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Covid-19 : reprise du travail et préconisations

J'reprendrais ben, mais j’peux point… La chansonnette est plus que jamais d’actualité : cas-contact, restrictions préfectorales, salariés à risque…, il n’est pas toujours aisé de reprendre le travail.

Applicables depuis le 1er septembre 2020, de nouvelles mesures sont destinées à favoriser la reprise de l’activité économique, tout en préservant la santé. Voici l’essentiel. Reprendre oui, mais en respectant les mesures préconisées par le protocole national sanitaire du 31 août 2020. C’est lui qui prévoit le port du masque obligatoire en espace partagés et clos, c’est lui qui fait du masque un EPI fourni par l’employeur (équipement de protection individuel), qui organise la distanciation physique (4 m2). Au nom du principe de protection de la santé et de la sécurité des salariés (article L. 4121-1 du Code du travail), l’employeur doit désormais :

  • mettre en place un plan d’action et un protocole sanitaire, négocié avec le CSE quand il existe ;
  • informer les salariés sur les mesures de protection à mettre en œuvre, par exemple par une note écrite avec preuve de sa réception par le salarié et affichée dans l’entreprise ;
  • compléter le règlement intérieur, prévoir les sanctions pour non-respect des mesures sanitaires :
  • modifier le document unique, obligatoire, d’évaluation des risques. 2 Ceci fait les salariés pourront fort difficilement exercer leur droit de retrait, du moins les salariés qui ne sont pas considérés comme « à risque ». Il convient parallèlement pour le chef d’entreprise d’informer et d’équiper toute personne sur site, en CDD ou en CDI, en intérim, prestataires, sous-traitants et visiteurs. Le protocole national sanitaire invite aussi l’employeur à favoriser le télétravail.

le salarié ne peut exiger le télétravail sauf s’il est à « risque » ou s’il remplit les conditions définies par un accord d’entreprise

Il peut être imposé au salarié, puisque l’article L. 1222-11 du Code du travail, modifié par une ordonnance prémonitoire du 22 septembre 2017, le permet en cas d’épidémie. Le salarié ne peut l’exiger, sauf s’il est « à risque » ou s’il remplit les conditions définies par un accord d’entreprise éventuel. En effet, le télétravail, qu’il soit sédentaire, alterné ou nomade nécessite un accord d’entreprise, ou une Charte établie par l’employeur. Ainsi, seront précisées : les conditions de passage au télétravail, les modalités d’acceptation, de contrôle du temps de travail, les plages horaires pendant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié, le paiement de la contrepartie de l’usage d’un lieu privé.

Dans tous les cas, un écrit est préconisé, quels que soient sa forme et son support car iI faut être clair sur les conditions et les outils informatiques utilisés, la protection des données, les assurances.

L’élargissement du télétravail, une révolution dans l’entreprise ?

Disons que l’on passe de l’exception à la généralité. Les entreprises doivent gagner en agilité, le management se doit de se réinventer. Un peu de présentiel, beaucoup de télétravail. Une présence sur site réservée aux points d’étapes et aux tâches qui le nécessitent, et du distanciel réservé à la production. Le législateur est, par ailleurs venu donner de la flexibilité. La loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 3 donne en effet de nouveaux outils au chef d’entreprise.

 

  • Modifier les règles relatives aux CDD ou au recours à l’intérim :
  • Renouvellement des CDD et contrats d’intérim,
  • Délais de carence entre deux contrats,
  • Cas de recours à l’intérim.

à partir du 1er janvier 2021, seuls les accords de branche pourront assouplir les règles relatives aux cdd et au recours à l’intérim

Il est aujourd’hui permis à toute entreprise, de rédiger et de signer un accord d’entreprise qui modifie ces règles, mais attention, ceci n’est possible que, pour l’heure… jusqu’au 31 décembre 2020.

À partir du 1er janvier 2021, seuls les accords de branche pourront assouplir les règles relatives aux CDD et au recours à l’intérim.

 

– Prêter ses salariés :

Le principe est simple, des entreprises aux employés inoccupés vont les prêter à des sociétés en forte activité mais qui sont réticentes à embaucher :

  • plusieurs salariés peuvent être mis à disposition via une seule convention ;
  • il n’est plus obligatoire que l’avenant mentionne les horaires d’exécution du travail, il suffit d’indiquer le volume d’heures hebdomadaire de travail ;
  • la consultation des représentants du personnel sur le recours au prêt de main d’œuvre peut s’effectuer a posteriori dans un délai d’un mois maximum.

L’exigence « d’un but lucratif » est supprimée lorsque l’entreprise utilisatrice relève de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale (voir le décret à paraître), si elle peut démontrer des difficultés économiques liées au Covid-19. L’entreprise utilisatrice ne sera, par ailleurs, pas sanctionnée dans l’hypothèse où les salariés prêtés lui seraient facturés à un coût inférieur au coût réel.

