« Nous avons l’impression que tout ce qui avait pu émerger l’année dernière, les questionnements sur le monde d’après, les prises de conscience apparues d’un coup avec la crise Covid, tout cela a été oublié. Le quotidien a repris le dessus, la rivière est retournée dans son lit d’origine », observe Emmanuelle Fourneyron, présidente du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) de Nouvelle-Aquitaine. Auteure d’un rapport au titre évocateur : « Covid-19 : l’urgence de transformer demain », la seconde assemblée régionale a ainsi décidé de restituer ses travaux lors d’un colloque prévu en mars 2022, afin « de réattirer la lumière » sur toutes ces questions. Métiers essentiels et non essentiels, réindustrialisation, vulnérabilités sociales, système de santé, modes de consommation, rapport au temps, au travail ou encore au savoir sont autant de sujets qui avaient émergé de ce rapport produit conjointement par l’ensemble des instances de travail du CESER de Nouvelle-Aquitaine, dont le champ de compétences recouvre celui du Conseil régional, à qui il délivre ses avis avant chaque délibération importante. Et qui peut également être saisi par le président de Région ou s’autosaisir pour effectuer des rapports au long cours sur des sujets de fond.
OBSERVER, ANALYSER, METTRE EN DÉBAT
C’est justement ce que le CESER NA a décidé de faire en s’autosaisissant sur plusieurs sujets en préparation pour l’année 2022 : les activités du soin et du lien social et leur revalorisation ; la pauvreté et la précarité en Nouvelle-Aquitaine ; les politiques énergétiques ; le futur de la jeunesse ; la question du travail et ses grandes transformations… Car c’est cela l’objet des travaux du CESER : observer, analyser et mettre en débat ces changements afin d’en tirer des préconisations pour les politiques publiques.
« Les enjeux de la période sont importants : il y a, sur le fond, tellement de transitions et de transformations à porter de manière proactive. Les pouvoirs publics et la société civile vont devoir se mobiliser ensemble », affirme Emmanuelle Fourneyron qui ajoute : « une partie de ces transitions impliquent le monde économique, parce qu’il en détient pour partie les clés. » Le CESER NA, qui a déjà bouclé une dizaine de rapports depuis le début de sa mandature en 2018, aimerait également traiter les questions démocratiques et de participation citoyenne ou encore de santé publique. « Nous souhaitons aussi apporter des éléments de fond sur la révision du schéma de développement économique, d’innovation et d’internalisation (SDREII) régional », précise la présidente, qui reconnaît néanmoins que ses 180 conseillères et conseillers « ne pourront pas tout faire »…
INFUSION
D’autant que le CESER a un autre chantier : celui de sa propre transformation, engagée depuis l’adoption d’un plan d’action en 2018.
Car si son rôle est de délivrer des conseils, ces derniers « n’ont pas forcément de traduction directe », admet Emmanuelle Fourneyron, qui estime que c’est la « récurrence des orientations données qui infuse progressivement ». Comme le fait de demander à la Région une feuille de route, « Neo Societas », « dans la même philosophie et avec le même volontarisme que Neo Terra sur la transition environnementale, mais sur les enjeux sociaux, sociétaux, d’égalité et de lutte contre les précarités et les discriminations ».
Une partie de ces transitions implique le monde économique car il en détient pour partie les clés
« NEO SOCIETAS »
Avec un certain succès, puisque le président du Conseil régional Alain Rousset a annoncé lors de ses vœux à la presse le 7 janvier son intention de « reprendre cette idée de la présidente du CESER avec l’intégration d’un volet social dans les politiques de transitions écologiques de Neo Terra 2 ». L’institution néo-aquitaine, en pleine phase de féminisation et de renouvellement de ses membres, cherche comment « être plus utile, plus écoutée et plus ouverte sur la société. Nous avons un gros travail pour contribuer plus en amont aux politiques publiques, et pour améliorer la diffusion et la mise en débat de nos messages », reconnaît Emmanuelle Fourneyron. Qui est persuadée, dans cette période, de la nécessité d’aller sur le débat de fond, et qui en est « absolument convaincue » : « nous sommes à l’aube d’un nouveau rôle pour les CESER ».
