La renonciation à une succession s’impose à l’héritier lorsqu’il sait que le passif dépasse l’actif ou lorsqu’il ne souhaite pas participer au règlement de la succession pour des raisons personnelles ou affectives. La renonciation pure et simple rend alors l’héritier étranger à la succession. Elle le prive de tout droit sur la succession et le libère corrélativement de toute obligation au paiement des dettes.
La renonciation libère l’héritier de toute obligation au paiement des dettes
La renonciation peut aussi s’inscrire dans le cadre d’une stratégie d’optimisation patrimoniale en accélérant et fluidifiant la transmission aux propres descendants du renonçant. En effet, compte tenu du vieillissement croissant de la population, recevoir un héritage à un âge avancé peut ne pas présenter d’intérêt, alors que les jeunes générations en auraient plus besoin.
Depuis 2007, le législateur a ainsi permis la représentation du renonçant par ses propres descendants, c’est-à-dire que les représentants recevront la part du renonçant. Un saut de génération s’opère alors.
Trois principaux attraits
1 – Une absence de mutation taxable
La représentation du renonçant est neutre fiscalement, elle n’entraîne pas de taxation entre le renonçant et les descendants succédant par représentation. Ainsi, même si la renonciation aboutit à attribuer les biens compris dans la part successorale du renonçant à ses descendants, elle ne constitue pas une donation indirecte passible des droits de mutation à titre gratuit.
2 – Le bénéfice de l’abattement personnel du renonçant
Elle permet également aux descendants représentant le renonçant de bénéficier de l’abattement personnel du renonçant d’un montant de 100 000 euros, au lieu de l’abattement entre grand-parent et petit-enfant de 1 594 euros. Cet abattement de 100 000 euros se partage alors par tête entre les descendants représentant le renonçant. Par exemple, si le renonçant a deux enfants, ces derniers ont droit à un abattement de 50 000 euros chacun. En revanche, le représentant ne peut pas cumuler son abattement personnel de 1 594 euros avec celui du renonçant de 100 000 euros.
La représentation du renonçant peut aussi être plus avantageuse que la donation-partage transgénérationnelle. Les petits-enfants ne bénéficiant pas dans cette dernière de l’abattement parent-enfant de 100 000 euros, mais seulement de l’abattement du petit-enfant de 31 865 euros.
3 – Le bénéfice d’une taxation au même taux que le renonçant
Enfin, les descendants représentant leur auteur renonçant bénéficient comme lui du taux en ligne directe de 5 à 45 % repris au tableau I de l’article 777 du Code général des impôts. Cependant, son mode d’application diffère, ce qui généralement sera favorable aux descendants en entraînant une diminution des droits de succession exigibles au décès. L’article 777 du Code général des impôts précise que le tarif progressif est pratiqué sur « la part nette revenant à chaque successeur ». Chaque descendant bénéficie ainsi des premières tranches du tarif progressif sur la part taxable lui revenant. La représentation a donc pour effet de démultiplier le bénéfice de la progressivité de l’impôt, ce qui réduit le montant des droits de successions exigibles. L’avantage est d’autant plus élevé que le taux marginal d’imposition est élevé et le nombre de descendants important.
L’économie du coût fiscal lié à la transmission des biens entre la génération intermédiaire et les descendants est évidente. Cependant, comme toute technique d’optimisation patrimoniale, pèse toujours le risque que l’opération soit disqualifiée par l’administration fiscale parce qu’elle dissimule en réalité une libéralité ou constitue un abus de droit.
L’économie du coût fiscal lié à la transmission des biens entre la génération intermédiaire et les descendants est évidente
Principes essentiels
Afin d’éviter tout risque de remise en cause, la renonciation devra alors respecter quelques principes essentiels :
1 – Une renonciation nécessairement pure et simple
Tout d’abord, l’application du tarif plus favorable bénéficiant à l’héritier acceptant est réservée uniquement aux seules renonciations pure et simple. La renonciation pure et simple est celle qui est faite sans identification de bénéficiaire, à la différence de la renonciation translative qui est faite au profit d’une personne identifiée qui accepte le bénéfice de cette renonciation.
Sur le plan civil, la renonciation translative emporte acceptation pure et simple de la succession par le renonçant. De cette renonciation dite in favorem, il y a donc double transmission : du défunt au renonçant, puis du renonçant au bénéficiaire de la renonciation.
Sur le plan fiscal, la renonciation translative opère, dans la même veine, une double mutation taxable aux droits de mutation à titre gratuit : du défunt au renonçant puis du renonçant au bénéficiaire de la renonciation. Ce qui ne présente plus aucun intérêt patrimonial.
Ainsi, la renonciation ne doit prévoir aucun bénéficiaire expressément nommé dans l’acte, ni aucune contrepartie, ni condition particulière afin de bénéficier d’une fiscalité attrayante.
2 – Une renonciation sincère et effective
Ensuite, la renonciation pure et simple à succession doit être sincère et effective pour permettre à l’acceptant de bénéficier du tarif plus favorable qui lui est applicable. Tel n’est pas le cas lorsque la renonciation s’inscrit dans une stratégie intégrant d’autres opérations visant exclusivement à éluder ou à diminuer le coût fiscal sans aucun intérêt économique ou patrimonial. Par exemple, cette situation pourrait se rencontrer en cas de rétrocession par le bénéficiaire de tout ou partie des biens successoraux reçus par l’héritier acceptant au renonçant.
La renonciation pourra ainsi être remise en cause par l’administration fiscale sur le fondement de l’abus de droit. Lorsque la procédure de répression des abus de droit est établie, des droits de mutation à titre gratuit seront exigibles, auxquels s’ajouteront une pénalité égale à 80 % des droits rappelés et des intérêts de retard au taux de 0,20 % par mois.
3 – La renonciation en violation des droits du créancier
Enfin, la renonciation ne doit pas être exercée en violation des droits des créanciers du renonçant. En effet, les créanciers personnels de celui qui renonce à la succession, au préjudice de leurs droits, peuvent être autorisés en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en ses lieu et place. Cette action des créanciers de l’héritier renonçant ne pourra être intentée que si la renonciation leur a porté préjudice. En outre, il est à noter que cette action ne bénéficie qu’aux créanciers du renonçant et jusqu’à concurrence de leurs créances.
Dans la « boîte à outils » des modalités de transmission qui s’offrent aux familles désireuses de prévoir, d’évaluer, et d’anticiper leur succession, il peut être ainsi intéressant d’envisager la renonciation comme un moyen de transmission « à moindre coût ».