 

– Bénéficier de l’« activité réduite pour le maintien en emploi » :

La loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 complétée par le décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020 a instauré un régime d’activité partielle de longue durée, désigné sous l’acronyme APLD (initialement appelé « activité réduite pour le maintien de l’emploi », ARME). Ce dispositif d’activité partielle dit « spécifique », s’adresse aux entreprises qui sont confrontées à une réduction d’activité durable ne remettant toutefois pas en cause la pérennité de l’établissement. L’objectif : assurer le maintien des salariés dans leur emploi. Entré en vigueur le 31 juillet 2020, l’APLD est un dispositif de prise en charge des heures chômées du fait de la réduction durable de l’activité de l’entreprise. Il peut concerner tout ou partie d’une entreprise ou d’un établissement.

l’activité partielle peut donc représenter au plus 14 heures chômées sur 35 heures par semaine

  • La réduction du temps de travail indemnisée au titre de ce dispositif est limitée à 40 % de la durée légale de L’activité partielle peut donc représenter, au plus, 14 heures chômées sur 35 heures par semaine. 4 À titre exceptionnel, la réduction de la durée de travail peut atteindre 50 % de la durée légale, soit 17,5 heures par semaine, sur autorisation administrative. La durée de mise en œuvre de ce dispositif ne peut dépasser 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois. En contrepartie, l’APLD est subordonnée à des engagements spécifiques en termes de maintien d’emploi et de formation.
  • Le montant de l’allocation versée par l’État à l’employeur au titre des heures chômées est de 56 % du salaire brut du salarié, calculée sur un salaire plafonné à 4,5 x SMIC
  • Le montant de l’indemnité versée par l’entreprise au salarié est de 60 % de son salaire horaire brut servant d’assiette au calcul des congés payés, dans la limite de 4,5 X SMIC 5

 

L’APLD nécessite la conclusion d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de groupe ou d’un accord de branche étendu, puis l’établissement conforme, d’un document unilatéral par l’employeur.

L’accord, doit définir a minima :

  • la durée d’application,
  • les activités concernées,
  • la réduction maximale de l’horaire,
  • les engagements en termes d’emploi et de formation professionnelle,
  • les modalités d’information des organisations syndicales et du CSE, dont la fréquence ne peut être inférieure à 3

Le document unilatéral comprend en outre les conditions de mise en œuvre au sein de l’entreprise des dispositions de l’accord de branche.

Un dispositif aidé mais contrôlé et sanctionné

Le recours à l’APLD est soumis à une autorisation administrative qui est renouvelée tous les 6 mois sur la base des éléments suivants :

  1. un diagnostic sur l’évolution de la situation économique et financière de l’entreprise ;
  2. un bilan établi par l’employeur concernant le respect de ses engagements en matière d’emploi, de formation et de communication aux représentants du personnel.

Le licenciement pour motif économique d’un salarié visé par un engagement de l’employeur de maintien d’emploi entraînera le remboursement des aides perçues pour ce salarié au titre de l’APLD. L’État interrompra son aide si une entreprise ne respecte pas ses engagements en termes de maintien de l’emploi.

Cumul avec l’activité partielle

L’entreprise ne peut bénéficier du dispositif d’APLD et de celui de l’activité partielle pour un même salarié et sur une même période. Le cumul reste possible s’il porte sur des salariés différents, à condition que le recours au dispositif d’activité partielle classique soit justifié par certaines causes au titre desquelles des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou un projet de transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise. La boîte à outils du chef d’entreprise s’étoffe ainsi à mesure des lois nouvelles. Gageons que ces mesures seront à même de contribuer à sauver les secteurs d’activités et les emplois pouvant l’être et d’amortir autant que possible les difficultés économiques et sociales attendues.

 


RÉFÉRENCES

  1. Le « protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de COVID-19 » s’est effectivement substitué au « protocole national de déconfinement » : il est applicable depuis le 1erseptembre 2020.
    Cette mise à jour du protocole découle d’un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), publié le 14 août 2020, relatif à la transmission du virus par aérosols. Dans cet avis, le HCSP a formulé la recommandation du port systématique de masques dans tous les lieux clos publics et privés collectifs.
  2. Le document unique d’évaluation des risques (DUER) est obligatoire dans toutes les entre- prises dès l’embauche du premier salarié. L’employeur qui ne rédige pas ce document est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros ; le risque est plus grand encore si jamais un accident du travail ou une maladie professionnelle d’un salarié se déclarait dans une entreprise dépourvue de DUER…
    Un avocat en droit du travail rédige régulièrement des documents uniques ; il est donc particulièrement prudent d’en consulter un pour qu’il mette l’entreprise en conformité dans les meilleurs délais !
  3. Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
  4. La réduction de la durée de travail du salarié est appréciée sur l’ensemble de la période de recours à l’APLD. Elle peut donc varier au cours de cette période, si elle équivaut au plus à 40 % en moyenne, et même conduire à une suspension totale d’activité durant certaines périodes.
  5. Les salariés sont indemnisés à hauteur de 60 % de leur rémunération antérieure brute pour les heures non travaillées au titre de l’APDC (suspension du contrat de travail), avec plancher au niveau du Smic net horaire et dans la limite de 4,5 SMIC

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