CESER : THERMOMÈTRE DE LA SOCIÉTÉ
Assemblée du temps long, en dehors du temps politique, le CESER « a la chance de pouvoir prendre entre un an et un an et demi pour réaliser chaque rapport », note sa présidente Emmanuelle Fourneyron. « On se donne le temps d’auditionner, de lire un certain nombre de productions. Nous pensons qu’il est nécessaire de visiter les sujets avec des lunettes nouvelles, en ayant conscience des transformations et des mutations en cours, en se nourrissant par exemple de travaux de chercheurs. Nous défendons ainsi la démarche de s’appuyer sur des grands comités scientifiques interdisciplinaires », assure-t-elle. Par nature empreint d’une certaine diversité parmi ses membres, « ce qui permet de débattre et de pouvoir croiser les regards sur les points de vue », le CESER NA est « un très bon thermomètre de la société et du débat public », estime Emmanuelle Fourneyron. La tradition du CESER étant d’arriver par consensus à élaborer un avis ou un rapport à une très large majorité, cela implique au préalable d’avoir dialogué. Mais attention, « il ne faut pas confondre l’exigence de consensus et le consensus exigeant », rappelle la présidente du CESER NA, citant Thierry Beaudet, président du CESE national. « C’est pourquoi, nous allons de plus en plus oser aller au bout de ce qui nous rassemble, mais également savoir pointer ce qui fait dissensus ».
EMMANUELLE FOURNEYRON : PARCOURS
« On n’arrive pas au CESER par hasard », affirme sa présidente Emmanuelle Fourneyron. Issue du collège 4 de personnalités qualifiées nommées en leur nom propre par la Préfecture de Région (sur candidature), Emmanuelle Fourneyron a travaillé durant une dizaine d’années en contrôle de gestion et marketing dans de grandes entreprises avant de se lancer à son compte en tant qu’évaluatrice de programmes de prévention et de politiques publiques de santé. Femme de conviction, engagée durant de nombreuses années dans le monde associatif, cette diplômée d’HEC possède également un master en politiques publiques de santé de Sciences Po. Engagée au CESER depuis 2018 « afin de porter mes engagements et mes convictions », confie-t-elle, Emmanuelle Fourneyron en a été élue présidente en février 2021.
CESER : MODE D’EMPLOI
RÔLE : Le Conseil économique, social et environnemental régional est la seconde assemblée régionale. Consultatif, il produit des travaux sur les politiques publiques régionales à destination du Conseil régional principalement.
COMPOSITION : Représentatif de la société civile organisée dans sa diversité, le CESER compte 4 collèges (acteurs économiques, syndicats de travailleurs salariés, monde associatif et personnes qualifiées) originaires des 12 départements du territoire.
MEMBRES : Composé de 180 membres choisis par les organisations, elles-mêmes désignées par la Préfecture de Région, le CESER de Nouvelle-Aquitaine est régi par un bureau de 32 membres paritaires élus pour une mandature de 5 ans, renouvelés à mi-mandat.
INSTANCE DE TRAVAIL : Le CESER NA compte 10 instances de travail : 5 commissions thématiques (éducation, emploi, formation ; aménagement du territoire et mobilité ; environnement ; économie ; vie sociale, culture et citoyenneté), 4 commissions transverses (finances ; évaluation des politiques publiques ; coopération ; communication) et une section de veille et prospective.
TRAVAUX : Le CESER produit des avis (sur les délibérations du Conseil régional), des travaux au long cours de saisine (par le président du Conseil régional) ou d’auto-saisine, des contributions (plus en amont des délibérations), et des expressions.
PARTICULARITÉS DU CESER NA : Outre son règlement intérieur, lui imposant la parité dans son bureau et le dotant de référents égalité et lutte contre les discriminations dans chacune de ses instances, le CESER NA a la particularité de coopérer avec les autres CESER de la façade Atlantique (Normandie, Bretagne, Pays de Loire) et avec ses homologues de la péninsule ibérique. Enfin, sa section Veille et prospective, où siègent des invités extérieurs, peut être saisie par la Préfecture de Région.