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Le bioplastique, c’est fantastique !

LA VEILLE TECHNO - DeepTech, technologie haptique, intelligence artificielle ou encore hydrogène… Autant de sujets qui demandent un décryptage, une vision prospective, une application concrète pour mieux comprendre les enjeux pour la société et la planète. L’éclairage des experts d’UNITEC, spécialiste de l’accompagnement des start-ups, est à retrouver dans les Echos Judiciaires Girondins. Cette semaine, focus sur les biopolymères et leurs différentes applications.  

Alexandre Bertin, Unitec, bioplastique

Alexandre BERTIN, responsable Innovation et Prospective chez UNITEC © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

460, c’est en millions de tonnes, la quantité de plastique produite en 2019, un chiffre qui a doublé en 20 ans alors que l’alarme a été tirée fort dès les premières études sur son impact nocif sur la santé et la biosphère dans les années 70. La pandémie de Covid-19 a quant à elle exacerbé l’usage des plastiques à usage unique faisant exploser la quantité de déchets : rien qu’en 2020, la consommation des matières plastiques a augmenté de 2,2% par rapport à 2019, engendrant 353 millions de tonnes de déchets (contre 156… 20 ans plus tôt). Or 99% des polymères sont issus de la pétrochimie, représentant 4,5% des émissions de gaz à effet de serre.

Retrouvez la note de veille d’Unitec LES BIOPOLYMÈRES, L’ALTERNATIVE ÉCOLOGIQUE AU PLASTIQUE

L’utilisation croissante des plastiques et leur production ne sont pas sans conséquence sur l’environnement : augmentation des émissions de carbone, rejets de produits chimiques participant à la dégradation de la couche d’ozone et à la contamination des sols et des nappes phréatiques.

Le besoin d’alternatives respectueuses du climat est impératif !

Existent-elles ? Bonne nouvelle, OUI.

Depuis une dizaine d’années, des solutions dites « biologiques » de production de plastique affluent et misent sur les « bioplastiques » ou « biopolymères », dans une logique d’économie circulaire : tout déchet est transformé en ressources.

En France, depuis février 2020, une loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire fait des plastiques à usage unique, des microplastiques et des plastiques issus de la pétrochimie des ennemis de premier ordre ! D’ici 2040, la France devra s’être débarrassé des matières plastiques synthétiques.

 

bioplastique

© Shutterstock

Les biopolymères, pères de bio-changements

Qu’est-ce qu’un polymère ? C’est une macromolécule composée de répétitions de petites unités chimiques appelées monomères, lesquels, reliés entre eux par des liaisons chimiques, forment une chaîne moléculaire longue et continue. Lorsque plusieurs de ces chaînes polymériques se regroupent, elles forment un matériau polymère. Et de convoquer l’image du plat italien par excellence – les spaghetti – pour se faire une idée plus précise… « Pris individuellement, le spaghetti n’a pas de propriété mécanique particulière. Mais quand les pâtes sont toutes entrelacées, cela forme un matériau entier avec une bonne tenue mécanique. C’est le même principe pour un matériau polymère » avance Antoine Brège, docteur et spécialiste en polymère biosourcés, CTO de la start-up Dionymer (voir encadré).

Deux grandes catégories existent : les polymères naturels, qui se trouvent dans la nature (comme les protéines, les amidons, les gommes arabiques, l’ADN, la cellulose, etc.) et les polymères synthétiques, qui sont fabriqués par l’homme (comme le polyéthylène, le polypropylène, le PVC). On retrouve donc ces matières partout, tout autour de nous.

