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Bio en Nouvelle-Aquitaine : stop ou encore ?

Alors que l’augmentation des coûts de l’énergie impacte le pouvoir d’achat des ménages français, la consommation des produits bios s’effrite. Tendance de fond ou simple écueil passager ? Réponse avec les professionnels du secteur.

maraîcher, bio, Gironde

© D. R.

C’est un petit refrain que l’on entend depuis la publication des chiffres de la consommation 2021 : après des années de croissance ininterrompue, le marché des produits bios s’est infléchi pour la première fois. Un constat qui agace, notamment chez les producteurs bios, qui voient bien que ce résultat en demi-teinte fait plaisir aux adversaires du bio. Pourtant, ces chiffres, analysés attentivement, sont plus nuancés.

PLUS DE 3 % DE BAISSE EN GRANDES SURFACES

En effet, si la consommation a bien baissé de plus de 3 % dans les grandes surfaces, cette diminution dépasse à peine les 1 % si l’on prend en considération l’ensemble des circuits de distribution, à savoir : les petites surfaces, notamment spécialisées, la vente directe et la restauration collective (toujours en progression).

Une situation qui interpelle Irène Carrasco, présidente du groupement des producteurs bios du Lot-et-Garonne, Agrobio 47, et présidente déléguée de la fédération régionale de l’agriculture biologique : « ça arrange bien certains de dire qu’on est en crise mais la crise est pour tout le monde, dans tous les domaines, la baisse du pouvoir d’achat est générale et ne touche pas que le bio. La consommation alimentaire baisse pour le bio comme pour le conventionnel. Sur le terrain, on n’observe pas de déconversion des producteurs bios et de retour au conventionnel. Il y aura peut-être moins de conversion temporairement mais les installations se poursuivent en bio. Le développement de l’agriculture bio n’est pas linéaire mais il se poursuit ».

Sur le terrain, on n’observe pas de déconversion des producteurs bio, les installations en bio se poursuivent

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10 ANS DE CROISSANCE À 2 CHIFFRES

Un constat partagé par Philippe Leymat, le nouveau président de l’interprofession bio de Nouvelle-Aquitaine, Interbio : « L’agriculture biologique a connu 10 ans de croissance à 2 chiffres que ce soit pour l’installation des jeunes paysans comme pour la consommation. Aujourd’hui l’installation perdure et la consommation a connu un léger ralentissement avec 1,4 % de baisse. Il y a plusieurs explications à cela : la question du pouvoir d’achat et du coût de l’énergie qui touche l’ensemble des Français et qui nous concerne tous, mais aussi la perte de confiance des consommateurs dans le label AB avec des labels concurrents et moins exigeants.

Il y a aussi la concurrence du localisme car les gens sont moins attachés au bio si c’est local. Dans le Sud-Ouest, c’est vrai qu’il y a beaucoup d’exploitations extensives. Il y a des endroits en France, comme en Bretagne, où la différence entre bio et conventionnel est plus importante. ».

Il y a aussi la concurrence du localisme car les gens sont moins attachés au bio si c’est local

LA GUERRE DES LABELS ENTRE HVE ET ZRR

C’est ici que la communication joue un rôle essentiel entre agriculture biologique et conventionnelle. L’apparition de nouvelles certifications comme Haute Valeur Environnementale (HVE) ou Zéro Résidu de Pesticide (ZRR) joue aussi un rôle important dans l’évolution du marché : « HVE et Zéro Résidu de Pesticide n’ont pas du tout les mêmes critères que le bio mais sèment le trouble chez les consommateurs. Pourtant, en matière environnementale, rien n’équivaut au bio, ces labels sont moins vertueux mais ce sont des opérations marketing. Peut-être faudrait-il faire évoluer le cahier des charges sur le label bio ? La difficulté aujourd’hui, c’est le paradoxe entre la demande sociétale vers davantage de bio et des consommateurs qui ont du mal à poursuivre cette démarche lorsqu’ils poussent leurs caddies », regrette Philippe Leymat.

