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Donner ou léguer : gare à la liquidation civile de succession !

Chronique des notaires de la Gironde - Vous envisagez de donner un ou plusieurs biens à l’un de vos enfants ou à toute autre personne ? Vous souhaitez organiser votre succession en rédigeant un testament dans lequel vous consentirez divers legs ? Avant que vous ne vous lanciez dans l’établissement d’un projet précis, lisez d'abord le présent article.

Nicolas BUGEAUD, succession

Me Nicolas BUGEAUD, notaire à Ambarès-et-Lagrave © D.R.

Il est d‘un principe très important en droit des successions et des libéralités que vous devez savoir : ce que vous donnez ou léguez est intégré dans la liquidation de succession, afin de vérifier que l’un de vos héritiers n’en soit pas lésé, et dans l’affirmative, il devra être indemnisé. Dès que s’ouvre une succession, le notaire qui en est chargé doit regrouper les libéralités (c’est-à-dire les donations et les legs) consenties par le défunt ; elles participeront de l’établissement de la liquidation1. Juridiquement, cela s’effectue en raison de deux dispositifs légaux : la réserve héréditaire (I) et le rapport successoral (II).

Le fonctionnement de la réserve héréditaire

La réserve héréditaire est prévue aux articles 912 et suivants du Code civil ; elle fonctionne de la manière suivante :

– 1ère étape : le notaire établit une masse intégrant les biens existant au décès (soit l’actif diminué du passif, en ce compris les biens légués) et les biens antérieurement donnés2, ce qui lui donne une valeur totale.

– 2e étape : sur la valeur de la masse ainsi définie, y sont appliquées des quotités définies par la loi ; une première correspond à la réserve héréditaire3 et une seconde correspond à la quotité disponible. La loi précise qu’en présence d’un enfant, la réserve est de 1/2 (de même pour la quotité disponible) ; en présence de deux enfants, elle est de 2/3 (et la quotité disponible est de 1/3) ; en présence de trois enfants ou plus, elle est de 3/4 (et la quotité disponible de 1/4) ; et si c’est un conjoint qui est héritier réservataire, la réserve est d’un 1/4 (et la quotité disponible de 3/4). Ces quotités permettent ainsi de définir quelle est la valeur de la réserve et celle de la quotité disponible4. S’il y a plusieurs héritiers réservataires, la réserve est divisée par leur nombre afin de déterminer la valeur de la réserve individuelle.

– 3e étape : sont imputées les libéralités faites par le défunt. Tout d’abord, on commence par les donations, dons manuels et donations-partages, et ce, suivant un ordre chronologique (de la plus ancienne à la plus récente). Puis, sont imputés les legs de manière proportionnelle (on parle d’imputation au marc le franc). Cette étape consiste à imputer la valeur d’une libéralité, soit sur une réserve individuelle d’un héritier réservataire qui en est bénéficiaire, soit sur la quotité disponible5. Si une libéralité dépasse son secteur d’imputation, elle porte atteinte à la réserve.

– 4e étape : en présence d’une libéralité portant atteinte à la réserve, on dit qu’elle est réductible, c’est-à-dire qu’elle peut faire l’objet d’une action en réduction par les héritiers réservataires qui peuvent alors agir dans le délai de 5 ans à compter du décès ou de 2 ans à compter du jour où ils ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder 10 ans à compter du décès. En principe, il s’agit d’une réduction en valeur, c’est-à-dire que l’action permet d’exiger du bénéficiaire de la libéralité réductible à ce qu’il verse une indemnité de réduction (soit une compensation financière) aux héritiers réservataires. Le bénéficiaire peut y substituer une réduction en nature, c’est-à-dire laisser une quote-part indivise sur les biens reçus par la libéralité réductible égale au montant de l’atteinte à la réserve.

– L’indemnité de réduct…