« Nous avons de beaux métiers qui ont de beaux jours devant eux », se rassure Gérard Gomez, président de la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) de Nouvelle-Aquitaine. Il présentait, fin janvier, les chiffres-clés de la profession pour 2025 et l’enquête de conjoncture sur l’artisanat néo-aquitain mené par la CMA.
Regrettant de ne plus avoir accès à des chiffres précis, depuis le 1er janvier 2023, avec la mise en place du guichet unique et la fin du répertoire national des métiers qu’elle gérait, la CMA établit le nombre d’entreprises artisanales à 155 449 en Nouvelle-Aquitaine au 31 décembre 2024. « Un chiffre que nous estimons bien en deçà de la réalité, mais dont on connaît la répartition : 38 % dans les services, 37 % dans le bâtiment, 15 % dans la production et 10 % dans l’alimentation », précise Gérard Gomez.
16 827 entreprises artisanales auraient été créées en 2024, principalement dans le secteur du nettoyage courant des bâtiments et sous forme de microentreprises (72 % des créations). « La dynamique reste importante, en phase avec le national, en hausse de 5,5 %, même si les créations connaissent une forte baisse depuis 2022 », remarque le président de la CMA NA.
Remontée inquiétante des défaillances
Selon les chiffres de l’Insee et de la Banque de France, repris par la CMA, « une remontée inquiétante des défaillances, à +18 % sur 2024 » est à noter. « Des chiffres noirs qui se rapprochent de 2009, lors de la crise financière », s’inquiète Gérard Gomez. Cette hausse s’explique notamment par « un rattrapage post-covid qui se poursuit, les aides ayant prolongé de façon artificielle certaines entreprises ».
Le nombre de défaillances se rapproche de 2009, lors de la crise financière
La bonne nouvelle se situe du côté de l’apprentissage, avec 12 688 apprenants dans les CFA, « un chiffre remarquablement stable ». Si le nombre de jeunes apprentis baisse de 3 % (principalement en raison de la baisse démographique), il est compensé par les adultes en reconversion. Ce sont les entreprises des métiers de l’alimentation qui sont les plus représentées en tant que formatrices (30 % des effectifs), suivie par la mécanique (21 %). « Il existe un dynamisme dans le secteur de la maintenance des véhicules, notamment », note ainsi Gérard Gomez.
« La CMA NA continue de proposer des formations qui s’adaptent aux besoins actuels de la société, sur les métiers, les types de diplômes, la pédagogie, les publics à former… », assure-t-il, cette dernière comptant 15 centres CMA Formation dans la région.
Perte de confiance
Pas de quoi pour autant rassurer les artisans, qui sont 50,6 % à ne pas avoir confiance en l’avenir, tous secteurs d’activité confondus, selon l’enquête de conjoncture menée par la CMA NA (1). « Nous avons besoin de stabilité politique dans notre pays pour leur redonner confiance », martèle Gérard Gomez.
Parmi les nombreux enjeux à relever, plus de 31 % des répondants déclarent faire face à des défis financiers majeurs, 40,6 % s’estimant même en situation financière critique, et 25 % signalent des difficultés liées à la clientèle. La baisse du pouvoir d’achat, la hausse du coût des matières premières et la baisse des carnets de commandes sont les 3 principales difficultés pour la majorité des artisans.
« Mon sentiment d’artisan sur ce point est que les consommateurs ont l’impression d’être dans une période inflationniste, et ils épargnent au lieu de consommer. Cet attentisme des ménages s’ajoute à celui des collectivités, bloquées par les incertitudes liées au budget de l’État », analyse Gérard Gomez. « Il est vraiment temps que nous retrouvions la stabilité politique qui nous permettra de nous projeter dans l’avenir », insiste-t-il.
Lueurs d’espoir
Regrettant également « l’impact dramatique » de la baisse des aides de l’État à l’apprentissage, qui pourrait pousser 79 % des artisans à ne plus y avoir recours, « alors qu’il faut considérer cette aide comme un investissement sur l’avenir des jeunes », estime Gérard Gomez, le président de la CMA NA conserve quelques « lueurs d’espoir ».
Tout d’abord sur le plan RH, 81 % des répondants prévoyant de maintenir leurs effectifs dans les 6 prochains mois. « Je suis fier de mes collègues, qui sont prêts à renoncer à de la marge pour conserver leurs équipes », salue-t-il. Mais aussi sur le plan de la formation, avec 46,7 % des répondants ayant des projets de formation pour 2025. Et enfin sur l’apprentissage : « pour 34 % des artisans, la première motivation à prendre un apprenti reste d’investir dans des recrutements à long terme, pour l’avenir », relève-t-il.
« Nous allons tout faire pour accompagner les entreprises artisanales dans cette période difficile. Nous sommes au soutien, mais nous devons faire ce travail en amont, avant qu’il ne soit trop tard, les artisans doivent venir nous voir suffisamment tôt », avertit Gérard Gomez.