L’AGRICULTURE BIO TOUJOURS EN VOGUE

Si la consommation s’est légèrement infléchie, les installations en agriculture biologique ont toujours le vent en poupe, rappelle Irène Carrasco : « 40 % des installations agricoles se font en bio. La nouvelle génération change de pratique et va vers le bio. Il y a aussi des néo-ruraux qui ne viennent pas de l’agriculture, qui changent de métier par philosophie, et qu’il faut accompagner. En Lot-et-Garonne, 15 % de la surface agricole utile est en bio pour 1 100 fermes. Le 1er marché bio de France a été créé à Villeneuve-sur-Lot il y a 47 ans et il se maintient aujourd’hui ».

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CHANGEMENTS DE COMPORTEMENTS ?

Marielle Breuil, maraîchère bio depuis 7 ans à Bazens, est un exemple typique de ces néo-ruraux, souvent diplômés en dehors du milieu agricole, qui ont voulu changer de vie et s’installer dans une ferme biologique par conviction. Avec la crise sanitaire, elle a vu les comportements changer, seulement temporairement : « Comme beaucoup de producteurs, j’ai constaté au moment du premier confinement un engouement pour la vente directe qui est vite retombé ensuite. Le changement de consommation ne s’est pas poursuivi dans la durée, contrairement à ce que tout le monde nous disait… ».

LA PAC : ULTIME RECOURS

Au-delà du comportement des consommateurs qui sont les premiers acteurs de leur alimentation, tous les producteurs regardent vers l’Union européenne et sa fameuse Politique Agricole Commune (PAC). Et ils sont unanimes : « Il y a un manque de soutien évident de la PAC envers l’Agriculture Biologique. On a gagné in extremis que les aides PAC pour le bio soient supérieures à celles de Haute Valeur Environnementale. La copie a été revue avec le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. Le gouvernement cherche aussi des solutions pour que les producteurs conventionnels améliorent leurs pratiques. Pourtant, il y a eu 2 plans Ecophyto avec des millions d’euros investis pour diminuer les engrais chimiques et les intrants de synthèse, sans résultat », conclut amèrement Irène Carrasco.

ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE

Philosophe, Philippe Leymat abonde : « Je ne veux pas opposer les agriculteurs : l’agriculteur produit ce qui lui est demandé pour avoir un revenu. Évidemment, il faut faire évoluer la PAC et changer un modèle qui existe depuis des décennies. La production bio n’a pas que des enjeux alimentaires mais aussi de santé publique et pour les territoires, notamment ruraux. En plus, aujourd’hui c’est facile de passer en bio car on sait comment ça marche agronomiquement. Nous bénéficions de 30 ans d’expérience des pionniers ».

« L’APPEL DE BORDEAUX »

En juin dernier, à l’occasion du Congrès européen de l’agriculture biologique à Bordeaux, l’ensemble des acteurs de la filière a cosigné « L’appel de Bordeaux » pour demander au gouvernement un nouveau plan de développement de l’agriculture et de l’alimentation biologique en rappelant que cet enjeu, loin d’être une question strictement agricole, concerne tous les citoyens.

 

LE BIO JUSQUE DANS LES PRODUITS D’ENTRETIEN

La tendance de la consommation biologique ne touche pas que l’alimentation. Ainsi, les produits de ménage et d’entretien de la maison sont aussi concernés et ont également leur label (Ecocert). C’est avec cette certification que le groupe Pronadis vient de lancer sa marque de produits d’entretien : Hope.

De la cuisine jusqu’à la salle de bain, en passant par le linge et les sols, Hope développe une gamme complète de produits naturels certifiés. Un lancement ambitieux pour la société girondine Pronadis, dont le siège se situe à Vayres.

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INTERBIO EN BREF

Interbio est l’association qui rassemble l’interprofession bio en Nouvelle-Aquitaine.

Elle réunit tous les acteurs de la filière de l’amont à l’aval : producteur, transformateur, vendeur.

300 adhérents 

2 milliards d’euros de CA 5 collèges

80 % du CA du bio dans la grande région

1re structure bio de Nouvelle-Aquitaine.

L’AGRICULTURE BIO EN NOUVELLE-AQUITAINE

360 000 hectares soit 9,2 % de la surface agricole régionale

+ 10 % de surface cultivée en bio et

+ 10 % de fermes certifiées en bio en 2021

+ 12 % d’entreprises de transformation engagées en bio soit 3 265 opérateurs dans la filière

2e région bio de France

La Gironde est le 1er département bio de la région avec 18,5 % de surface en agriculture biologique