Quant aux bioplastiques, il s’agit d’une famille de biopolymères possédant des caractéristiques et des propriétés d’utilisation similaires à celles des plastiques traditionnels, tout en étant d’origine végétale, biodégradables et compostables. Ils sont produits à partir de sources naturelles ou synthétisés en laboratoire en utilisant des techniques de génie chimique. Les principales méthodes pour fabriquer des biopolymères ? La fermentation microbienne par bactéries ou levures ; l’extraction à partir de sources naturelles telles que la cellulose, la chitine et les protéines de plantes, crustacés ou animaux marins ; l’ingénierie génétique via des bactéries génétiquement modifiées pour synthétiser des biopolymères ; la synthèse chimique ou les bioprocédés, méthodes innovantes pour produire des biopolymères à partir de matières premières renouvelables et durables, comme les déchets agricoles ou les résidus industriels.

Les usages ? Nombreux et vertueux !

Grâce à leurs propriétés écologiques et leurs caractéristiques spécifiques, les biopolymères trouvent diverses applications sur le marché :

  1. Emballages alimentaires et industriels : biodégradables et compostables, ils sont de plus en plus utilisés dans la fabrication d’emballages alimentaires et industriels. Ils offrent une alternative plus durable aux plastiques traditionnels, réduisant ainsi les déchets et les impacts environnementaux ; une réponse à la demande croissante des consommateurs pour des emballages durables qu’ils sont prêts à payer plus chers.
  2. Industrie médicale : certains biopolymères sont utilisés dans les dispositifs médicaux, tels que les sutures, les implants, les pansements et les capsules médicamenteuses. Leur biocompatibilité et leur biodégradabilité sont des avantages importants dans ces applications.
  3. Cosmétiques et produits de soins personnels : tels que les crèmes, les lotions et les gels capillaires, en raison de leurs propriétés d’agent de texture et de leur compatibilité avec la peau.
  4. Agriculture : certains biopolymères peuvent être utilisés dans l’agriculture: les films de paillage biodégradables, les engrais à libération contrôlée et les formulations de produits agrochimiques.
  5. Textiles et vêtements : pour créer des tissus et des fibres durables, biodégradables et respectueux de l’environnement, offrant ainsi des alternatives aux textiles synthétiques.
  6. Industrie automobile et électronique : pour fabriquer des pièces automobiles, des composants électroniques et d’autres produits industriels, contribuant ainsi à réduire l’empreinte carbone de ces industries.
  7. Construction : dans les matériaux tels que les revêtements de sols et les adhésifs, pour améliorer leur durabilité et leur performance.
  8. Environnement : les biopolymères peuvent être utilisés dans des applications environnementales telles que la dégradation de contaminants dans le sol et l’eau ou dans la fabrication de matériaux filtrants.

Un marché en pleine explosion

Si les bioplastiques connaissent une croissance importante depuis une dizaine d’années, ils représentent à peine 1% des 390 millions de tonnes de plastiques fabriqués annuellement. L’accélération se fait néanmoins sentir : en 2027, ce sont près de 630 millions de tonnes de bioplastique qui devraient être produites. L’Asie est aujourd’hui le principal continent producteur de bioplastiques avec plus de 40% de la production mondiale (estimée à 220 millions de tonnes) devant l’Europe (26,5%). Selon les estimations, l’Asie devrait voir sa part croitre fortement (au dépend de l’Europe) pour atteindre près de 66% en 2027. Un constat : la mobilisation des terres agricoles pour produire des matières premières nécessaires à la production de bioplastiques n’entre absolument pas en concurrence avec l’utilisation des sols pour élever des animaux, cultiver des céréales ou des légumes etc.

Ce secteur d’activités est comme souvent occupé par des grands groupes de la chimie et la pétrochimie qui réorientent une partie de leurs activités vers des activités plus propres (et à termes plus lucratives ?!) comme Total Corbion PLA ou BASF. A côté de ces mastodontes, se trouvent des entreprises qui se spécialisent dans la production de biopolymères en utilisant des technologies différentes, à l’instar de…NatureWorks LLC, Biome Bioplastics, FKuR Kunstsoff GmbH, Novamont S.p.A., Green Dot Bioplastics, Cardia Bioplastics ou encore Danimer Scientific.

