vanessa Lauriola sont de surcroît confectionnés dans des matières « sourcées en Europe, traçables et labellisées », affirme la créatrice. « J’utilise encore des tissus comme la soie, mais je teste également beaucoup de nouvelles matières, comme le cuir de raisin, qui nécessite un long et complexe travail d’assouplissement, les soies végétales (en bambou, par exemple) ou le cupro (à partir de cellulose de bois) », détaille la corsetière.
« Travailler sur ces alternatives végétales me demande énormément de temps, et les coûts de production sont très importants lorsqu’on est à l’échelle artisanale, mais cela me tient à cœur », assure Vanessa Lauriola. Cela répond également à une demande des artistes pour lesquelles elle crée des tenues de scène, dont beaucoup sont engagés, pour la cause animale notamment.

Vanessa Lauriola a créé trois marques : Mary-Antoinette Corsets, Vanessa Lauriola Créatrice pour les robes de mariée, et Marquyse pour les tenues de scène. © Louis Piquemil / Échos Judiciaires Girondins
Marché punitif
C’est d’ailleurs en se rendant à Paris pour exposer des pièces burlesques que la créatrice s’est fait voler une valise avec une quarantaine de créations. Si le préjudice a été estimé à environ 40 000 euros, « on m’a surtout volé une partie de ma carrière. Un travail inestimable en termes de temps passé et de prototypage », regrette Vanessa Lauriola.
La corsetière, qui devra reconstruire une partie des pièces disparues, est bien décidée à regarder vers l’avant. « Je vais continuer d’avancer, de m’adapter au marché, qui est très imprévisible et punitif ces dernières années. La diversification avec mes trois marques m’a permis d’atteindre un chiffre d’affaires d’environ 90 000 euros en 2024 », expose la créatrice. Portée par les corsets working girl de la marque Mary-Antoinette, elle affiche un chiffre d’affaires prévisionnel de 120 000 euros en 2025. Son objectif de « rendre le corset moderne » semble ainsi atteint.