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Le Barp : GenF, l’énergie de la fusion nucléaire

La start-up GenF, spin-off de Thalès, travaille au développement d’un réacteur à fusion nucléaire par confinement intertiel, reposant sur des lasers de haute puissance. Elle a inauguré ses locaux du Barp, le 15 mai dernier, au plus près du Laser Mégajoule du CEA-Cesta, où elle espère mener ses premiers essais en 2027.

GenF, fusion nucléaire, Thalès

L'entreprise a conçu le système laser le plus puissant au monde, exploité en Roumanie. © Laurent Thion / Ecliptique

Inaugurée en grande pompe le 15 mai 2025 au Barp, à l’Institut Lasers et Plasmas (CEA, CNRS, École polytechnique et Université de Bordeaux), la start-up GenF, spin-off de Thalès, ambitionne de révolutionner la production d’énergie pour répondre à la croissance des besoins. « Notre objectif est de développer un réacteur à fusion nucléaire par confinement intertiel », décrit Yann Gerard, président de GenF, auparavant directeur de la stratégie optronique chez Thales, leader mondial des lasers de haute puissance. Le principe de cette technologie, sur laquelle travaille une petite dizaine d’acteurs dans le monde : des lasers de haute énergie permettent à un combustible d’entrer en fusion, engendrant une libération d’énergie considérable, qui doit être supérieure à celle nécessaire pour provoquer la réaction, c’est le fameux effet de seuil.

GenF, fusion nucléaire, Thalès

La start-up GenF est née sous la forme du projet Taranis de Thales, de conception d’un réacteur à fusion nucléaire par confinement inertiel. Il sera notamment composé de milliers de lasers pour atteindre la réaction de fusion. © Thales

« Il s’agit d’une technologie qui a mûri dans les laboratoires. Il a fallu disposer de lasers de précision assez puissants, choisir le bon combustible et pratiquer de nombreux essais », explique Yann Gerard. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle GenF s’est installée au Barp, au plus près du Laser Mégajoule (LMJ) du CEA-Cesta (Commissariat à l’énergie atomique – Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine). « Aujourd’hui, nous devons montrer si l’industrialisation est possible », ajoute-t-il.

GenF, fusion nucléaire, Thalès

Inauguration de GenF, le 15 mai, en présence de (gauche à droite) Yann Gerard, président de GenF ; Jérôme Demoment, directeur du CEA ; Saïda Guellati-khelifa, directrice adjointe scientifique CNRS Physique ; Alexis Morel, VP lasers et optroniques chez Thales ; et Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. © DR

Filière industrielle nouvelle

Dès 2023, Thales a travaillé à la démonstration de la faisabilité de la conception d’un premier réacteur basé sur cette technologie, au travers d’un consortium réunissant le CNRS, le CEA et l’École polytechnique. Sélectionné dans le cadre de l’appel à projets « réacteurs nucléaires innovants » de France 2030, le projet a obtenu un financement de 18,5 millions d’euros pour sa première phase de développement. « Nous avons proposé aux différents acteurs de la fusion de nous suivre, avec l’objectif de tirer toute une filière industrielle nouvelle », assure Yann Gerard.

Officiellement créée en janvier 2025, et employant déjà une petite dizaine de personnes, avec l’objectif d’atteindre une vingtaine de collaborateurs dans les 2 ans, GenF espère parvenir à modéliser la réaction de fusion d’ici à 2027. « Nous effectuerons des tests de modélisation dès 2025 sur le laser LULI2000 de l’École Polytechnique à Palaiseau, où se trouve notre siège. Puis lancerons une expérimentation sur le Laser Mégajoule (LMJ) du Barp, notre seconde implantation, en 2027. Nous pourrons alors finaliser notre jumeau numérique », détaille Yann Gerard.

Nous visons une commercialisation en 2040 et un raccordement au réseau électrique en 2050

Entre 2027 et 2035, une phase de maturation des technologies de fusion sera nécessaire. Avant la création en 2035 d’un premier prototype intégré du réacteur. « Nous visons une commercialisation en 2040 et un raccordement au réseau électrique en 2050 », précise le dirigeant. D’ici là, plusieurs milliards d’euros seront nécessaires pour développer cette nouvelle technologie.

GenF, fusion nucléaire, Thalès

Au centre de la chambre d’expériences du Laser Mégajoule (LMJ) du CEA-Cesta, au Barp. © CEA MS2016

Sûreté, propreté, souveraineté

Pharaonique, le projet dispose néanmoins d’atouts qui poussent un grand nombre d’acteurs, dont la Région Nouvelle-Aquitaine, à le soutenir. « Cette solution répond à la problématique énergétique sur le climat, la compétitivité et la souveraineté », commence Yann Gerard. De plus, la fusion nucléaire présente une sûreté nettement supérieure à la fission utilisée dans les réacteurs actuels. « La difficulté, dans le cadre de la fusion, est de déclencher la réaction, cela nécessite une quantité d’énergie considérable. Mais, contrairement à la fission, arrêter cette réaction est simple et les matériaux utilisés retrouvent rapidement leur stabilité », explique-t-il. La fusion nucléaire est également plus propre. « Le combustible utilisé est le deutarium : il n’émet pas de CO2 et génère un million de fois moins de déchets radioactifs que la fission. De plus, ils peuvent être éliminés plus vite », affirme Yann Gerard.

Imaginé dès les années 60, le principe de la fusion nucléaire fait l’objet de recherches approfondies selon deux méthodes : le confinement magnétique (c’est notamment la technologie développée dans le cadre d’ITER au CEA de Cadarache, reposant sur des aimants) et le confinement intertiel, reposant sur des lasers de haute puissance. « Il existe des synergies entre ces deux méthodes, notamment sur le combustible et les matériaux permettant de contenir la réaction de fusion », note Yann Gerard.

Près d’un siècle après avoir été imaginée, la fusion nucléaire pourrait produire une nouvelle énergie sûre, abondante, compétitive et bas carbone d’ici à 2050.