S’il est convenu qu’à l’avenir il sera impossible de se passer des matières plastiques, l’espoir est grand de voir se développer des solutions écologiques et respectueuses de la nature grâce aux innovations portées par les grands acteurs du secteur et la multitude de start-up qui se positionnent sur un marché prometteur.

Unitec est l’une des principales structures d’accompagnement des start-up de la région bordelaise. Elle a contribué à la création de 632 start-up sur le territoire. Forte d’une équipe de 11 start-up managers, Unitec conseille sur trois filières, numérique, sciences de la vie, sciences de l’ingénieur, en accompagnant de l’idée à la création de l’entreprise (incubation), dans sa structuration et son développement (création/amorçage), dans sa croissance stratégique (développement) et dans son passage à l’échelle via l’accélérateur UP GRADE Nouvelle-Aquitaine. En 2022, Unitec a accompagné 162 start-up et affiche un taux de pérennité des entreprises suivies de 86% à 5 ans.

3 questions à Thomas HENNEBEL, cofondateur et CEO de Dionymer

La start-up girondine, accompagnée par UNITEC, développe « PHARM », une technologie biomimétique unique qui valorise n’importe quel déchet organique en polymère (de type PHA : PolyHydroxyAlcanoate) biodégradable.

Qu’est-ce qui caractérise Dionymer ?

L’approche innovante et différenciante de Dionymer réside dans 3 composantes qui permettent de réduire nettement le coût de production actuel de ce type de polymères et faciliter grandement la pénétration du marché. Tout d’abord, une matière première locale à coût très réduit : les déchets organiques, et notamment le marc de raisin, qui se démarque des quelques approches existantes utilisant des huiles végétales ou du sucre, plus coûteux. Ensuite, la performance économique et écologique du procédé unique liée à l’utilisation d’une bactérie particulière qui permet des économies de solvants organiques et de simplifier les étapes de production. Enfin, la possibilité de traiter tout type de déchets organiques grâce à la technologie dont le brevet est en cours de dépôt. Les risques financiers et d’approvisionnement liés aux matières premières sont ainsi réduits, les possibilités de personnalisation des polymères sont multipliées, et les perspectives de développement importantes.

Pourquoi avoir opté pour la production de PolyHydroxyAlcanoate ?

Parce que la demande est désormais en forte croissance. Si la famille des PHAs a été un acteur clé dans la recherche sur les polymères biosourcés et biodégradables ces 20 dernières années, les installations de production à grande échelle n’étaient pas au point. En cause, une demande du marché jusqu’à il y a peu très timide. Les transformateurs et utilisateurs de polymères ne voyaient pas la nécessité de faire passer leurs produits d’origine fossile vers des produits biosourcés et biodégradables généralement plus coûteux. Mais cela change : la demande du marché pour des matériaux et des produits durables a beaucoup augmenté très récemment, soutenue par une prise de conscience mondiale des consommateurs sur la pollution plastique et le changement climatique et par les réglementations gouvernementales associées.

Résultat : les PHA commencent à apparaître dans une large gamme d’applications dans les domaines de l’agriculture, de l’emballage alimentaire et du plastique durable, des cosmétiques, des textiles… Malheureusement, la plupart des installations de production de PHA à petite échelle (<10kt/an) ne sont pas en capacité de répondre à la demande actuelle.

Comment envisagez-vous l’avenir du marché du bioplastique ?

D’après European Bioplastics, les capacités mondiales de production de biopolymères devraient tripler en 5 ans passant de 2,2 millions de tonnes en 2022 à environ 6,3 millions de tonnes en 2027. La sensibilisation des consommateurs à l’impact environnemental des matériaux issus du pétrole et la réglementation active vers des alternatives biosourcées sont et seront quoiqu’il arrive, le moteur du marché de nos PHA. Nous considérons que le momentum de Dionymer est idéal : avant il était trop tôt pour faire émerger des PHA circulaires,… ensuite il sera trop tard. Toutes les conditions sont aujourd’hui réunies.

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