La sortie de la crise de la Covid-19 va générer, de l’avis général, une recrudescence des faillites d’entreprises. Il faut toutefois se garder de toute certitude en la matière car l’année dernière déjà à la même époque, les spécialistes des entreprises en difficultés anticipaient l’arrivée d’une « vague » de défaillances. Non seulement cette vague n’est jamais arrivée, mais nous avons au contraire assisté à une chute vertigineuse du nombre de défaillances en 2020. Prêts PGE, aides en tout genre, chômage partiel… L’État n’a jamais été aussi généreux avec les entreprises, et l’ampleur de ces aides a permis dans de nombreuses situations de masquer des problèmes de rentabilité et de retarder la crise de trésorerie. Les prêts PGE étant pour la plupart désormais consommés, la fin des aides exceptionnelles va pousser certains chefs d’entreprises à devoir franchir le seuil des tribunaux de commerce. Le dossier que nous avons décidé de mettre en lumière aujourd’hui a pour objectif de sensibiliser et de dédramatiser des situations difficiles pour les chefs d’entreprise, qui se trouvent souvent désemparés face à une situation financière critique. Nous avons tous les deux souhaité partager l’idée qu’il faut toujours garder l’espoir d’un rétablissement et d’un nouveau départ.
Il y a une grande méconnaissance des procédures et de ce qu’elles impliquent pour l’entreprise et le dirigeant
Comment tout a commencé ?
Yann Pinoges : « Lorsque nous avons pris contact avec Patrick en 2016, notre société connaissait un fort développement. Nous étions passés du statut de start-up à celui d’entreprise en pleine croissance en peu de temps. Nous étions devenus le 3e groupe français dans notre secteur d’activités. Cependant nous n’avions pas l’ensemble des compétences nécessaires à la bonne gestion d’une forte croissance, ce qui nous a rapidement conduit à avoir quelques difficultés de trésorerie.
Patrick Espaignet : « J’ai rencontré Yann et son associé David en juin 2016. Je leur avais été recommandé par un ami. Ils sont venus me voir au cabinet avec leur directeur financier pour une première rencontre pour « voir ce que je pouvais leur proposer ». Le constat était assez simple : une entreprise en forte croissance, la création (sans doute trop rapide) d’une quinzaine d’établissements dans toute la France, des salariés sans encadrement véritable et des frais de gestion en forte hausse. Situation classique d’un développement non maîtrisé qui échappe à tout contrôle.
J’ai tout de suite exposé à Yann et à son associé la solution d’une procédure collective, et plus particulièrement celle d’une procédure de redressement judiciaire. Je n’ai rien caché des difficultés qui les attendaient, du séisme qu’allait provoquer ce genre de procédure dans leur vie personnelle, ainsi que les solutions de sortie qui pouvaient être envisagées. Je leur ai demandé de réfléchir quelques jours à ce qu’ils voulaient vraiment, et leur ai dit que s’ils revenaient me voir, il faudrait qu’ils me fassent confiance car le « bateau allait fortement tanguer » au cours des semaines suivantes. »

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Quel est le PREMIER conseil que vous ayez reçu / donné ce jour-là ?
Y. P. : « Que nous allions ramener à la concession automobile les deux voitures de luxe avec lesquelles nous étions arrivés. Au-delà de cette anecdote qui peut paraître amusante, elle incarne bien le décalage dans lequel nous étions à ce moment-là entre l’euphorie des années fastes et une réalité qui venait de nous rattraper… »
P. E. : « Oui, et cela démontre aussi la précarité des situations financières. Je reste toujours frappé par la vitesse avec laquelle les choses peuvent basculer. Lorsque les affaires marchent bien, on peut rapidement se sentir intouchable, et cette anecdote est finalement assez révélatrice de l’état d’esprit de ces jeunes dirigeants.
Il faut croire que le conseil était pertinent puisqu’ils sont revenus me voir dès la semaine suivante, en me confirmant qu’ils étaient prêts à me faire confiance pour s’en sortir, et qu’ils feraient tout ce qui serait nécessaire pour traverser la tempête. C’est à partir de ce moment-là que nous avons commencé à travailler ensemble pour préparer l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. »
Avant de rentrer concrètement dans la procédure, quelle image vous en faisiez-vous ?
Y. P. : « Je dirai que lorsqu’on…