« Tous les clignotants sont au vert », se félicite Pier Vincenzo Piazza, fondateur de la société de biotechnologies bordelaise Aelis Farma, commentant les résultats de son étude clinique de phase I/II pour son candidat-médicament ciblant les troubles cognitifs liés à la trisomie 21 (ou syndrome de Down).
La voix est teintée de fierté. Le chercheur, fondateur et directeur du Neurocentre Magendie de 2007 à 2017, décortique depuis 1989 les mécanismes et le fonctionnement de récepteurs cannabinoïdes de type 1 (CB1) – protéine présente dans le système nerveux central, notamment le cerveau et la moelle épinière. Et il planche depuis 20 ans sur cette technologie d’inhibition sélective de la signalisation de CB1 autour de laquelle a été fondée la société Aelis Farma en 2014.
Le pipeline de la biotech bordelaise contient déjà deux candidats-médicaments, l’un indiqué pour réduire les troubles liés à l’addiction au cannabis, l’autre lié aux déficits cognitifs, notamment pour les personnes porteuses de trisomie 21.
Le pipeline de la biotech bordelaise contient déjà deux candidats-médicaments
Signes concordants d’efficacité
Pour ce dernier, Aelis Farma vient de publier les résultats de son étude clinique intégrant 29 adultes porteurs du syndrome de Down, réalisée pendant quatre semaines dans deux cliniques espagnoles. « D’une part, le profil de sécurité est très favorable, insiste Pier Vincenzo Piazza. D’autre part, AEF0217 a montré des signes clairs et concordants d’efficacité. »
AEF0217 a montré des signes clairs et concordants d’efficacité
Des avancées significatives notamment en matière d’amélioration de la capacité d’adaptation des patients, une « première » souligne le scientifique. La molécule d’Aelis Farma permettrait également de diminuer l’effort cérébral des porteurs du syndrome de Down (mesuré par encéphalogramme) lors d’une tâche de mémorisation, se rapprochant ainsi du niveau d’effort des personnes neurotypiques. « Ces résultats ont suscité beaucoup d’enthousiasme », commente le fondateur de la biotech.
Nouvel essai pour AEF0117
Et un signal positif envoyé au marché quelques semaines seulement après des résultats en demi-teinte à l’issue de l’étude clinique phase IIb pour son candidat médicament AEF0117, ciblant la dépendance au cannabis. Aelis Farma, listé sur Euronext depuis 2022, se veut rassurant : « Nous n’avons pas atteint le critère principal choisi pour cette étude. Nous sommes en train de faire des analyses complémentaires pour mieux cerner sur quelle population de patients le médicament sera le plus actif et quel critère de jugement utiliser. Sur la base de ces informations, nous allons refaire une étude de phase II », rassure Pier Vincenzo Piazza, précisant que ce revers impliquera un retard de deux ans sur une possible commercialisation d’AEF0117.
Essai clinique de grande envergure
Prochaine étape pour la biotech, une étude de phase II de grande envergure pour sa molécule ciblant les déficits cognitifs. Elle devrait débuter mi-2025 et intégrer environ 200 personnes trisomiques de 16 à 32 ans. Les résultats de cette nouvelle étape seront connus au second semestre 2026. Pour une commercialisation d’ici 5 ans, « sur la base des informations et des discussions que nous avons aujourd’hui avec les agences réglementaires ».
Des partenaires potentiels
Aelis Farma dispose des fonds nécessaires pour financer cette étude de grande envergure, de quoi tenir jusqu’à fin 2026. Pier Vincenzo Piazza de nuancer toutefois : « cela nous permettrait de développer notre technologie que dans l’indication de la trisomie 21 or nous pensons qu’il y a davantage d’options thérapeutiques. Nous essayerons donc de trouver un partenaire avec cette même vision stratégique : créer davantage de valeur et élargir les indications thérapeutiques ».
Nous pensons qu’il y a davantage d’options thérapeutiques
La biotech vise, en effet, d’autres maladies liées aux dysfonctionnements du récepteur CB1, notamment un nouveau composé pour traiter l’obésité, une aire thérapeutique pour laquelle l’attente du marché est importante, certaines maladies métaboliques, des fibroses etc. De quoi occuper la biotech pour les mois à venir, le temps de sélectionner les molécules qui lui sembleront les plus adaptées, et attiser la curiosité de partenaires industriels ou financiers.